Dans les métiers de l’aide sociale, des revalorisations à deux vitesses

Publié le 27 septembre 2021 à 9h54 - par

Ils sont aide-soignants, éducateurs spécialisés ou psychologues. Suivant le type d’établissement où ils travaillent, certains ont droit à des augmentations salariales, mais pas les autres : des disparités « ingérables » pour leurs employeurs, qui craignent des difficultés majeures de recrutement.

Dans les métiers de l'aide sociale, des revalorisations à deux vitesses

Dans les secteurs du handicap, de la protection de l’enfance ou de l’insertion sociale, « d’un point de vue managérial, c’est intenable », se désole Dorothée Bedok, directrice générale adjointe de Nexem, qui regroupe des employeurs associatifs du médico-social.

« Ces différences de salaires créent un climat social délétère dans nos structures », et rendent très difficile le remplacement des salariés qui préfèrent partir pour gagner davantage ailleurs, selon cette responsable.

À l’origine de ces tensions, les hausses de salaire décidées à l’été 2020 lors du « Ségur de la santé », pour répondre à la colère et l’épuisement des personnels des hôpitaux et des maisons de retraite. Ces augmentations ont été ensuite étendues progressivement à d’autres secteurs, mais selon un processus très complexe, qui n’a pas encore abouti pour tous les métiers.

Ainsi, en janvier 2022, la hausse de 183 euros net par mois doit être élargie à la plupart des soignants travaillant dans le secteur du handicap, mais seulement si leur établissement est financé par la Sécurité sociale. Les salariés d’une maison d’accueil spécialisée – qui accueille des handicaps assez lourds – seront concernés, mais pas ceux d’un foyer d’hébergement – où les handicaps sont plus légers – car ce type d’établissement est financé par les départements.

Pour l’association APF France handicap, qui gère quelque 500 établissements au total, les revalorisations, si elles étaient finalement octroyées à tous les soignants, coûteraient 27 millions d’euros par an. Pour l’heure toutefois, l’employeur n’est assuré de récupérer que 60 % de cette somme (via l’Assurance maladie), le reste étant à la charge des départements.

« Comment puis-je défendre en interne qu’une aide-soignante, parce qu’elle travaille dans une structure qui n’est pas financée par la Sécurité sociale, n’aura pas droit à la revalorisation ? », se demande Prosper Teboul, directeur général d’APF, pestant contre la « méthodologie incohérente » des pouvoirs publics, qui ont « saucissonné les mesures les unes après les autres, avec à la clé une inégalité de traitement difficilement acceptable pour les professionnels ».

Risque juridique

Pointant le risque d’un « système à deux vitesses » et d’une « fuite des compétences vers les secteurs mieux rémunérés », dix organisations professionnelles ont écrit début septembre aux présidents des conseils départementaux pour leur demander de « dégager les financements nécessaires au rétablissement d’une situation juste et équitable ».

« On est tous favorables à la revalorisation des métiers du social », commente auprès de l’AFP Frédéric Bierry, président de la collectivité unique d’Alsace et chargé des questions sociales à l’Assemblée des départements de France (ADF).

« Les départements, selon leur capacité, vont essayer de faire un effort, mais ils ne pourront pas tout financer », a-t-il nuancé. « On est pleins de bonne volonté, mais on n’a pas les moyens de répondre à cette demande, en tout cas pas à la hauteur demandée », a ajouté M. Bierry, soulignant que les collectivités n’avaient « pas de capacité à augmenter » leurs ressources.

En attendant, l’inquiétude est vive chez les employeurs du secteur. Surtout qu’à l’heure actuelle, « on n’arrive déjà pas à recruter : pour dix départs à la retraite, je ne trouve que deux personnes », se désole Cyril Durand, directeur général de l’association Linkiaa, qui gère des foyers pour enfants et des familles d’accueil en Loire-Atlantique.

« Si n’est rien fait, on va se retrouver avec des écarts de rémunération trop importants, entre professionnels qui font le même métier, et pour certains postes on ne pourra plus recruter du tout », redoute-t-il.

Et les disparités pourraient avoir une autre conséquence, juridique celle-là : les salariés exclus de la prime pourraient attaquer leur employeur devant les prud’hommes, pointe Guillaume Alexandre, qui dirige à Arras 90 établissements et services dans tous les secteurs du médico-social. D’autant que souvent, ils dépendent de la même convention collective.

Pendant la crise Covid, ces professionnels « ont été exposés au premier chef, ils sont restés au côté des publics vulnérables », observe ce responsable. « D’autres ont été récompensés. Mais eux, on leur dit c’est pas pour vous ».

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