Accès aux soins : lutter contre les déserts pharmaceutiques

Publié le 25 septembre 2024 à 10h00 - par

Un décret et un arrêté publiés au Journal officiel cet été visent à déterminer les territoires fragiles en termes d’accès aux médicaments. L’objectif est de permettre le transfert ou le regroupement de pharmacies d’officine afin de répondre aux besoins de la population.

Accès aux soins : lutter contre les déserts pharmaceutiques
© Par MDFrescuerYouTube - Pixabay.com

Très attendu par les pharmaciens d’officine, le décret relatif aux conditions de détermination des territoires au sein desquels l’accès au médicament pour la population n’est pas assuré de manière satisfaisante, est enfin paru au Journal officiel du 8 juillet 2024. Le même jour, un arrêté a également été publié afin de fixer les critères déterminant les territoires dits fragiles.

Ces textes viennent en application de l’ordonnance n° 2018-3 du 3 janvier 2018 relative à l’adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie, qui prévoit des dispositions particulières pour certains territoires. L’ordonnance précise ainsi que les directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS) ont la possibilité de fixer par arrêté « les territoires au sein desquels l’accès au médicament pour la population n’est pas assuré de manière satisfaisante ». Et c’est un décret qui « détermine les conditions dans lesquelles ces territoires sont définis en raison des caractéristiques démographiques, sanitaires et sociales de leur population, de l’offre pharmaceutique et de son évolution prévisible, ou, le cas échéant, des particularités géographiques de la zone ». Le directeur général de l’ARS est également habilité à accorder des financements provenant du fonds d’intervention régional (FIR) de l’agence. De plus, l’avenant de la convention nationale pharmaceutique, signée le 10 juin 2024, prévoit des mesures destinées à favoriser ou maintenir une offre pharmaceutique dans les territoires ainsi définis, soit 20 000 € maximum pour des officines situées dans ces territoires fragiles.

Le décret et l’arrêté sont donc vitaux pour la profession et la population, sachant que le nombre de pharmacies a diminué sur l’ensemble du territoire de la métropole, mettant en péril le maillage officinal. En 2023, 255 officines ont fermé selon le Conseil national de l’ordre des pharmaciens (CNOP).

Quatre critères

Concrètement, le décret confirme que le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) définit, par voie d’arrêté, les territoires considérés comme fragiles, après concertation avec le Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens (CROP) territorialement compétent, ainsi qu’avec les syndicats représentatifs de la profession* et les conseils territoriaux de santé. La sélection de ces territoires repose sur quatre critères :

  • le classement du territoire en « zone sous-dense » du fait d’une offre de soins insuffisante ou de difficultés dans l’accès aux soins, conformément à l’article L1434-4 du Code de la santé publique (CSP) ;
  • la récurrence de la participation des officines au service de garde et d’urgence, sur la base des informations fournies par les organisations représentatives de la profession dans le département ;
  • le nombre de pharmacies dont le pharmacien titulaire est âgé de plus de 65 ans au sein du territoire considéré ;
  • le nombre de pharmacies tenues par un seul pharmacien titulaire au sein du territoire considéré.

Quant à l’arrêté, il fixe le pourcentage maximum d’habitants résidant dans ce type de territoire, déterminé notamment par la population qui doit effectuer un trajet routier supérieur à 15 minutes pour se rendre dans une officine. Ce taux varie selon la région. Par exemple, il s’élève à 2 % dans les Hauts-de-France et atteint 18 % en Corse.

Les directeurs généraux des ARS vont pouvoir ainsi prononcer l’ouverture d’une officine par voie de transfert ou de regroupement, si les communes contiguës dépourvues d’officine totalisent un nombre d’habitants supérieur à 2 500 habitants et que l’une d’entre elles recense au moins 2 000 habitants. Certaines officines pourront aussi bénéficier d’aides financières du FIR ou conventionnelles.

Un texte décrié

Bien que ces textes soient importants pour les pharmaciens, l’un des deux syndicats représentatifs, l’USPO, a déposé les 3 et 4 septembre 2024 deux recours contentieux au Conseil d’État, le premier contre le décret et le second contre l’arrêté. Pour le président de l’USPO, Pierre-Olivier Variot, le texte est paru sans aucune concertation avec la profession et sans qu’aucune remarque du syndicat n’ait été prise en compte dans sa rédaction finale. L’USPO dénonce notamment le critère de l’âge du pharmacien.

Autre texte décrié par le syndicat, ainsi que par la FSPF et le CNOP, la proposition de loi (PPL) adoptée par le Sénat le 11 avril 2024 portant sur les pharmacies des communes rurales. Cette PPL vise notamment à préserver les pharmacies qui risquent de disparaître dans les zones rurales. Pour autant, elle entre en contradiction avec l’ordonnance de 2018 et le décret du 7 juillet 2024. Le texte adopté a été transmis à l’Assemblée nationale avant sa dissolution.

Magali Clausener

* Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).


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