Vous venez de publier votre rapport d’activité 2024 sur les élections européennes et législatives de l’année 2024*. Quelles sont ses principales conclusions, lesquelles intéressent plus particulièrement les collectivités et élus locaux ?
Aux élections européennes de juin 2024, sur 38 listes de candidats, 3 comptes n’ont pas été déposés ou déposés hors délai, tandis que 7 étaient rejetés pour irrégularités (dépenses non éligibles, absence de compte mandataire).
Pour les élections législatives de juin-juillet 2024, campagne la plus courte de la Ve République, il y a eu deux fois moins de dépenses qu’en 2017 et 2022. La CNCCFP a examiné 3 140 comptes dont 94 % ont été approuvés, 3 % non déposés ou déposés hors délai et 3 % refusés pour irrégularités (défaut d’expert comptable, irrégularité sur compte bancaire…).
Les règles à respecter par les candidats aux municipales sont les mêmes que pour les autres élections. Chaque candidat doit choisir un mandataire financier (qui ne doit pas être interdit bancaire ni figurer sur sa liste) qui devra ouvrir un compte bancaire pour encaisser toutes les recettes et décaisser les dépenses de la campagne. Les candidats devront remettre leurs comptes de campagne à la commission au plus tard le 10e vendredi qui suit le 1er tour de l’élection s’ils ont obtenu plus de 1 % des voix et/ou reçu des dons.
Lors de ses contrôles, la CNCCFP s’assure qu’il y a bien eu un mandataire désigné, un compte bancaire ouvert à son nom et qu’un expert-comptable a visé le compte. Elle vérifie que le compte retrace bien toutes les dépenses et toutes les recettes, que le plafond des dépenses autorisées n’a pas été dépassé et que les dépenses et les recettes sont conformes à la réglementation.
Voici quelques exemples d’irrégularités fréquentes : collage d’affiches électorales à des emplacements non autorisés, encaissement de dons de personne physique d’un montant supérieur à 4 600 euros ou de ceux d’une personne morale. S’agissant des élections municipales, une attention particulière est portée aux concours qui pourraient être apportés par la mairie au maire sortant qui se représente. Il est ainsi interdit de recourir aux agents municipaux pour, par exemple, déposer ses flyers de campagne dans les boîtes aux lettres. Ces concours en nature sont formellement interdits et peuvent conduire au rejet du compte de campagne.
Parmi les 22 propositions sur les remboursements des dépenses de campagne que la CNCCFP a faites récemment, lesquelles selon vous paraissent essentielles pour les candidats aux municipales ?
La Commission a rédigé 22 propositions qui tiennent en quatre points principaux : renforcer les moyens de contrôle et de sanction ; protéger les financements des ingérences1 ; rendre les financements politiques plus transparents ; simplifier, clarifier, unifier.
Toutes ces propositions sont importantes. Certaines sont anciennes ou particulièrement nécessaires dans le contexte actuel, comme la possibilité pour la Commission d’accéder au fichier des comptes bancaires (FICOBA), la possibilité de rechercher l’origine des fonds qui ont permis à des personnes physiques de consentir des prêts aux candidats ou aux partis, un accès plus facile aux prestataires des candidats pour vérifier la réalité des prestations réalisées et leur cohérence avec les tarifs facturés2.
La réglementation est complexe, notamment pour les candidats aux municipales qui n’ont pas toujours une équipe habituée à la gérer. La simplification et la clarification de ce que les candidats peuvent faire ou non sont essentielles à la bonne application des règles. Cela concerne notamment les bilans de fin de mandat qui ne doivent pas avoir une vocation électorale, les discours des vœux avant les élections qui ne doivent pas se transformer en réunion électorale, le journal municipal qui doit accorder la même place à l’opposition qu’en dehors des campagnes électorales. Beaucoup de signalements sont faits sur ces points à la CNCCFP.
N’y a-t-il pas des situations plus difficiles à interpréter et à juger pour la Commission ?
Notre mission est de nous assurer de la régularité des financements et de l’équité entre les candidats. Le principe directeur est que toute dépense se fasse en vue de recueillir des suffrages lors du scrutin. Ainsi, en matière de dépenses de sécurité, celles afférentes à un meeting se justifient, car participant de la recherche des suffrages ; en revanche, assurer la sécurité du domicile d’un candidat ne relève pas de la recherche de suffrages. À noter qu’aux municipales en 2026 si le candidat est en situation de menace avérée, il pourra, sous certaines conditions, se faire rembourser ces dépenses. Attention aussi aux dépenses omises dans les comptes de campagne, comme les aides des partis politiques : flyers qu’un parti mettrait à disposition des candidats ou meeting organisés par le parti pour le compte de plusieurs candidats, par exemple. Ces dépenses sont autorisées mais mais doivent être clairement identifiées dans le compte pour vérifier qu’elles ne conduisent pas à dépasser le plafond de dépenses.
De quels moyens humains et financiers la CNCCFP dispose-t-elle pour les contrôles ? Ces contrôles sont-ils exhaustifs ou ciblés ?
Selon les élections, la Commission, en plus de ses effectifs permanents (une douzaine de chargés de mission), recrute des rapporteurs (jusqu’à 200), une dizaine de chargés de missions adjoints et des agents administratifs, en général recrutés pour 6 mois.
Les contrôles de la Commission sont exhaustifs, il n’y a pas de contrôle par sondage. En revanche nous développons une logique d’audit en nous attachant aux postes de dépenses et de recettes qui présentent le plus de risques d’irrégularités. De plus, pour les élections municipales, seules les listes candidates dans des communes de plus de 9 000 habitants sont concernées.
François Bayrou a évoqué une Banque de la démocratie « pour que le financement de la vie publique ne dépende pas des banques privées » : est-ce réaliste ?
Cette Banque de la démocratie aurait deux fonctions. D’abord permettre au candidat d’ouvrir un compte bancaire pour la campagne, ce qui n’est pas toujours aisé. Actuellement les recours possibles à la Banque de France et au médiateur du crédit permettent assez bien de faire face aux difficultés constatées, même si cela a pu être parfois tendu lors des dernières élections législatives anticipées du fait du caractère imprévu de la dissolution et de la faible durée de la campagne. En vue des prochaines municipales, nous renforcerons l’information auprès des candidats sur ce droit au compte en collaboration avec la Fédération bancaire de France.
La Banque de la démocratie aurait également vocation à faciliter l’accès au crédit bancaire. Aujourd’hui les prêts ne peuvent être consentis que par des banques situées dans l’Union européenne ou par des personnes physiques. La difficulté serait pour cette Banque de la démocratie de définir sur quels critères elle accorderait des prêts à des candidats – qui doivent être en mesure de les rembourser – sans pour autant s’ingérer dans la campagne politique, ce qui ne serait pas acceptable3.
Propos recueillis par Frédéric Ville
* Rapport d’activité 2024 sur les élections européennes et législatives de l’année 2024, Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
1. L’ingérence étrangère par exemple est toutefois plus sensible pour les élections présidentielles, européennes, voire législatives, que pour les municipales, même si certaines listes municipales peuvent avoir un caractère communautaire ou être à connotation religieuse.
2. Le prestataire ne doit pas faire de cadeau à un candidat ou bien au contraire surtarifier une prestation.
3. Il y aurait en outre un risque pour les finances publiques et pour les candidats n’obtenant pas le minimum de 5 % nécessaires pour voir leurs dépenses de campagne remboursées par l’État (remboursables à hauteur de 47,5 % du plafond des dépenses autorisées dans la commune). Si la Banque de la démocratie devait prêter à tous les candidats, certains demanderaient de l’argent sans volonté réelle de rembourser.
À paraître début septembre 2025 : Guide CNCCFP du mandataire et du candidat aux élections municipales
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Plafond des dépenses de campagne municipale en fonction du nombre d’habitants
Les dépenses seront comptabilisées à partir du 1er septembre 2025 uniquement pour les communes de plus de 9 000 hab., soit environ 1 100 communes en France.
Son plafond est donc de : 63 541,80 €. |
