Secrétaire de mairie, métier indispensable mais en souffrance

Publié le 22 novembre 2023 à 9h50 - par

« Je ne pourrais pas être maire sans elle » : dans un village du Béarn, la secrétaire de mairie fait office de « couteau suisse », à cheval sur deux communes pour pallier les difficultés de recrutement d’une profession que le Parlement veut revaloriser.

Secrétaire de mairie, métier indispensable mais en souffrance
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Virginie Canet, 37 ans, l’exerce depuis treize ans, à raison de 40 heures par semaine. Avec trois employeurs : Saint-Boès et Arnos, deux municipalités qui totalisent à peine 500 habitants dans les environs d’Orthez (Pyrénées-Atlantiques), et le Centre de gestion de la fonction publique territoriale qui l’envoie assurer des remplacements ponctuels à travers tout le département.

« On a une réputation de petite secrétaire qui répond au téléphone », regrette-t-elle, « alors que je suis tombée de haut face à la complexité du travail quand je l’ai découvert ».

État civil, urbanisme, cadastre, facturation, subventions, paie, réglementations, marchés publics, budget, administration des services techniques… « Il faut savoir tout faire », résume la trentenaire, qui peut aussi compter sur l’aide de l’Agence publique de gestion locale.

Un métier polyvalent de proximité dans les communes de moins de 3 500 habitants, exercé à 94 % par des femmes, indispensable pour assurer le bon fonctionnement des villages et petits bourgs ruraux au quotidien.

« Je ne pourrais pas être maire sans elle, j’ai peur qu’on me la pique », confirme Jean Labaste, maire de Saint-Boès depuis 2014.

Manque de reconnaissance

La profession se heurte en effet à des difficultés de recrutement, liées à un manque de reconnaissance : 2 000 postes sont vacants et 60 % des 23 000 secrétaires de mairie ayant actuellement plus de 50 ans, 8 000 à 13 000 postes seront à renouveler d’ici 2030.

Jérémie Marchand, directeur du Centre de gestion de la fonction publique territoriale dans les Pyrénées-Atlantiques, confirme que « la situation se tend » : « on arrive encore à pourvoir des postes mais on se demande jusqu’à quand ».

Deux formations proposées dans le département pour devenir secrétaire de mairie, via l’université de Pau ou le Greta, peinent à remplir leurs promotions chaque année.

Le responsable pointe « une fonction publique qui n’attire plus », notamment au regard de salaires peu élevés. En début de carrière, les feuilles de paie oscillent entre 1 730 et 1 900 euros brut – près des deux tiers des secrétaires de mairie étant des fonctionnaires de catégorie C.

« Difficile », dans ces conditions, de fidéliser le personnel dans les petites communes. « Souvent, les secrétaires formées partent pour des grosses collectivités, capables d’offrir de meilleurs avantages », explique Jérémie Marchand.

« Lien social »

« Je me bats pour que les nouvelles ne galèrent pas pendant 15 ans avant d’atteindre la juste rémunération », explique Virginie Canet qui, voilà deux semaines, a fini par obtenir une hausse de salaire en passant à la catégorie B.

Une promotion interne qu’une proposition de loi, en cours d’adoption, entend favoriser parmi d’autres mesures destinées à revaloriser la profession. L’Association des Maires de France, réunie en Congrès jusqu’au 23 novembre 2023 à Paris, le réclame depuis deux ans.

Pour l’heure, nombreuses sont les secrétaires à compter sur les primes, accordées au bon vouloir du maire et du conseil municipal. « C’est triste d’en être là, on préfère avoir un salaire correct plutôt que de mendier », commente Virginie Canet.

Car le métier est aussi une affaire de convictions : « l’accueil des administrés, le lien social, c’est la base de mon travail », estime celle qui intervient souvent au-delà de ses missions contractuelles.

« Quand des personnages âgées, perdues dans les procédures administratives dématérialisées, viennent me voir, je ne vais pas les renvoyer chez elles ou au centre des impôts, je m’en occupe. »

Les habitants le savent : vendredi 18 au matin, le président de l’association de chasse du village est venu toquer à sa porte pour l’inviter à un repas, en remerciement de « tout ce que tu fais pour nous ».

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