Les élus locaux en première ligne pour déployer les énergies renouvelables

Publié le 10 janvier 2023 à 9h10 - par

Avec la loi sur les énergies renouvelables, la première en France, les élus locaux seront forcés de jouer un rôle accru dans l’essor de l’éolien ou encore du solaire, qui peinent à se déployer au rythme souhaité.

Les élus locaux en première ligne pour déployer les énergies renouvelables
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Où s’implanter ? Comment mieux répartir les sites, aujourd’hui concentrés dans le Nord et l’Est ? Comment favoriser l’adhésion locale ?

La loi, qui fera l’objet mardi 10 janvier d’un vote très attendu à l’Assemblée nationale avant de repartir en négociation avec le Sénat, demandera aux élus de définir des « zones d’accélération » pour l’implantation d’infrastructures d’énergies renouvelables (EnR).

« Nous faisons le pari de remettre les collectivités dans le siège conducteur », a expliqué à l’AFP la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher.

« Pour la première fois, nous créons un système de planification mettant les élus locaux au centre du jeu, en les réunissant pour traiter concrètement le sujet de l’installation des projets EnR dans leurs territoires afin qu’ils soient mieux acceptés et qu’ils se les approprient », a-t-elle poursuivi

« En revanche, si des collectivités ne proposent pas de zones d’accélération, elles ne pourront pas imposer de zones d’exclusion ».

En clair : les élus locaux auront intérêt à dire où ils veulent des éoliennes, sinon le marché s’imposera.

L’État se donne six mois pour fournir à chaque département ses données : production, gisements de vent ou de biomasse, contraintes… Les communes ou intercommunalités auront alors six mois pour envoyer leurs propositions.

Il faudra ensuite un nouveau semestre, au mieux d’ici la mi-2024, pour voir « si ces schémas départementaux collent avec » les objectifs de la France dans les renouvelables.

« Sinon, nous demanderons aux maires de proposer des territoires alternatifs », ajoute la ministre, qui a écrit aux préfets pour les préparer et escompte « des zones d’accélération dans tous les départements ».

Pour France Énergie Éolienne, la voix du secteur, c’est « un profond changement de méthode, qui place désormais les élus locaux en coresponsables de la réussite de la transition énergétique et de la sécurité d’approvisionnement » du pays.

Partager les profits

Aujourd’hui, pour un projet éolien terrestre, le maire est obligatoirement interrogé lors de l’enquête publique ; idem pour les grands champs photovoltaïques. Le préfet n’est cependant pas obligé d’en tenir compte pour l’autorisation.

Pour autant, la profession l’affirme : les projets « Far West », portés dans les années 1990 par des développeurs seulement soucieux de convaincre les propriétaires de terrains, c’est fini.

Même quand il s’agit de terrains privés, « la porte d’entrée est la commune. On ne rencontre jamais les propriétaires sans voir le maire avant », explique Joseph Fonio, président France de RWE Renouvelables. « Dans la majorité des cas, nous sommes bien accueillis ».

« L’essentiel de nos actions vise à faire que ces projets soient soutenus localement : par la coconstruction, l’association à l’investissement, le financement d’initiatives en faveur de la biodiversité ou du patrimoine », énumère-t-il, évoquant des pratiques similaires en Italie ou en Allemagne.

Mais l’élu ne peut pas tout.

« Si la population n’en veut pas, que fait-on ?, » demande Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce, principale association de collectivités sur les sujets eau, énergie, déchets, soulagé que le « droit de veto » des maires sur les projets ait pour l’instant disparu du texte : « trop de pression » sur l’élu.

En revanche, on doit lui donner les moyens de susciter l’adhésion, en plus du revenu fiscal, plaide M. Garnier.

Les défenseurs des renouvelables regrettent ainsi que le partage des profits avec les riverains des installations (via une baisse de la facture électrique) ait disparu du texte de loi.

Autre piste souvent évoquée mais pas retenue : la vente directe d’énergie renouvelable aux communes.

« Comme il est fier d’attirer une usine et l’emploi, l’élu doit pouvoir assumer pleinement un site énergétique : c’est une manne et la lutte contre le changement climatique », souligne Nicolas Garnier.

« Jusqu’en 1946, les unités de production électrique étaient portées par les communes : barrages, turbines… », rappelle-t-il. Mais depuis, « la politique énergétique a si bien marché qu’elle a déconscientisé » l’opinion, ajoute-t-il, s’interrogeant sur la nécessité d’en arriver à des objectifs plus contraignants.

En Allemagne, où les Länder ont grande latitude en matière d’énergie, certains rechignent toujours vis-à-vis des renouvelables, comme la Bavière avec l’éolien. Berlin a donc proposé une loi pour contraindre les retardataires.

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