La santé, nouvelle frontière du métavers ?

Publié le 2 novembre 2022 à 8h20 - par

Demain tous patients dans le métavers ? Cet univers virtuel censé prolonger le monde physique arrive dans le secteur de la santé, apportant son lot d’innovations prometteuses, mais aussi de gadgets, voire de risques.

La santé, nouvelle frontière du métavers ?

La santé numérique est en plein boom, un phénomène renforcé par la crise sanitaire : téléconsultations, applis de suivi en ligne des patients, intelligence artificielle pour le diagnostic… S’y ajoute désormais le métavers, ce monde virtuel en développement, qui touche principalement jusqu’ici les jeux ou les événements festifs de type concerts.

Déjà, des laboratoires pharmaceutiques se sont lancés. L’américain Pfizer a ainsi créé Hemocraft, sorte de jeu en ligne dans lequel les jeunes hémophiles apprennent à gérer leur traitement. Depuis peu, une marque américaine d’aligneurs pour les dents, Invisalign, propose un cabinet dentaire interactif dans le métavers, pour amener les avatars (ou plutôt leurs alter egos réels) « à en savoir plus sur le produit de manière à engager une conversation avec un dentiste ou un orthodontiste ».

En France, la clinique des Champs-Élysées, un établissement huppé de médecine esthétique très présent sur les réseaux sociaux, a choisi d’organiser cet automne sa première journée dans le métavers, sur le thème des traitements de l’obésité. Ce jour-là, quelques dizaines d’avatars assistent à des conférences en ligne. Dans la salle virtuelle, ils se retrouvent – certains plus concentrés que d’autres – devant les conférenciers venus leur présenter les procédures envisageables. Le but : permettre aux patients qui n’oseraient pas pousser les portes de la clinique dans le réel, de s’informer, assis tranquillement derrière leurs ordinateurs.

L’objectif n’a rien de révolutionnaire, mais les applications potentielles peuvent dépasser le simple jeu de sensibilisation. À Paris, les professeurs de médecine Boris Hansel et Patrick Nataf prévoient ainsi de lancer un diplôme universitaire consacré au métavers en santé, en mars 2023.

« Pas besoin de gadget »

« Le métavers est une opportunité incroyable », s’enthousiasme le professeur Nataf. « En terme de formation notamment : des chirurgiens situés dans deux pays différents pourront s’entraider, leurs instruments pouvant interagir grâce à la réalité mixte », c’est-à-dire la fusion des mondes réel et virtuel.

« On pourrait imaginer avoir une boîte noire de notre pratique, comme pour un avion, pour pouvoir analyser, après coup, ce que l’on a fait lors d’une opération chirurgicale », explique-t-il.

« Grâce au métavers, on peut reproduire pour un individu, avec toutes ses caractéristiques, son jumeau numérique, pour une médecine personnalisée », prédit le professeur Hansel, qui se hâte de rassurer : « On ne va jamais remplacer l’annonce d’un diagnostic, ou l’accompagnement du patient, par le virtuel ».

De son côté, Lamia Zinaï, nutritionniste, qui a participé à la journée métavers de la clinique des Champs-Élysées sur l’obésité, y voit également un atout : « On peut imaginer que dans le cas d’une maladie socialement stigmatisante, le métavers et avatars peuvent aider des patients, leur permettre d’approcher des équipes de soignants qui leur donneront accès à des outils pour leur pathologie ».

S’il en est à ses prémices, le métavers attire déjà les investisseurs. Selon un rapport du cabinet McKinsey, les investissements dans le secteur ont atteint 120 milliards de dollars en 2022. Il pose néanmoins des questions abyssales, encore plus dans la santé. Dont celle du public concerné, alors que la dématérialisation des services publics laisse déjà sur le côté une partie de la population.

Par ailleurs, qui va réguler l’usage du métavers en santé et ce qui s’y passe ? « Il faudrait qu’il soit dédié à des équipes médicales et qu’il soit très bien encadré ; que les jeunes patients n’y soient pas bombardés d’annonces publicitaires », estime Lamia Zinaï.

Sans oublier la question cruciale de l’efficacité des solutions qui pourraient être proposées.

« Il s’agit de la première étape : pour l’instant, nous devons cerner les besoins. On n’a pas besoin d’avoir des gadgets, mais des environnements et des objets spécifiques pour arriver à soigner nos patients », souligne le professeur Hansel. À l’hôpital Bichat, à Paris, un centre de responsabilité santé connectée a même vu le jour, pour répondre à ce besoin d’évaluation.

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