Portraits d'acteurs

Nans Mollaret

Nans Mollaret

Consultant indépendant auprès des collectivités territoriales

« Je rêve d'un grand temps de réflexion collectif sur le service public. Un vrai arrêt sur image, loin de la tyrannie du temps présent ou de la défense corporatiste ou d'intérêts individuels, qui nous permettrait collectivement de nous poser les bonnes questions, agents publics et citoyens. »

Quelles sont vos fonctions actuelles et les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

Nans Mollaret : Après une licence-maîtrise en aménagement du territoire au sein de l'Institut d'Urbanisme de Grenoble et titulaire d'un DESS en Administration et Gestion des Collectivités territoriales à l'université R. Schuman de Strasbourg, j'ai pris mon premier poste d'attaché territorial en 2002 en ayant l'opportunité immédiate à 22 ans d'exercer les fonctions de Directeur général des services de la communauté de communes d'Obernai (Bas-Rhin).

Après une indisponibilité pour convenances personnelles d'une année pour voyager à l'étranger et m'engager dans une mission humanitaire en Amérique du Sud, de retour en France métropolitaine en 2009 et marqué par mon vécu, j'ai souhaité donner un sens plus incarné à mon engagement en tant que DGA solidarités au CCAS de Besançon. J'ai alors commencé par préparer et réussir l'examen professionnel d'attaché principal en 2015 que j'ai couplé avec un processus de formation continue en étant sélectionné pour rejoindre le Cycle supérieur de Management de l'INET (Master 2 Management public territorial). Saisissant l'opportunité du départ du DGS, j'ai été nommé Directeur général des services du CCAS de la ville de Besançon le 1er janvier 2016. J'ai été par ailleurs fortement engagé en tant qu'administrateur national puis président de l'Association nationale des Cadres communaux de l'action sociale (Anccas) de 2018 à 2021, association qui est devenue durant cette période l'Actas, Association des Cadres territoriaux de l'action sociale.

En 2017, à la fin du Cycle supérieur de Management de l'Inet, j'enchaîne immédiatement avec la préparation de l'examen professionnel d'administrateur territorial et j'ai la chance d'être lauréat. J'opère en 2018 une mobilité vers un poste de DGA Solidarités du département de l'Allier. Mon souhait est alors de rejoindre un collectif de direction d'une grande collectivité tout en restant dans ma thématique privilégiée de l'action sociale mais cette fois-ci du côté de la fabrique des grandes politiques publiques locales.

En juin 2021, suite aux bouleversements provoqués par la crise sanitaire, papa de 3 enfants, je décide de prendre un congé parental d'un an à l'issue duquel je prends la décision d'emprunter un chemin « parallèle » : je me lance dans le développement d'une activité de consultance pour les collectivités locales. Je développe ainsi depuis quelques mois un accompagnement des collectivités en matière de recrutement, de définition de leur stratégie et de leur politique publique (avec un axe spécialisé sur l'action sociale) et d'audit et d'évaluation de leur management et de l'impact de leurs actions pour leur population. Parallèlement, je me suis engagé dans le tout jeune réseau « Dirigeantes et Territoires » où je suis particulièrement chargé avec Stéphanie Portier (DG déléguée ville et métropole de Montpellier) de développer un observatoire de la situation dans les collectivités territoriales.

Si vous deviez décrire votre métier actuel en 3 mots, quels seraient-ils ?

Nans Mollaret : Équilibre, sens, bonheur.

Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?

Nans Mollaret : La curiosité : celle qui consiste à cultiver son réseau pour être à la connaissance des tendances et nouvelles pratiques managériales innovantes mais celle aussi qui consiste à s'intéresser à la réalité et aux pratiques des collectivités accompagnées et à rechercher avec elles le sens profond de leur action et pousser ensemble leur réflexion sur leur monde du jour d'après.

La sincérité dans l'approche et la méticulosité dans le travail : l'idée est de ne pas apporter de réponses stéréotypées. Si l'on part du principe que le management territorial est une science pluri-disciplinaire, qui emprunte à de nombreux courants de pensée, et méthodologique alors il n'y a pas une réponse mais une logique combinatoire de solutions qu'il faut connaître, mobiliser et associer pour développer un accompagnement qui ne soit ni standardisé ni fade et qui produise les effets voulus.

L'éthique et le respect profond des commanditaires. Être le plus honnête possible dans l'approche jusqu'à par exemple expliquer préalablement que dans certains cas de figure je n'apporte pas forcément de plus-value ou bien même que je ne suis pas en accord avec la philosophie d'une commande. Il vaut mieux parfois savoir « perdre » une mission que de s'engager à contre-courant ou en ayant le sentiment de spolier le contribuable. Avoir aussi conscience que « se payer une consultance » pour une collectivité sur un sujet donné a forcément demandé de nombreuses discussions préalables, un budget... et que donc des résultats tangibles sont attendus. Avoir en permanence cette boussole en tête.

L'intérêt général chevillé au corps. Je ne suis pas de ceux qui opposent les expertises internes et les consultants, le service public et les services marchands. Cette querelle est pour moi stérile. Il y a surtout une manière d'exercer son travail, d'avoir le sens des responsabilités et la conscience des effets produits auprès des bénéficiaires des services. On peut donc très bien avoir un sens aigu de l'intérêt général tout en optant pour une activité en tant que cabinet de conseil externe ; ces passerelles sont possibles voire nécessaires. Je tâche en tous les cas de personnifier la jonction de ces deux mondes au quotidien.

Qu'est-ce qui vous fait lever chaque matin ?

Nans Mollaret : La rencontre, l'échange que j'aurai avec une femme, un homme, un politique ou un technicien d'une collectivité, qui se bat pour son territoire et ses habitants, convaincu, positif et qui croit aux potentialités de sa collectivité et de ses agents. Quelle plus belle perspective que d'échanger et rencontrer des femmes et des hommes qui veulent améliorer le monde et qui cherchent des alliés objectifs pour les y aider ?

Quel est le projet qui vous a le plus marqué et dont vous êtes le plus fier ?

Nans Mollaret : Sans doute tous ceux qui concernent la protection de l'enfance au sein du département de l'Allier. Il y avait tant à faire et il reste tant encore à faire dans ce domaine... Je suis heureux de l'existence enfin d'une politique nationale sur ce domaine et je forme des vœux pour que la dynamique engagée par A. Taquet puisse être poursuivie longtemps encore.

Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?

Nans Mollaret : Je rêve d'un grand temps de réflexion collectif sur le service public. Un vrai arrêt sur image, loin de la tyrannie du temps présent ou de la défense corporatiste ou d'intérêts individuels, qui nous permettrait collectivement de nous poser les bonnes questions, agents publics et citoyens. Ce que l'on souhaite lui confier, ce que l'on en attend, comment l'exercer... C'est pour moi la base du contrat social et c'est une nécessité de se poser périodiquement cette question au risque de laisser la mémoire s'effacer.

Le goût pour ces débats n'est plus légion, le « comment » et la discussion sur les moyens remplacent la question du pourquoi dans une vision court-termiste si bien que le tout ne forme plus qu'un amas de petites réformes techniques qui n'ont plus aucun sens commun. Puisqu'il est permis de rêver, alors je rêve de cette discussion nationale sur le service public. En attendant, je pousse ma pierre dans mon coin et si j'ai un jour le temps, j'écrirai ma modeste contribution.

Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marqué dans votre carrière ?

Nans Mollaret : Les exécutifs successifs (souvent des femmes) pour lesquels j'ai œuvré, qui ont toujours su travailler au-delà de leur personne et de leur intérêt particulier. J'ai été fasciné et entraîné par ces femmes et hommes politiques qui m'ont montré ce que peut être véritablement un engagement sincère au quotidien. Ne comptant ni leur temps, ni leur salive pour argumenter et défendre leur vision dans une logique de construction et de confiance réciproque avec leurs services.

Malgré toutes les critiques que l'on peut entendre de partout, la désaffection mesurable des concitoyens pour la démocratie locale, j'ai plaisir à rencontrer très régulièrement cette « espèce » de femmes et d'hommes politiques qui œuvre en silence et dont l'image est malheureusement ternie par les scandales et les comportements d'une poignée d'élus médiatisés.

Quelle est votre citation préférée et pourquoi ?

Nans Mollaret : « Il n'y a qu'une seule voie, vers le haut ! ». C'est une phrase que l'on prononce souvent en montagne. Quand vous êtes engagé dans une voie difficile, que vous êtes dans un moment de découragement ou que votre cordée l'est, que le mauvais temps arrive… la meilleure façon d'en réchapper est bien souvent celle qui consiste à avancer et sortir rapidement au sommet. C'est une phrase que j'ai eu tout le loisir de méditer récemment sur le chemin de Compostelle et que j'aime appliquer dans la vie. La « trouille » est contagieuse, elle est le lot normal de ceux qui entreprennent et qui bâtissent. Ne pas perdre son objectif de vue et garder suffisamment de réserves et de sang-froid pour conduire et donner confiance aux autres vers une délivrance au sommet où le soleil et les panoramas d'exception vous attendent.

Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière ?

Nans Mollaret : Mes enfants… et ma conscience désormais plus claire des enjeux environnementaux. Je suis d'une génération qui a été élevée au biberon de la croissance sans limites et qui doit aujourd'hui se réveiller, se secouer et agir pour transmettre un capital vivant un tant soit peu viable et préservé.

 

Propos recueillis par Hugues Perinel

Voir tous les portraits