Le port de tenues à signification religieuse, un sujet épineux à l’école

Publié le 9 juin 2023 à 12h40 - par

Le port de tenues à signification religieuse à l’école, dont les abayas, qui suscite à nouveau des débats, est un sujet épineux car il laisse une part à l’interprétation des intentions des élèves.

Le port de tenues à signification religieuse, un sujet épineux à l'école
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Que dit la loi ?

Selon la loi du 15 mars 2004, « dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit ».

Une circulaire du 18 mai 2004 précise que « les signes et tenues qui sont interdits sont ceux dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse tels que le voile islamique, quel que soit le nom qu’on lui donne, la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive ».

Dans une circulaire du 9 novembre 2022, le ministère de l’Éducation souligne que le Conseil d’État distingue les signes ou tenues qui manifestent « par leur nature même, une appartenance religieuse », et ceux qui « peuvent le devenir » en raison « du comportement de l’élève ».

« Dans les deux cas, ils sont interdits », indique-t-elle, ajoutant que « plusieurs éléments d’appréciation peuvent être pris en compte », tels que la « permanence du port » et la « persistance du refus de l’ôter ».

L’abaya est-elle un « signe religieux ostensible » ?

Dans la circulaire de novembre, les abayas (longue robe traditionnelle couvrant le corps) sont considérées – comme les bandanas et jupes longues, également cités – comme des tenues pouvant être interdites si elles sont « portées de manière à manifester ostensiblement une appartenance religieuse ».

Pour Iannis Roder, membre du Conseil des sages de la laïcité, interrogé par Le Parisien, « cette tenue n’a rien à faire à l’école », car « son port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse ».

Haoues Seniguer, maître de conférence à l’IEP de Lyon et spécialiste de l’islamisme, estime cependant que l’abaya, « c’est beaucoup plus ambivalent qu’un voile ». « En contexte arabe ou dans les pays du Golfe », l’abaya « n’est pas fondamentalement ou initialement un vêtement religieux », rappelle-t-il.

« La meilleure manière pour savoir si c’est religieux ou pas, c’est de savoir le sens que donnent à ce vêtement celles qui le portent ».

Y-a-t-il une recrudescence des abayas?

Les atteintes à la laïcité à l’école ont baissé de 30 % en mai, à 438 (contre 625 en avril), selon les chiffres du ministère. Mais la part des incidents liés au port de tenues ou de signes, comme les abayas et qamis (vêtements longs traditionnels portés par les hommes) a représenté 56 % du total, contre 47 % en avril.

Depuis septembre, les atteintes à la laïcité ont varié entre 280 et 720 par mois. Avant mai, la part des incidents liés aux tenues n’avait dépassé 50 % qu’en septembre.

Le ministre de l’Éducation, Pap Ndiaye, avait alerté en octobre sur « la montée en puissance de signalements » pour les tenues et accessoires. Un service anti-radicalisation de l’État avait accusé avant la rentrée la « mouvance islamiste » de s’appuyer sur les réseaux sociaux pour encourager le port de ces vêtements.

Ces dernières semaines, des crispations ont été relevées dans plusieurs lycées du sud de la France, à Marseille ou Cavaillon (Vaucluse). À Cavaillon, des élèves en robes longues ou larges, ou tenues jugées indécentes (crop tops…) ont été refusées à l’entrée d’un lycée un matin de mai.

« Nombre de chefs d’établissements ont noté une recrudescence de ce phénomène ces dernières semaines », selon un haut fonctionnaire d’Île-de-France. « Les lycéens et collégiens semblent faire ça par défi, notamment sur les réseaux sociaux », dit-il.

Que peuvent faire les chefs d’établissements ?

Les syndicats de chefs d’établissements ont demandé à plusieurs reprises des « consignes claires » sur ces tenues, estimant que leur appréciation ne pouvait pas « être soumise à l’interprétation ».

La circulaire du ministère de novembre avait pour but de mieux les accompagner. Mais Pap Ndiaye a souligné qu’il n’était pas possible de « publier des catalogues interminables pour préciser les longueurs de robes ». Aucune consigne plus précise n’a été donnée sur ces vêtements.

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