Coronavirus : les aides à domicile, des « invisibles » en quête de reconnaissance

Publié le 29 avril 2020 à 8h10 - par

« Oubliées », « invisibles » et pourtant maillon essentiel de la « première ligne » face au coronavirus, les auxiliaires de vie attendent que cette crise sanitaire débouche sur une reconnaissance sociale et financière.

Coronavirus : les aides à domicile, des "invisibles" en quête de reconnaissance

Les auxiliaires de vie et aides à domicile ont perdu en 17 ans respectivement 31 % et 15 % de leur pouvoir d’achat, avec des premiers niveaux de salaires en dessous du SMIC, une situation que prévoit de remédier un accord entre partenaires sociaux qui attend l’agrément de l’État.

« Je suis celle qu’on oublie, et aujourd’hui encore plus. Parce que oui, je suis tellement oubliée que mon salaire l’est aussi », s’est alarmée Alexandra Caratini, une aide à domicile dont le témoignage poignant a été publié le 1er avril 2020 sur le blog de Médiapart.

Elles sont aides à domicile ou auxiliaires de vie et accompagnent les personnes âgées en perte d’autonomie dans leur quotidien. Sur 226 500 salariés, 97 % sont des femmes, beaucoup à temps partiel, pour un salaire médian de 960 euros.

« Dans cette crise sanitaire sans précédent, ces personnels ont été considérés comme les derniers de cordée du parcours de soin » et « cette situation nous oblige à un devoir de reconnaissance », écrivaient samedi 25 avril des élus socialistes dans une tribune au jdd.fr dénonçant le rejet d’un amendement qui prévoyait une prime de 1 000 euros par auxiliaire de vie, versée par l’État sur le modèle de celle prévue pour les soignants dans le budget de crise adopté le 23 avril 2020.

Lors de la discussion de cette loi de finances rectificative, le rapporteur général du Budget Laurent Saint-Martin (LREM) avait expliqué que la « prime Macron » versée par l’employeur et exonérée de charges et d’impôts était « bel et bien applicable » aux auxiliaires de vie.

« Ehpad à domicile »

« C’est mal connaître la réalité du terrain » où les structures d’aide à domicile, souvent associatives, « n’en ont pas les moyens budgétaires », ont répliqué les élus PS dans leur tribune.

« C’est bien l’État qui doit abonder cette prime sur un périmètre identique à celui des personnels des hôpitaux publics », insiste auprès de l’AFP Thierry d’Aboville, secrétaire général de l’ADMR, premier réseau associatif de services à la personne en France.

L’ADMR fait partie du GR31, un réseau de 31 associations du secteur pour qui « le sujet de la prime ne doit pas masquer celui, majeur, de la revalorisation des métiers et de l’amélioration des conditions de travail », selon un communiqué diffusé jeudi 23 avril.

Estelle Pin, de la CGT organismes sociaux, pointe la « grave sinistralité » d’un « métier de service public ».

« Nos aides à domicile sont les invisibles de la société qui reconnaît le "cure" (le soin en anglais) et pas le "care" (l’accompagnement) », explique Frédéric Brun, président de l’Association Entr’aide à domicile, qui emploie 25 salariés intervenant auprès de 190 personnes âgées, principalement dans le XVe arrondissement de Paris.

Depuis le début de l’épidémie, l’association a réduit les prestations non essentielles comme le repassage ou l’entretien du logement. « Chaque salarié travaille actuellement 50 heures par semaine, visite quatre à cinq personnes par jour pour l’aide à la toilette, les repas, le ménage, les courses, le lever, le coucher. On est un Ehpad à domicile », résume M. Brun qui regrette qu’« aujourd’hui, les applaudissements soient réservés aux soignants ».

 « Chair à canon »

Au début de la pandémie, de la « guerre » contre le virus déclarée par le président Emmanuel Macron, Laëtitia Maure a eu « le sentiment d’être de la chair à canon ».

Cette auxiliaire de vie avec 23 ans d’expérience, qui exerce dans les Pyrénées-Orientales, confie que « les quinze premiers jours, ça a été le système D. Nos directions ont dû traverser la frontière pour aller s’approvisionner en masques en Espagne ». 

La situation s’est arrangée ensuite : les pouvoirs publics se sont « aperçus qu’on existait et qu’on était indispensable pour maintenir les gens à domicile ».

Mais « pour 900 euros nets par mois, on n’a pas envie de risquer sa vie. Au sortir de la pandémie, s’ils ne revalorisent pas les salaires, ils se tireront une balle dans le pied », prévient Mme Maure qui confie avoir pensé à une reconversion.

Les premiers niveaux de salaire sous le SMIC

Une conférence salariale annuelle, le 27 février 2020, a abouti à un accord prévoyant un taux d’évolution de la masse salariale de la branche de l’aide à domicile de + 2,7 % dès 2020.

Cet avenant qualifié d’« historique » par le président de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA), Guillaume Quercy, doit permettre de sortir plusieurs coefficients « de l’immersion sous le SMIC ».

La grille salariale fixe le salaire brut moyen d’un salarié non qualifié à 972 euros pour un équivalent temps plein avec 16 ans d’ancienneté, selon la CGT organismes sociaux.

Actuellement, il faut 18 ans à un salarié pour que sa rémunération dépasse le niveau du SMIC, précisent les employeurs associatifs de l’USB (Union syndicale de branche de l’aide à domicile).

En 17 ans, le pouvoir d’achat des auxiliaires de vie sociale (catégorie C) et des employés à domicile (catégorie B) a baissé respectivement de 31,3 % et 14,98 %, ajoute l’USB.

Cet accord « permet de rendre à nouveau concurrentiels et attractifs ces emplois », estime auprès de l’AFP M. Quercy, qui souligne que « tous les étés, on a de plus en plus de mal à remplacer les salariés qui partent en congés ».

Il reste à obtenir l’agrément de l’État « sans délai pour qu’on puisse lancer une campagne de recrutement avant l’été », insiste le président de l’UNA pour qui se pose également la question du financement de cette refonte des grilles salariales, évaluée à 600 millions d’euros annuels.

L’UNA demande un « financement dédié de la part de l’État via les agences régionales de santé (ARS) ».

Une conférence sociale sur les métiers du grand âge, sous l’égide des ministères du Travail et de la Santé, avait été annoncée avant l’été 2020. Mais c’était avant la pandémie du coronavirus.

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