Un moteur électrique greffé dans un vieil autocar : le « rétrofit » prend la route

Publié le 20 novembre 2023 à 9h45 - par

« Roulez branchés ! » : la mention figure en grosses lettres roses sur un autocar qui transportera bientôt des scolaires dans le nord de l’Isère. Ce véhicule thermique reconverti en électrique est l’un des premiers sur le  marché balbutiant du « rétrofit ».

Un moteur électrique greffé dans un vieil autocar : le "rétrofit" prend la route
© Par Richard Villalon - stock.adobe.com

Autorisé depuis 2020 seulement, ce procédé industriel consiste à remplacer les moteurs thermiques par des moteurs électriques en conservant la carrosserie et de nombreuses pièces d’origine. Initié sur des voitures de collections, le procédé suscite un intérêt croissant pour les poids lourds.

Sensibles à ses avantages financiers et écologiques, les collectivités locales s’y intéressent particulièrement pour leurs flottes de bus et de cars. La communauté d’agglomération Porte d’Isère vient ainsi d’en acheter trois, à 200 000 euros pièce.

« Si j’avais dû acheter le même car électrique neuf, il m’aurait coûté deux ou trois fois plus », explique son président Jean Papadopulon, en marge de leur inauguration à L’Isle d’Abeau. « On n’était pas en mesure de les payer… »

D’une autonomie d’environ 200 kilomètres, ces autocars seront utilisés pour les boucles du ramassage scolaire qui permettent une recharge dans la journée. Le même modèle développé par la société Retrofleet, récemment homologué, roule déjà en région Centre-Val-de-Loire.

La capacité limitée des batteries n’est pas un frein au développement du secteur, estime Emmanuel Flahaut, PDG de Retrofleet. « On a l’autonomie dont on a besoin » pour répondre à la majorité des usages, dit-il.

De fait, 90 % des autocars sont affectés au ramassage scolaire et aux lignes interurbaines et régionales avec des circuits relativement courts, selon l’association des professionnels des mobilités électriques, Avere.

« Artisanal »

D’un point de vue environnemental, « le rétrofit électrique est une solution pertinente », estime l’Ademe. Produire un car ou un bus rétrofité émet 37 % de gaz à effets de serre en moins qu’un véhicule neuf, « en réduisant automatiquement l’usage des matières premières », note l’agence de transition écologique dans un rapport de 2021. Le rétrofit intéresse d’autant plus les exploitants de transports publics qu’ils sont contraints, depuis 2020, d’acquérir des bus et cars à faibles émissions lors du renouvellement de leur flotte. Or, sur les plus de 66 000 autocars en circulation dans le pays, 97,9 % roulent encore au gazole et seuls 69 véhicules sont entièrement électriques.

Pour Emmanuel Flahaut, le rétrofit est la solution de transition la plus rapide : un autocar peut être converti en deux-trois semaines, quand les délais sont d’un à deux ans pour la commande d’un véhicule neuf, assure-t-il.

Ces délais courts « constituent une force aujourd’hui, même s’ils nécessiteront d’être réévalués dans le cadre d’un passage à l’échelle », précise Louis-Pierre Geffray, coordinateur de l’Institut Mobilités en Transition, un groupe de réflexion rattaché à Sciences Po.

L’approvisionnement en batteries, avec peu d’usines pour répondre à une demande en pleine croissance, pourrait poser problème.

Pour lui, « le vrai sujet est de savoir comment on fait un modèle économique permettant la massification de cette solution. La semi-industrialisation est le défi pour cette activité qui reste encore artisanale ».

Écarts de coûts

Seuls 1 000 à 2 000 véhicules ont été rétrofités en 2023 en comptant les deux-roues, selon l’association des Acteurs de l’industrie du rétrofit électrique (AIRe).

Le marché pourrait croître à court-terme mais ses perspectives semblent limitées à long-terme, quand l’ensemble des véhicules auront été convertis. « Pour les investisseurs, c’est compliqué de se projeter sur une activité vouée par nature à disparaître », pointe Louis-Pierre Geffray.

Selon l’Ademe, le marché du rétrofit est plus prometteur pour les véhicules lourds que pour les voitures, où les modèles électriques sont de plus en plus accessibles neufs ou d’occasion. « Il faut qu’il y ait un écart de coût significatif avec les solutions électriques neuves », confirme Emmanuel Flahaut, qui a concentré l’activité de Retrofleet sur les poids lourds.

Lui affiche sa confiance. L’homologation de ses véhicules pour le transport de passagers montre à « l’ensemble de la profession que ce modèle est possible », se réjouit-il, en espérant mettre sur les routes une centaine de cars l’année prochaine.

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