La valse des ministres de la Santé inquiète les soignants

Publié le 20 décembre 2023 à 16h10 - par

Aurélien Rousseau, ancien directeur de cabinet d’Élisabeth Borne devenu fin juillet ministre de la Santé, a choisi mercredi 20 décembre 2023 de claquer la porte devant la droitisation du projet de loi immigration.

La valse des ministres de la Santé inquiète les soignants

Si les soignants saluent « les valeurs » qui ont motivé le départ du ministre de la Santé Aurélien Rousseau, ils s’inquiètent de l’instabilité à ce poste alors que « le système de santé souffre plus que jamais ».

« Un homme qui met les valeurs de la République et l’honneur au-dessus de son parcours personnel ne peut qu’avoir notre admiration », a réagi le syndicat de médecins UFML après l’annonce de son départ.

Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a annoncé ce mercredi la démission du ministre de la Santé, remplacé « en intérim » par l’actuelle ministre déléguée chargée des professions de santé Agnès Firmin Le Bodo.

Aurélien Rousseau, 47 ans, nommé à ce poste il y a tout juste cinq mois, a choisi de partir en raison de la droitisation du projet de loi immigration.

« On perd quelqu’un d’une immense valeur et qui me redonnait espoir dans le renouveau humaniste du système de santé », se désole le médiatique Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins des urgentistes.

« Nous étions en adéquation avec Aurélien Rousseau » sur deux « positions majeures » : le maintien de l’aide médicale d’État (AME) destinée aux sans-papiers, et ses « priorités » pour la médecine libérale, identifiées dans le cadre de la reprise des négociations conventionnelles, indique aussi à l’AFP Agnès Gianotti, présidente de MG France, le principal syndicat de médecins généralistes.

Le désormais ex-ministre de la Santé s’était opposé très rapidement à la suppression de l’AME voulue par le Sénat, dans les débats sur ce projet de loi immigration, qui a finalement provoqué son départ.

Un refus conforme à ses convictions et à celles des soignants, défenseurs de l’AME et qui redoutaient les conséquences d’une suppression en termes de santé publique – l’AME a finalement été maintenue, moyennant une réforme du dispositif en 2024.

Les professionnels de santé comprennent donc et saluent ce choix, mais n’en restent pas moins pris de court. « On aimerait bien une relation durable avec un ministre qui ait le temps de mettre en place toutes les mesures programmées », lâche Agnès Ricard-Hibon, porte-parole de la Société française de médecine d’urgence (SFMU).

« Besoin de stabilité »

« C’est compliqué d’avoir des changements de ministres aussi fréquents car cela entrave la continuité des politiques mises en œuvre », ajoute-t-elle, déplorant notamment que les mesures attendues pour désengorger les urgences se fassent encore attendre.

« On change de ministre tous les quatre matins », regrette aussi Patrick Gasser, président du premier syndicat de médecins spécialistes Avenir Spé.

Sous la présidence d’Emmanuel Macron depuis 2017, cinq ministres se sont déjà succédé à la tête du ministère la Santé – parfois très brièvement -. Agnès Firmin Le Bodo sera la sixième.

Après Agnès Buzyn, partie mener campagne en 2020 pour les municipales à Paris, Olivier Véran a affronté l’épidémie de Covid-19. L’éphémère ministre Brigitte Bourguignon, battue par le RN aux législatives, est restée moins d’un mois en poste, suivie par l’urgentiste François Braun, qui a passé un an aux manettes, avant d’être remplacé par Aurélien Rousseau.

« Son départ est très emmerdant », confie à l’AFP Jérôme Marty, de l’UFML. « On a besoin de stabilité, on est à un moment de notre histoire où le système de santé souffre plus que jamais avec des soignants qui s’épuisent, et des patients qui rencontrent des difficultés d’accès aux soins ».

Se pose déjà âprement la question de sa succession. Qui pour le remplacer ?

« Le système de santé est en crise profonde, c’est donc très important qu’on ait un interlocuteur réellement préoccupé par le sujet, qui ne fasse pas du saupoudrage ou de l’affichage. Parce que sinon, ça ne tiendra pas », prévient Agnès Gianotti.

« Nous avions engagé avec Aurélien Rousseau des discussions qui étaient basées sur une certaine forme de confiance », souligne Patrick Gasser.

Elles avaient permis de reprendre dans un climat apaisé les négociations sur le tarif des consultations et de « réengager la médecine libérale dans une dynamique, pour qu’elle participe à une meilleure structuration du soin », poursuit-il. « Il ne faudra pas d’erreur de casting », selon lui, « sinon, ça foutra tout en l’air ».

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