Gagner son procès, ce n’est pas seulement avoir un « bon dossier »

Publié le 14 décembre 2015 à 16h50 - par

Lorsque l’office du juge s’élargit, l’arbitraire s’éloigne.

Gagner son procès, ce n'est pas seulement avoir un « bon dossier »

Le maître d’ouvrage peut désormais mettre en jeu la responsabilité du sous-traitant

Le maître d’ouvrage n’entretient pas des relations contractuelles avec l’ensemble des participants à des travaux publics. Il en est notamment ainsi avec les sous-traitants dont les contrats les lient avec les entrepreneurs principaux. C’est d’ailleurs pour cette raison que les contentieux éventuels en paiement direct des sous-traitants, dans les litiges de travaux publics, relèvent du juge administratif.

Mais quel est le régime juridique de la responsabilité des sous-traitants ? L’arrêt du Conseil d’État, du 7 décembre 2015, commune de Bihorel, n° 380419 répond à cette question.

Le Conseil d’État juge dans cette affaire que le maître d’ouvrage peut rechercher, bien sûr, la responsabilité de son cocontractant, mais qu’il peut également rechercher celle du sous-traitant. Toutefois, dans la mesure où aucun contrat ne les lie, il ne peut pas invoquer sa responsabilité contractuelle. Seules les fautes commises en infractions des règles de l’art, ou bien encore la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires, peuvent engager sa responsabilité.

Il juge également qu’après la réception des travaux, il ne peut pas demander la condamnation du sous-traitant sur le fondement de la garantie décennale, c’est-à-dire pour atteinte à la solidité de l’ouvrage, ou à sa destination. Le seul fondement possible est donc la responsabilité quasi-délictuelle, c’est-à-dire la faute.

Au contentieux, même les maladroits peuvent obtenir gain de cause

C’est une autre facette de la décision du Conseil d’État, et elle est heureuse.

En principe, le procès est la chose des parties. Le juge ne va pas au-delà de leurs conclusions, et ne prend en compte que les moyens qu’elles invoquent. Comme toute règle, elle comporte des exceptions. Notamment, le juge peut, et même doit, soulever d’office les moyens d’ordre public, tout au moins lorsqu’ils apparaissent à la seule vue des pièces du dossier qui lui est soumis. Dans cet ordre d’idée, on peut mentionner, en excès de pouvoir, l’incompétence de l’auteur de l’acte, et en plein contentieux, la règle selon laquelle le juge ne peut pas condamner une personne publique à payer une somme qu’elle ne doit pas.

En l’occurrence, en principe, la garantie décennale n’est pas d’ordre public. Le juge ne peut pas condamner un constructeur sur ce fondement si la collectivité n’invoque que la responsabilité contractuelle.

Dans l’affaire jugée en décembre, une entreprise avait été condamnée sur le fondement de la garantie décennale. En appel, elle ne contestait pas le principe même, à savoir que les travaux mettaient en cause la solidité ou la destination de l’ouvrage, mais seulement qu’elle-même ne pouvait pas être condamnée à ce titre. Ce seul fondement aurait conduit au rejet de l’appel. Mais il se trouve que dans la même instance, une autre société a fait juger que les conditions de la garantie décennale n’étaient pas remplies. Le Conseil d’État fait bénéficier la première société, de la décharge prononcée pour la seconde.

 

Laurent Marcovici


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