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Maires sortants : pour une communication de votre bilan en toute légalité durant la période préélectorale

Publié le 3 juin 2025 à 13h00 - par

À l’approche des élections municipales 2026, la communication de votre bilan de mandat est un exercice crucial. Cependant, la période préélectorale est encadrée par des règles strictes visant à garantir la neutralité des institutions et l’égalité entre les candidats. Comprendre ces contraintes est essentiel pour éviter toute irrégularité.

Maires sortants : pour une communication de votre bilan en toute légalité durant la période préélectorale
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La période préélectorale s’étend sur les six mois précédant le scrutin. Elle précède la campagne électorale officielle, qui débute deux semaines avant le vote et s’achève la veille du scrutin à minuit. Durant cette phase, la neutralité est le maître mot pour toute communication des collectivités et des élus.
Ce qui est interdit :

  • Toute campagne de promotion publicitaire des réalisations municipales financée par la collectivité à compter du premier jour du sixième mois précédant les élections.
  • Le recours à tout affichage relatif à l’élection en dehors des emplacements réservés.
  • La diffusion de nouveaux éléments polémiques sans possibilité de réponse des adversaires.
  • L’utilisation de tout moyen de propagande le jour du scrutin.

Les publications institutionnelles régulières sont autorisées, à condition de rester neutres et de ne faire référence ni à l’élection, ni à la promotion d’un candidat.

1. Le bilan de mandat : un exercice essentiel et encadré

Le bilan de gestion est un outil de transparence démocratique. Il permet au maire de rendre compte aux citoyens des actions menées, des engagements tenus ou non, et de la situation de la commune.

Les axes clés du bilan sont :

Réalisation des promesses électorales : évaluer dans quelle mesure les engagements pris lors de la campagne précédente ont été tenus.
Adaptation aux imprévus : mettre en lumière votre capacité à gérer les événements inattendus (réformes institutionnelles, baisses de dotations, crises sanitaires).
Gestion de l’équipe municipale : analyser la cohésion et l’efficacité de votre équipe.
Écoute et adaptation aux besoins de la population : prendre en compte le ressenti des habitants et leur retour sur la politique municipale.

La présentation du bilan par un maire sortant est encadrée par la loi, notamment l’article L. 52-1 du Code électoral. Durant les six mois précédant une élection, toute promotion publicitaire des réalisations municipales financée par la collectivité est proscrite. Cependant, si le maire sortant est candidat, il peut intégrer la présentation de son bilan dans sa campagne, à condition d’en comptabiliser les dépenses. En revanche, si le maire ne se représente pas, la collectivité ne peut pas financer la diffusion de son bilan de mandat.

De nombreuses décisions de justice rappellent cette exigence de neutralité :

  • Le Conseil d’État a annulé une délibération finançant un bulletin municipal faisant l’éloge de l’action du maire sortant en période préélectorale, le jugeant comme une propagande déguisée utilisant des fonds publics1.
  • Un « bilan d’étape » publié dans le bulletin municipal, trop favorable au maire sortant, a été considéré comme une propagande anticipée2.
  • L’utilisation du bulletin municipal pour faire la promotion du maire sortant candidat a été jugée comme un détournement de fonds publics3.
  • La publication d’un magazine municipal en pleine campagne électorale avec un contenu orienté peut entraîner l’annulation partielle des comptes de campagne4.
  • La réalisation et la diffusion d’un numéro de magazine municipal consacré au bilan du mandat du maire sortant candidat a également été considéré comme une propagande électorale5.

Les sanctions possibles sont les suivantes :

    • L’annulation de l’élection municipale si le maire sortant a utilisé des moyens publics pour sa campagne6.
    • La condamnation pour détournement de moyens publics après diffusion massive d’un bulletin vantant l’action du maire sortant7.
    • Une sanction pour publication d’un bilan trop orienté sur le site internet de la mairie en période électorale .

Ce qui est autorisé : la communication neutre et factuelle

      • Un simple rapport d’activité factuel, sans exagération, n’est pas considéré comme de la propagande9.
      • Un bilan technique et chiffré, sans slogan politique, est autorisé10.

2. Le bilan : un levier stratégique pour l’avenir

Pour les maires souhaitant se représenter, un bilan solide est un atout majeur. Mettre en avant les réussites concrètes, la stabilité et la continuité de l’action municipale, ainsi que l’expérience acquise, sont des arguments forts pour convaincre l’électorat de renouveler sa confiance. La capacité à capitaliser sur le passé et à projeter une vision pour l’avenir renforcera la position d’un maire sortant face à ses concurrents.

En conclusion, la période préélectorale est un moment de vigilance accrue. Le bilan du maire sortant doit être sincère, objectif et s’appuyer sur des faits vérifiables pour permettre aux citoyens de juger de la qualité de la gestion municipale et de faire un choix éclairé lors du scrutin, tout en respectant scrupuleusement les règles pour garantir l’équité du scrutin.

Dominique Volut, Avocat-Médiateur au barreau de Paris, Docteur en droit public


1. Voir par exemple CE, 6 octobre 1999, n° 201807, Élections municipales de Saint-Pierre-d’Oléron

2. Voir par exemple CE, 19 mai 2009, Élections municipales de Les Bordes-sur-Arize, n° 317249.

3. Voir par exemple CE, 10 juin 1996, n° 162476 162981, Élections cantonales de Metz.

4. Voir par exemple CE, 10 juillet 2009, Élections municipales de Briançon, n° 322070.

5. Voir par exemple CE, 10 juin 1996, n° 162476 162981, Élections cantonales de Metz.

6. Voir par exemple CE, 2 avril 1990, Élections municipales de Morsang-sur-Orge, req. n° 108132.

7. Voir par exemple CE, 20 mai 2005, Élections cantonales de Dijon V, n° 274400.

8. Voir par exemple CE, 6 mai 2015, Pagny, n° 382518.

9. Voir par exemple CE, 3 juill. 2009, Élections municipales de Montreuil-sous-Bois, n° 322430.

10. Voir par exemple CE, 15 avr. 2005, Élections cantonales de Cilaos, n° 270423.

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