Il manque encore 1 milliard pour régler les comptes épargne-temps des praticiens

Publié le 9 octobre 2012 à 0h00 - par

La date d’expiration des Comptes épargne-temps (CET) des praticiens hospitaliers arrive à grande vitesse. Fin 2012, si aucun décret n’est publié par la tutelle, les praticiens hospitaliers pourront liquider, sous quelque forme que ce soit, leur CET. Mais il manque un milliard d’euros aux établissements de santé pour régler ces CET.

Il manque encore 1 milliard pour régler les comptes épargne-temps des praticiens

C’est le syndicat de praticiens Avenir hospitalier qui a tiré la sonnette d’alarme fin septembre via un communiqué : « Le lancement du Pacte de confiance au sein des hôpitaux ne doit pas faire oublier les dossiers urgents et en souffrance depuis des années, en premier lieu celui des CET des médecins hospitaliers ». En effet, le décret n° 2002-1358 du 18 novembre 2002 portant création d’un compte épargne-temps instituait un CET pour une durée de dix ans. À compter de fin 2012, les Praticiens hospitaliers (PH) sont donc en droit de liquider entièrement leur CET sous forme de congés, et de désorganiser ainsi l’hôpital, ou de les monétiser. Problème : selon la Fédération hospitalière de France (FHF), il manque un milliard d’euros aux établissements de santé en cas de monétisation de ces CET par les PH. Une réunion à ce sujet s’est tenu ce 5 octobre au ministère de la Santé.

Désorganisation des hôpitaux

D’où l’affolement du syndicat Avenir hospitalier, qui prévoit une désorganisation des hôpitaux si le ministère ne prend pas de disposition avant que les CET ne viennent à expiration : « Il reste donc trois mois pour trouver une solution décente et honorable, sans quoi ces jours seront pris en congés, faisant courir de gros risques organisationnels dans les établissements ». Contactée par Hospimedia, sa présidente Nicole Smolski a indiqué avoir eu un entretien sur le sujet avec la directrice de cabinet de Marisol Touraine, Ève Parier, et avec Raymond Le Moign, sous-directeur des ressources humaines à la DGOS. « On m’a assuré qu’une solution allait être trouvée. Depuis, plus rien. »

Le 7 septembre dernier, la ministre des Affaires sociales et de la Santé avait pourtant apporté un début de réponses aux inquiétudes d’Avenir Hospitalier, en affirmant qu’elle allait rendre effectif le protocole d’accord sur l’exercice médical. Ce protocole, dans ses annexes, comprend un projet de décret portant modification des dispositions relatives à la réduction du temps de travail et au CET des personnels médicaux. « La ministre nous a promis la publication de ces décrets, il n’y a pas lieu de s’inquiéter outre-mesure, pour le moment. Mais si nous ne voyons rien venir début octobre, là, nous le ferons savoir », relaie pour sa part Rachel Bocher, président de l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH). »Nous sommes très impatients, nous attendons la publication dudit décret depuis le début de cette année », s’insurge pour sa part Norbert Skurnik, président de la Confédération des médecins hospitaliers (CMH).

Point retraite, monétisation

Que disait le protocole d’accord sur l’exercice médical à l’endroit des CET ? Ce projet de décret, auquel est associé un projet d’arrêté, établit le plafond de jours de RTT annuels du CET, fixé à 20 jours, et le devenir des jours excédant ce seuil. Au choix, selon ce projet, les praticiens pourront convertir leurs jours de RTT excédentaires en points retraite complémentaire, monétiser leur RTT à raison de 300 euros par jour ou les utiliser sous forme de congé. Par ailleurs, le nombre de jours RTT stockés sur un CET ne peut excéder 300 jours et serait ramené, selon le projet d’arrêté, à 208 jours en 2016.

Négociations ?

Ce sont ces textes que Marisol Touraine devrait publier dans les semaines qui viennent. Ce qui n’est pas non plus pour satisfaire certains syndicats de PH. « Nous n’avons pas souscrit aux propositions de ces projets de texte. Ainsi, l’abondement des retraites complémentaires par les jours de RTT nous parait très peu satisfaisante », explique Nicole Smolski. Au sujet de la monétisation, là encore le compte n’y est pas : « La monétisation proposée se situe à un niveau ridicule pour des heures de travail supplémentaires, deux fois moins que ce que les hôpitaux sont prêts à payer aux médecins mercenaires recrutés souvent sans beaucoup d’exigences de qualité », notait Avenir Hospitalier dans un communiqué publié en début d’année. Par ailleurs, note sa présidente, peu d’hospitaliers, selon elle, ont monétisé jusqu’à présent leur CET : « Ces sommes sont imposables. Tout compte fait, ce n’est pas très rentable de les monétiser. » Son syndicat réclame donc une nouvelle négociation sur ces projet de textes avant toute publication.

2 millions de RTT stockés ?

Un problème subsiste : combien de jours de RTT ont-ils été stockés par les PH ? En 2008, sous la ministre Roselyne Bachelot, les praticiens avaient liquidé une partie de leur CET suite à la signature d’un accord en début d’année. Mais, depuis, les jours de RTT se sont de nouveau accumulés dans les CET. Pourtant, dès 2008, une commission de suivi des accords avaient été créée pour éviter que les comptes soient de nouveau excédentaires. Cette commission, paritaire, voyait siéger quatre des intersyndicales qui avaient signé l’accord : « Cette commission n’a dû se réunir qu’une ou deux fois », se rappelle Norbert Skurnik. Elle est donc dans l’incapacité de déterminer le nombre de jours RTT stockés par les médecins. Pas plus d’ailleurs que les ARS qui, interrogées par Hospimedia, n’ont pas donné suite. Lors de la signature du protocole d’accord sur l’exercice médical, la presse évoquait le chiffre de 2 millions de jours stockés, correspondant à 600 millions d’euros. La DGOS n’a pas confirmé ces données. Quoi qu’il en soit, quel que soit le montant envisagé, pour que ces CET soient apurés, encore faut-il que les hôpitaux les aient provisionnés. Rien n’est moins sûr. Ainsi, la FHF s’apprête à adresser un courrier au cabinet de la ministre pour surseoir à la certification des comptes des établissements de santé. Raison invoquée : certains de ces hôpitaux n’ont pas provisionné leur compte, en particulier pour le règlement des CET. Contacté par Hospimedia, le cabinet de Marisol Touraine a confirmé que « la ministre rest[ait] très attentive à la question des CET ».

Jean-Bernard Gervais

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