Alzheimer, au-delà des plans et des colloques…

Publié le 30 mai 2011 à 0h00 - par

Face à la progression de la maladie d’Alzheimer, le président de la République a lancé, le 1er février 2008, le plan Alzheimer 2008-2012. Le 7 juin prochain, l’Espace national de Réflexion Éthique sur la Maladie d’Alzheimer (EREMA) organise un colloque à Lille consacré aux malades d’Alzheimer dits « jeunes ».

Ce colloque démontre la volonté politique de faciliter l’accès au diagnostic, de développer les connaissances, de renforcer la recherche, d’améliorer la prise en charge des malades jeunes, etc. Aujourd’hui, que peut-on proposer pour les patients âgés dans les maisons de retraite ? Les éditions Weka ont voulu contribuer à l’effort…

En quoi consiste le plan Alzheimer 2008-2012 ?

Avec le vieillissement de la population, les pathologies liées à l’âge ne cessent de progresser. Parmi elles, la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées préoccupent particulièrement les pouvoirs publics. À partir de 85 ans, 1 femme sur 4 et 1 homme sur 5 sont touchés. Face à ce triple défi scientifique, médical et social, le président de la République a lancé le 1er février 2008 le plan Alzheimer 2008-2012. Ses objectifs sont de fournir un effort sans précédent sur la recherche, de favoriser un diagnostic plus précoce et d’améliorer la prise en charge des malades et de leurs aidants.

Un centre national de référence pour les malades d’Alzheimer jeunes a été créé, visant à améliorer l’accès au diagnostic et la prise en charge des malades jeunes, à renforcer la recherche, la maladie du sujet jeune constituant un modèle d’observation et d’analyse permettant de mieux identifier les mécanismes génétiques et physiopathologiques et d’envisager des pistes thérapeutiques innovantes.

Rencontre avec Sylvain Siboni, psychologue, responsable du Forum d’animation Jean Vignalou, à l’hôpital Charles Foix d’Ivry-sur-Seine

Depuis vingt ans, Sylvain Siboni et ses équipes réalisent un travail d’animation remarquable auprès des patients atteints de maladie d’Alzheimer. Son objectif est de les rassurer et de garder ces personnes « vivantes » malgré leur âge car, comme le dit Sylvain Siboni, « qu’une bougie soit entière ou qu’il n’en reste presque rien, la flamme qui brûle au-dessus a toujours la même taille ».

Monique Phan : Depuis vingt ans, vous proposez des ateliers thérapeutiques à vos patients atteints de maladies d’Alzheimer. Qu’entendez-vous par « ateliers thérapeutiques » ?

Sylvain Siboni : Tout d’abord, je commencerai par vous citer cette phrase de Vladimir Jankélévitch : « Le temps est le seul contenant qui pèse plus lourd quand on le vide. » En mettant en place des ateliers, nous cherchons à combler ce temps vide, générateur d’angoisse et d’exclusion…

En quoi, faire un atelier avec des personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer et de démences apparentées peut-il être thérapeutique ? Pour tenter de répondre à cette question, nous devons nous en poser une primordiale : quels sont les besoins des personnes âgées vivant en institution ? Cette question va être la base de notre réflexion afin d’adapter l’atelier aux personnes avec lesquelles nous allons travailler. Ceci signifie que tout projet d’atelier est possible à mettre en place si l’on fait en sorte de l’adapter de façon cohérente en tenant compte du lieu de vie, de leurs demandes, de leurs désirs, de leur histoire de vie, mais surtout en tenant compte de notre propre motivation. En tant qu’animateur d’un groupe, si on fait cet atelier sans envie, sans maîtrise, sans projet, il sera difficile de motiver ces personnes qui n’ont envie de rien, qui se sentent inutiles…

Quel est votre rôle et celui de vos équipes auprès de ces personnes ?

Sylvain Siboni : Notre rôle de soignant et d’accompagnant est de permettre à ces personnes de se réinvestir dans la vie, dans leur vie… Sans oublier, la maladie et la dépendance qui les ont amenées à une vie en institution non choisie…

Pour les accompagner au mieux, il est nécessaire de toujours garder à l’esprit cette notion de rythme. C’est à l’institution d’aller au rythme de la personne et non l’inverse ! Mais par manque de temps, de moyens, il faut aller vite, faire à la place… dans ce cas-là, nous ne sommes plus dans un accompagnement mais dans l’assistanat…

Qu’entendez-vous précisément par accompagnement ?

Sylvain Siboni : Parler d’accompagnement implique d’être au rythme de la personne, de l’aider si besoin, de prendre le temps de formuler et de reformuler nos phrases, nos actes (prévenir avant de faire). Si nous restons dans cette logique, nous devons tout autant adapter les ateliers en fonction des handicaps, ce qui demande un réel travail de préparation des ateliers.

Attention, ce n’est pas parce qu’une personne est hémiplégique qu’elle ne peut pas couper des tomates ! Il appartient au soignant de faire en sorte, par une préparation préalable, d’adapter l’atelier à la personne. De même pour une personne qui ne parle pas (aphasie), cela ne signifie pas qu’elle n’aura pas de plaisir à être dans un groupe de parole ! Ne plus parler ne veut pas dire ne plus comprendre !

Quels sont les objectifs de vos ateliers ?

Sylvain Siboni : Tous les ateliers que nous proposons ne sont que des prétextes à être ensemble quel que soit le support utilisé qui ne constitue qu’une médiation à la relation. Être ensemble au sein d’un groupe est important car cela va permettre à la personne dépendante d’y trouver une place, d’exister à nouveau en tant que personne avec la possibilité de s’exprimer, de donner son avis, de dire ses souffrances, son histoire… « Ce que vous pensez m’intéresse ! »

Ne pas être seul, retrouver un rôle, être reconnu en tant que personne, autant de stimulations amenant le désir. De ce désir va naître le plaisir. Plaisir à ÊTRE, plaisir à exister, plaisir narcissique permettant d’évoquer son vécu. Ce qui explique aussi que les ateliers « groupes de parole » soient plus nombreux que les ateliers « vie quotidienne ». En effet, tout ce qui concerne la vie quotidienne requiert parfois des capacités praxiques et cognitives plus importantes que les groupes de paroles où il est plus facile de donner une image assurée.

Vous nous avez dit que « tout a un sens » dans vos ateliers. Pouvez-vous préciser ?

Sylvain Siboni : Tous les temps forts proposés dans les ateliers ont un sens et répondent, de façon adaptée, aux différents symptômes de la maladie d’Alzheimer ainsi que sur ce que ressent la personne âgée dans sa vie en institution (isolement, solitude, rupture familiale…), sans oublier que la maladie d’Alzheimer est une maladie de la peur et qu’elle nécessite donc que nous puissions, au travers des différents ateliers, rassurer la personne en proie à une perpétuelle inquiétude.

Pourquoi l’accueil est-il fondamental avant chaque atelier ?

Sylvain Siboni : Se sentir accueilli, attendu, va avoir un impact sur la personne. Elle se sent rassurée de se savoir dans un lieu qui la connaît, qui la reconnaît.

Prendre le temps de les connaître est essentiel. Nous-mêmes, dans nos propres relations, nous apprenons à connaître les gens avec qui nous vivons, avec qui nous travaillons. De cette relation va naître une confiance et cette confiance va nous permettre de créer du lien, de mettre des projets en place.

Pour les personnes âgées, c’est exactement la même chose. Lorsque la confiance est installée, adhérer à un atelier devient possible.

Le choix de l’atelier est-il important pour les personnes âgées ?

Sylvain Siboni : La notion de choix est primordiale. Les personnes vivant en institution ne maîtrisent plus leur vie, elles n’ont plus le choix. Elles doivent se plier à la vie en collectivité.

Pouvoir choisir un atelier rend la personne « actrice » de sa vie. Le choix va se faire sur différents modes : selon l’atelier lui-même, selon le lieu où se déroule celui-ci (je ne me sens pas enfermé, les toilettes sont juste à côté…) et, bien sûr, selon l’animateur qui est au centre de cet atelier (je veux aller avec lui, surtout pas avec elle !…)

Pour en savoir plus :

Les éditions Weka publient en septembre 2011 le « Guide pratique de l’animation en maisons de retraite » associant un carnet d’animations établi par Sylvain Siboni et ses équipes intitulé « Animations pour les patients atteints d’Alzheimer en maison de retraite ». Ces produits seront disponibles sur le double support papier et web.

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