François Bayrou impose aux médecins 2 jours de consultation par mois dans les déserts médicaux

Publié le 29 avril 2025 à 14h15 - par

Pour renforcer l’accès aux soins des Français, François Bayrou a présenté, le 25 avril 2025, un Pacte de lutte contre les déserts médicaux.

François Bayrou impose aux médecins 2 jours de consultation par mois dans les déserts médicaux
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L’an dernier, 6 millions de Français n’avaient pas de médecin traitant et 87 % du territoire était classé en désert médical. « Les déserts médicaux sont le symptôme le plus aigu et le plus persistant de notre fracture territoriale », est convaincu le Premier ministre. En déplacement à Aurillac, dans le Cantal, François Bayrou, accompagné de quatre ministres – Catherine Vautrin (Travail, Santé, Solidarités et Familles), François Rebsamen (Aménagement du territoire et Décentralisation), Philippe Baptiste (Enseignement supérieur et Recherche), Yannick Neuder (Santé et Accès aux soins) -, a donc annoncé un plan d’action pour renforcer l’accès aux soins des Français, baptisé Pacte de lutte contre les déserts médicaux. « Garantir à chacun un accès aux soins est une exigence de justice, une condition de confiance, un devoir de la République », peut-on lire dans le plan gouvernemental.

Le Pacte de lutte contre les déserts médicaux présenté par le Premier ministre repose sur quatre axes.

Former plus, au plus près des territoires

Le gouvernement entend diversifier l’origine géographique et sociale des étudiants en permettant à plus de jeunes d’accéder aux études de santé, sur l’ensemble du territoire. Ainsi, dès la rentrée 2026, l’accès aux études de santé sera élargi et disponible dans chaque département, par la généralisation des antennes de formation, des campus connectés ou d’autres solutions construites par les acteurs de terrain. Également à compter de la rentrée 2026, plus de 3 700 internes de 4e année de médecine générale exerceront sur l’ensemble du territoire, avec des fortes incitations à découvrir l’exercice médical en zone sous-dense (environ 40 par département). Parallèlement, afin de mieux faire connaître l’intérêt de l’exercice médical dans les territoires, 100 % des étudiants de médecine réaliseront désormais au moins un stage en dehors des CHU et un en zone sous-dense durant leur cursus.

Déployer un principe de solidarité de l’ensemble de la communauté médicale

C’est la mesure phare du plan gouvernemental : chaque médecin devra désormais consacrer jusqu’à 2 jours par mois à des consultations dans les zones « rouges », c’est-à-dire celles les plus en difficulté. La mobilisation des médecins dans ces consultations avancées se fera par la concertation, au plus près du terrain et en fonction des besoins, dans une logique pragmatique mais dans une logique d’exigence de résultats, prend soin de préciser le gouvernement.

Moderniser et simplifier les organisations entre les professionnels

L’objectif du Pacte est de réduire le temps consacré par les médecins aux formalités administratives afin de leur permettre de se concentrer au maximum sur la réponse aux besoins de leurs patients. Pour cela, les certificats médicaux ne reposant sur aucun fondement juridique ou médical seront supprimés. Les activités médicales secondaires, telles que la médecine esthétique pratiquée par des médecins généralistes par exemple, seront encadrées et plafonnées. De plus, 15 000 assistants médicaux devront être déployés d’ici 2028, qui verront leurs missions élargies. « Enfin, de nouvelles coopérations professionnelles seront déployées, afin de permettre à d’autres professionnels de santé de prendre en charge de nouveaux actes, tandis que le rôle des infirmiers de pratique avancée dans notre système de santé sera conforté », indique le plan gouvernemental.

Avec les élus locaux, créer des conditions d’accueil attractives

Pour donner aux étudiants et aux professionnels de santé l’envie de s’installer dans la durée là où l’on a le plus besoin d’eux, le gouvernement veut créer, avec les élus locaux, des conditions d’accueil attractives. À cet effet, il convient de sécuriser les cadres d’exercice et de simplifier les démarches au quotidien pour le professionnel et ses proches (développement des internats ruraux, logement des étudiants en santé, crèche…). Le Pacte prévoit de s’appuyer sur la synergie ARS-préfets-élus, notamment pour mettre en place au niveau régional un « Guichet numérique unique d’aide à l’installation », sur la base des portails d’accompagnement des professionnels de santé (PAPS) existants. Ce guichet unique pourra être décliné au niveau infra régional, coordonné par les ARS en lien avec les préfets.

Une grande partie des mesures du Pacte doit faire l’objet de textes législatifs à soumettre au Parlement au cours de l’année 2025, indique le gouvernement. Plusieurs mesures pourront également être mises en œuvre par des textes réglementaires, comme la mise en place opérationnelle des docteurs juniors en médecine générale, avec des textes qui seront prêts avant l’été 2025 et la plupart des textes législatifs devront faire l’objet de publications de textes réglementaires complémentaires jusqu’à l’automne 2026, assure encore l’exécutif.

Pour la première fois, un gouvernement adopte une mesure contraignante visant à réguler l’activité des médecins libéraux, en leur imposant deux jours de temps de consultation par mois dans les déserts médicaux. Les syndicats de médecins soutiennent que de telles mesures vont provoquer une fuite des médecins vers l’hôpital ou l’étranger et réduire l’attractivité de la profession. Vivement opposés à la décision du Premier ministre, ils ont maintenu leurs appels à la grève et aux manifestations à partir de ce lundi 28 avril. Toutefois, en cas d’échec, François Bayrou menace de remettre en question le principe de liberté d’installation des médecins libéraux. Une disposition en ce sens a d’ailleurs été votée le 2 avril à l’Assemblée nationale, dans le cadre d’une proposition de loi dont l’examen doit reprendre le 6 mai.

Du côté des élus locaux, l’Association des petites villes de France (APVF) soutient le principe de solidarité territoriale instauré par le gouvernement, qui prévoit que chaque médecin consacre du temps aux zones les plus en tension. « Il est en effet préférable de faire venir les soignants aux habitants, plutôt que de demander à ces derniers de parcourir des dizaines de kilomètres. Le renoncement aux soins pour des raisons de mobilité est une réalité quotidienne pour trop de Français », explique l’association. L’APVF salue « une prise de conscience salutaire », mais souligne que « l’urgence impose des mesures plus structurelles et plus courageuses ». L’association demande que les élus locaux soient pleinement associés à la mise  en œuvre du pacte. « Les solutions doivent être adaptées aux réalités locales et coconstruites avec les territoires. Les petites villes n’ont plus le temps d’attendre. Elles espèrent des décisions à la hauteur de la situation, à la fois justes, équitables et efficaces », conclut l’APVF.

« Au-delà de la seule question de l’installation des médecins, une refondation de l’ensemble du système devient désormais incontournable pour répondre à ces nouveaux défis autour de trois grands impératifs : un rééquilibrage des ressources humaines, de véritables politiques de prévention centrées autour d’une approche démocratique de la santé, une offre de prise en charge intégrée », estime pour sa part le think tank Sens du service public, dans une note publiée le 25 avril. La pénurie de soignants, en zones rurales comme en périphéries urbaines, appelle « une planification nationale coordonnée des installations et des carrières », plaide-t-il. Selon le think tank, il convient également « de valoriser et développer les fonctions de coordination (infirmiers coordinateurs, gestionnaires de parcours), encore trop marginales dans notre système. »
Par ailleurs, « une politique ambitieuse de prévention structurée doit s’appuyer sur les collectivités locales, les établissements scolaires et les usagers eux-mêmes », soutient Sens du service public. Selon lui, un système de santé moderne ne peut se construire sans ses usagers : « leur participation active, via des mécanismes de démocratie en santé, est essentielle. » L’organisation territoriale des soins doit donc désormais reposer sur une gouvernance tripartite : élus locaux, professionnels de santé, représentants des usagers.
Il est aussi temps de rompre avec la fragmentation entre hôpital, ville et médico-social, poursuit la note. « Des groupements territoriaux de santé intégrée, dotés de budgets globaux et de marges de manœuvre organisationnelle, peuvent en constituer l’architecture. Ces derniers, regroupant l’offre de soins sanitaire et médico-sociale sur un territoire donné et sous une gouvernance unifiée, permettrait d’offrir une meilleure visibilité sur la coordination de  la réponse aux besoins de la population », soutient le think tank. Dans ce schéma, l’Assurance maladie doit devenir un acteur d’orientation stratégique, non uniquement de régulation budgétaire. Refonder le système de santé suppose « de dépasser les réflexes défensifs des structures actuelles, et de réactiver un consensus démocratique où performance et justice sociale ne sont plus opposées mais articulées. Inspirés par les réussites internationales et ancrés dans notre tradition de service public, nous pouvons construire un système de santé robuste, attractif, et profondément humain », est persuadé Sens du service public.