Retraites : les fermetures de mairies, avant tout symboliques, enflamment le débat

Publié le 31 janvier 2023 à 7h00 - par

Paris, Montreuil, mais aussi Saint-Paul (La Réunion)… Des dizaines de maires vont « fermer symboliquement leur mairie », mardi 31 janvier 2023, en soutien aux mobilisations contre la réforme des retraites, avec un impact le plus souvent minime mais qui suscite la controverse.

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Afin d’« augmenter la mobilisation » et « par solidarité », le secrétaire national du PCF Fabien Roussel a appelé les maires à fermer « plus nombreux encore » leur mairie le 31 janvier, ne serait-ce que « deux à trois heures » pour permettre aux agents d’aller manifester.

Il avait aussi appelé les maires à mettre des banderoles sur les frontons de leurs mairies et à « donner des heures » pour permettre aux agents de « manifester sans perte de salaire ».

Depuis, l’appel a essaimé et de nombreuses mairies, dont Paris, se sont déclarées « mairies solidaires ». L’hôtel de ville de la capitale restera ainsi fermé au public, hormis un lieu d’accueil pour les femmes sans-abri, mais l’annonce reste symbolique dans la mesure où il n’abrite pas de service d’état civil.

Dans les arrondissements parisiens, seules les mairies tenues par la gauche s’associeront à l’événement, mais leurs portes resteront ouvertes. L’opposant LR Aurélien Véron voit un « coup de com’ dangereux » dans le fait de « prendre une mairie et de s’en servir comme d’un outil politique ».

« L’objectif visé est sans doute davantage le geste symbolique et le fait qu’on en parle pour accroître la pression sur l’exécutif », note le politologue Bruno Cautrès.

Plusieurs édiles ne prévoient pas de fermeture mais se mobiliseront différemment. À Allonnes (Sarthe), le maire PCF Gilles Leproust a par exemple distribué des tracts avec d’autres élus devant les écoles et un marché « pour mobiliser ».

« Acte symbolique fort »

Dans le Nord, le maire LFI de Faches-Thumesnil Patrick Proisy a annoncé sur Twitter qu’il ne « décompterait pas des salaires les heures de grève des agents municipaux à partir de 14h00 pour qu’ils puissent se rendre à la manifestation de Lille ». Ce à quoi le député macroniste Karl Olive a aussitôt répondu : « Avec son argent personnel ou l’argent de l’État ? »

Dans le Val-de-Marne, Bonneuil-sur-Marne sera « mairie morte » avec seulement des « astreintes techniques et administratives », a annoncé le maire PCF Denis Ötzorun. En réponse aux critiques sur le non respect de la neutralité, il interroge : « Depuis quand les maires sont-ils neutres ? ». « Fermer est un acte symbolique fort. On va se retrouver avec des agents qui font des métiers difficiles comme les ATSEM et les agents d’entretien, et qui, après 50 ans, ne peuvent parfois plus travailler », a-t-il fait valoir auprès de l’AFP.

À Villejuif (Val-de-Marne), le maire PCF Pierre Garzon mobilisera « de nombreux cars » au départ de la mairie pour rejoindre le cortège parisien.

Interrogée, l’Association des Maires de France (AMF) assure qu’elle ne « prend pas parti » au nom de la libre administration des collectivités tout en reconnaissant que ce type d’initiative « n’est pas dans l’ADN des maires ».

Questionnant la légalité de ces fermetures, le ministre du Travail Olivier Dussopt (ex-PS) a pointé un problème de « neutralité ».

Pour Jean-Paul Markus, professeur de droit public à Paris-Saclay, fermer un jour de grève peut effectivement « poser un problème de neutralité car s’apparenter à une subvention déguisée aux grévistes », même s’il reconnaît « qu’il n’y a pas de jurisprudence ».

« Si on ferme la mairie, on fait en sorte que la retenue ne s’applique pas. C’est une façon de financer les grévistes et c’est contraire au principe de neutralité », souligne-t-il.

Il n’y a en revanche « pas d’obligation » pour une mairie à rester ouverte puisque les services ne pouvant être interrompus, comme la distribution d’eau potable, sont limités.

Toutefois, restreindre les horaires d’ouverture ne peut se faire qu’au nom « de l’intérêt général », commente Mathilde Philip-Gay, professeure de droit public à Lyon 3. « Or là il s’agit d’un intérêt politique, le risque c’est que ce soit considéré comme un détournement de pouvoir en droit administratif », précise-t-elle.

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