Quand l’urbanisme tente l’expérience de la dépollution des sols par les plantes

Publié le 15 octobre 2015 à 15h52 - par

Les plantes sauveront-elles les sols pollués ? Une collectivité de l’Oise tente l’expérience de cette méthode douce, visant à concilier reconquête environnementale et politique urbaine.

Quand l'urbanisme tente l'expérience de la dépollution des sols par les plantes

La communauté d’agglomération de Creil a été la première en France, en 2013, à mettre à disposition de chercheurs de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Inéris) près d’un millier de m2 pour conduire des recherches en phytoremédiation, éventail de techniques de dépollution des sols par les plantes.

Le site choisi est celui d’une ancienne usine de camping-cars fermée dans les années 1990.

« Lorsqu’on a fait des études de sol, on a trouvé de la pollution, qui venait de cette entreprise, mais aussi d’autres activités car c’était des sols en remblai, pollués ailleurs et reversés ici », raconte Hervé Coudière, directeur général adjoint des services de la communauté d’agglomération de Creil, en charge de l’environnement.

Plantés sur 300m2 au bord d’un rond-point, les saules des vanniers, aux frêles tiges, et les arabettes de Haller, minuscules végétaux en étoile, ne relèvent pas de la simple coquetterie paysagère : ils supportent sans ployer la pollution au zinc et au cadmium, deux métaux toxiques.

« À chaque fois que les plantes refont des feuilles et des tiges, elles absorbent une partie de la pollution », explique Valérie Bert, de l’Inéris, qui mène les recherches. Contrairement à d’autres plantes qui bloquent les métaux aux racines, les saules et les arabettes « facilitent l’absorption des métaux, qui montent avec la sève dans les feuilles ».

C’est la fraction la plus mobile des métaux, donc la plus susceptible de souiller les nappes phréatiques ou de contaminer d’autres surfaces, qui est ainsi absorbée.

D’où vient cette rarissime et précieuse propriété, qui pourrait faire économiser des millions d’euros aux collectivités ? « On ne sait pas, ça pourrait être des défenses contre les herbivores, qui sentent les métaux en quantité importante et ne mangent pas la plante », avance Valérie Bert.

Économie circulaire

Les résultats sont probants après deux ans d’expérimentation. La chercheuse a constaté que les saules et les arabettes accumulaient toujours davantage de métaux : quatre fois plus de zinc que l’an dernier et deux fois plus de cadmium.

La technique n’est cependant pas la panacée en dépollution pure, prévient Michel-Pierre Faucon, enseignant-chercheur en écologie végétale à l’Institut polytechnique LaSalle de Beauvais (Oise) : « ces plantes ont de petites biomasses, donc il faudrait des centaines d’années pour phytoextraire » la pollution de sols très contaminés, selon lui.

« Ça marche quand c’est moyennement intense en pollution, et sur de petites surfaces les sols sont souvent excavés et traités à part », ajoute-t-il pour relativiser le rôle que jouera à l’avenir la phytoextraction dans la dépollution.

Pour autant, ses avantages en termes de coût et d’aménagement paysager pourraient lui assurer une place au soleil des politiques publiques, dans la mouvance actuelle des éco-quartiers. « L’un des enjeux de l’agglomération est de reconquérir son foncier pour réaménager la ville, construire des logements, remettre de l’activité économique », témoigne Hervé Coudière. « Les phytotechnologies sont une des solutions pour maitriser les coûts de dépollution qui autrement sont très élevés ».

La phytoextraction s’inscrit aussi dans l’économie circulaire. Les métaux stockés dans les feuilles et tiges des plantes peuvent en effet être réemployés en « éco-catalyseurs dans les procédés pharmaceutiques et chimiques », selon Valérie Bert. On travaille alors « sur la filière globale : les plantes deviennent une matière première enrichie en zinc ou cadmium ».

« C’est le même principe que la valorisation et le recyclage des déchets, sauf qu’il s’agit là de sols pollués », résume Michel-Pierre Faucon.

Valérie Bert assure être d’ores et déjà sollicitée par plusieurs villes intéressées par le procédé. Certes, « ce n’est qu’une solution parmi d’autres », concède-t-elle. Mais pour la chercheuse, « on résout la question environnementale grâce à la diversification des méthodes plutôt que par une seule solution miracle ».

 

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