Assises de l’Afigese : finances locales sur fonds de crise

Publié le 30 septembre 2025 à 14h30 - par

L’Afigese vient de réunir ses forces vives à Pau pendant trois jours. L’occasion de prendre un peu de recul sur une conjoncture financière difficile pour les collectivités locales… mais aussi de récompenser certaines d’entre elles pour leur capacité à affronter la situation et à innover.

Assises de l'Afigese : finances locales sur fonds de crise
© Par Julien Eichinger - stock.adobe.com

Du 24 au 26 septembre dernier se sont déroulées à Pau les assises de l’Association finances évaluation gestion (Afigese), lesquelles ont rassemblé 410 participants : directeurs des finances, du contrôle de gestion et autres spécialistes des finances locales.

11 Mds€ de besoins de financement

Après la conférence inaugurale du 24 septembre « Crises et dynamiques territoriales : quelles évolutions et quelle place pour les collectivités territoriales ? » donnée par Olivier Bouba-Olga, chef du service études et prospectives du pôle DATAR à la région Nouvelle-Aquitaine, les congressistes entraient dans le vif du sujet – les finances locales ! – le jeudi matin, avec notamment la traditionnelle revue de conjoncture des finances locales de La Banque postale de septembre dévoilée par Luc-Alain Vervisch, directeur des études et Julie Marcoff, responsable d’études financières. L’occasion également pour Thomas Rougier, délégué général de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) de présenter une analyse des mécanismes actuels de péréquation. Celle-ci représente un volume de 15 Mds€ perçus dont 10,9 Mds pour le bloc communal (contre 3,6 Mds€ prélevés, soit un solde net de + 7,3 Mds€), avec un monde rural et certaines villes (ndlr : celles ayant une forte proportion de Quartiers politique de la ville) fortement bénéficiaires, mais des bourgs ruraux et des ceintures urbaines moins dépendants. L’OFGL a voulu ensuite savoir si une plus grande dépendance à la péréquation entraînait une augmentation des dépenses de fonctionnement. « La réponse est non, selon Thomas Rougier. Dans ces territoires, il y a plutôt moins de dette, car l’autofinancement est faible. Il n’y a pas non plus d’effet d’aubaine qui entraînerait une réduction de la pression fiscale ou des tarifs ».
Le délégué général de l’OFGL a ensuite abordé la question brûlante du déficit et des besoins de financement des collectivités locales, lesquels s’élevaient en 2024 à un niveau record depuis 2012, soit 11 Mds€. Mais si le déficit public des Administrations publiques locales (APUL) représentait en 2024 près de 0,6 % du PIB, celui des collectivités locales ne pèse « que » 0,4 % du PIB, a-t-il souligné, les APUL intégrant des gros poids lourds spécifiques (Île-de-France mobilité, Offices publics de l’habitat, SDIS, CCAS, CIAS…). En 2024, l’accélération du besoin de financement est dû surtout aux départements (- 4,1 Mds €) et secondairement au bloc communal (-3,2 Mds€) et aux régions (- 2,2 Mds€), ce qui cache des situations contrastées, notamment pour les communes, dont 60 % sont en capacité de financement (+ 4,5 Mds€) quand 40 % sont en besoin de financement (- 5,9 Mds€), ce que ces dernières résolvent surtout par l’endettement et par une ponction sur la trésorerie.

Un vigiscore dédié aux associations

Le point d’orgue des assises de l’Afigese était certainement la remise des prix 2025 décernés à cinq lauréats par le jury1 parmi 21 candidatures, prix marqués par les nécessités d’un meilleur contrôle et d’économies en ces temps difficiles. Dans la catégorie finances locales, Nantes Métropole recevait un prix pour ses deux Contrats d’achats directs d’énergie renouvelable (CADER), un nouvel outil possible depuis la loi APER (Accélération de la production des ENR) du 10 mars 2023, pour sécuriser les achats d’énergie et contribuer au développement des ENR. Il s’agit notamment de réduire la dépendance aux marchés et de lutter contre les risques d’exposition à la volatilité des prix, avec des prix fixes signés pour 20 ans et une fourniture de 4 500 MWh/an dans ces CADER. Dans la même catégorie, Dunkerque (ville et CU) était elle primée pour son Vigiscore, un outil de cotation de santé financière des associations destinées aux initiés comme aux néophytes. Ce Vigiscore vise à guider les élus dans leurs décisions d’attributions de subventions aux associations, en intégrant trois critères : santé financière, niveau financier et évolution (favorable ou défavorable).
La catégorie Contrôle de gestion a vu, elle, la ville de Saint-Lô (Manche) récompensée pour son action « Ma ville, elle assure ». Dans le contexte de crise assurantielle actuel2, la ville veut prévenir les sinistres, maîtriser les coûts et responsabiliser ses agents face aux risques, puisque la sinistralité provient essentiellement d’eux. L’action a consisté à établir une cartographie des risques de la ville, à former les agents grâce à des ateliers de prévention menés par l’assureur, non plus considéré seulement comme un financeur des dommages mais surtout comme un partenaire de leur gestion. Cette question de l’assurance est de plus intégrée au livret d’accueil destiné à tout nouvel agent. In fine, la sinistralité a reculé à Saint-Lô.

Prix spécial à Grenoble

Le prix « Évaluation des politiques publiques » a lui été remis à la ville d’Aix-en-Provence pour son outil de données au service de l’action publique, Aixvaluation, lequel ambitionne de faciliter le dialogue des directions avec la direction Évaluation et contrôle de gestion et de renforcer le pilotage des politiques publiques, ceci au moyen de 1 640 indicateurs. Le taux de remplissage de ces derniers est de 71 % parmi les 200 utilisateurs impliqués. « Ce travail en mode projet a mis cinq ans pour segmenter les politiques publiques, définir et déployer les indicateurs, ceci en partenariat avec les élus et les directions », a commenté Christelle Curien, directrice Évaluation et contrôle de gestion. Non sans oublier d’informer les citoyens.

Enfin, un prix spécial – hors catégories et à l’initiative de l’Afigese – a été décerné à la ville de Grenoble pour la constitution d’une grille d’analyse environnementale et sociale des projets municipaux, ceci afin d’aider les élus à la prise de décision et à l’arbitrage budgétaire. Les impacts positifs et négatifs de 200 projets sur 36 critères répartis en six axes3 ont ainsi à ce jour été analysés et plus de 50 agents ont été formés. Autant de projets primés, chaleureusement applaudis par un public averti… et intéressé par leur reproductibilité.

Avant la clôture des assises le 26 par une table ronde d’experts « De la prévision à l’adaptation : la gouvernance locale au défi des transformations », l’après-midi du 25 septembre a été l’occasion de forums et d’ateliers4 dédiés aux mêmes catégories que celles des prix, nous y reviendrons plus tard dans ces mêmes pages finances de WEKA.

Frédéric Ville


1. Jury composé de la Société Française de l’Évaluation, La Chaire Optima et La Gazette des Communes.

2. Lire « Assurance des collectivités : comment sortir vite de la crise ? » et « Catastrophes naturelles : deux textes et un début de solution pour les collectivités locales ».

3. Lutte contre le changement climatique ; économie circulaire, prévention et gestion des déchets ; gestion durable de l’eau ; adaptation au changement climatique, biodiversité et protection des paysages ; pollution ; utilisation durable des ressources naturelles, agriculture et forêt.

4. Revoir le programme ici.


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