À Rennes, des cours de récréation « non genrées » pour lutter contre les stéréotypes

Publié le 21 janvier 2019 à 6h01 - par

Dans les cours d’école, les garçons jouent au centre, les filles sont reléguées sur les côtés : pour lutter contre ce phénomène d’occupation inégalitaire de l’espace, la ville de Rennes va doter ses nouvelles écoles de cours de récréation « non genrées ».

À Rennes, des cours de récréation "non genrées" pour lutter contre les stéréotypes

S’inspirant de l’expérience de Trappes (Yvelines), la capitale bretonne, qui a fait de l’égalité filles-garçons l’un des objectifs de son projet éducatif local, entend « lutter contre les stéréotypes de genres ».

Les cours de deux nouveaux groupes scolaires (maternelle et primaire) attendus en 2023 devront disposer « d’espaces de jeux diversifiés, appropriables par tous (non « genrés ») et participant au bon climat scolaire », selon une délibération du conseil municipal.

« Les enfants sont imprégnés de l’idée d’une inégale valeur entre ce qui est féminin et masculin et la mixité ne garantit pas l’égalité filles-garçons », a expliqué  l’AFP Geneviève Letourneux, conseillère municipale déléguée aux droits des femmes.

Dans une enquête parue en novembre, l’Unicef soulignait que la cour de récréation était « un espace difficile à partager où les jeux des garçons sont le plus souvent priorisés (…) Ils sont au centre, elles sont sur le côté ». À la clé, « un sentiment d’injustice partagé collectivement par le groupe des filles ».

« Les filles intègrent très tôt l’idée que l’espace central de la cour n’est pas leur place. Elles vont se restreindre physiquement dans leurs mouvements, mais aussi mentalement », souligne Chris Blache, cofondatrice de la plateforme Genre et Ville, selon qui les garçons sont « presque contraints socialement à aimer le foot et à y exceller ».

« Le fait d’être relégué à la périphérie pour jouer à ce que les garçons appellent les petits jeux de filles n’est pas anodin », renchérit Édith Maruéjouls, géographe du genre, rappelant que les métiers du « soin », souvent précaires et peu valorisés, sont majoritairement féminins alors qu’on compte toujours « un déficit important de femmes ingénieures ».

« La mixité souvent vécue comme une punition »

À Rennes, la réflexion porte autant sur l’aménagement que sur les activités. « Les espaces devront être pensés pour éviter d’avoir les garçons au centre et les filles en périphérie », indique la Direction de l’Éducation et de l’enfance (DEE). « Nous en sommes aux prémices, l’idée est aussi de choisir les activités les moins genrées », souligne Geneviève Letourneux, qui souhaite « éviter que certains espaces soient dédiés à un usage unique ». Fini donc le terrain de foot matérialisé par des bandes blanches au sol.

Selon la DEE, les premières consultations d’écoles réalisées amènent à « privilégier des cours où les enfants peuvent se raconter des histoires » avec des jeux « dont le design participe à la création d’histoires ». Les enfants veulent jouer au foot et au basket mais aussi « au loup, lire, faire du vélo ou observer des insectes dans l’herbe », précise la DEE. La mairie veut aussi former le personnel périscolaire aux inégalités filles-garçons.

« On sent qu’il y a une prise de conscience, les collectivités m’appellent pour me demander : On construit une école, comment on fait ? », assure Édith Maruéjouls, rappelant que ni les enseignants, ni les architectes ne sont encore formés aux questions de genre. À Paris, l’association « Jouer pour vivre » met à disposition des « boîtes à jouets » avec divers objets issus du recyclage (cartons, cordes, pneus, etc) pour favoriser la créativité.

« À l’école, la mixité est souvent vécue comme une punition, on va mettre un garçon avec les filles pour le punir », poursuit Mme Maruéjouls. « Or résoudre la question des violences ou du harcèlement implique de mettre davantage en relation les filles et les garçons ».

Reconnue pour son approche globale, depuis 20 ans, de la lutte contre les inégalités hommes-femmes, Rennes a travaillé sur l’égalité salariale de ses agents, le développement de la mixité des métiers ou l’éclairage public. Avec son « Bureau des temps », créé en 2002, elle s’est fixé pour mission d’aménager les « temps » (transports, travail, horaires des services publics) pour lutter contre les inégalités de genre. « Il y a un chantier ouvert, mais il faut continuer à être très vigilant sur le décodage des inégalités », reconnaît Mme Letourneux.

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