La laïcité est « aujourd’hui plus que jamais menacée », selon Gabriel Attal

Publié le 14 mars 2024 à 9h15 - par

La laïcité est « aujourd’hui plus que jamais menacée », estime le Premier ministre Gabriel Attal dans un entretien mercredi 13 mars 2024 à l’AFP, où il affirme aussi que les groupes de niveau en français et maths au collège l’an prochain seront « la règle », « au moins sur les trois quarts de l’année », et la classe entière « l’exception ».

La laïcité est "aujourd'hui plus que jamais menacée", selon Gabriel Attal
© Par Florence Piot - stock.adobe.com

20 ans après la loi sur la laïcité, où en est-on ?

« La laïcité est menacée. Elle l’est probablement aujourd’hui plus que jamais. Elle a ses ennemis, ils sont politiques, religieux. Mais elle a aussi ses défenseurs : nos professeurs, nos fonctionnaires, nos forces de l’ordre.
J’ai toujours été et reste engagé pour le plein respect de notre laïcité, de la loi de 2004 (qui interdit le port de signes religieux ostentatoires à l’école), ce qui m’a conduit à interdire le port de l’abaya et du qamis dans nos établissements scolaires. Je constate qu’aujourd’hui, les signalements pour port de signes et de tenues religieuses sont au plus bas. C’est une victoire sans précédent pour la laïcité depuis 2004.
Ce qui m’inquiète le plus aujourd’hui, c’est qu’on assiste à une augmentation du nombre de signalements pour contestation d’enseignement. J’y vois à la fois le signe que les ennemis de la laïcité sont toujours présents et cherchent à infiltrer l’école et à l’affaiblir. J’y vois aussi le signe qu’une parole se libère. Notre mobilisation sera absolue sur cet enjeu ».

Que répondez-vous au sentiment d’insécurité des enseignants ?

« Accepter qu’un enseignant ait peur d’enseigner, c’est une défaite pour la République. Donc on va mettre en place avec la ministre (Nicole Belloubet) des cellules d’appui pédagogiques, joignables directement par les professeurs qui appréhendent une séquence d’enseignement, qui font face à des résistances, voire des contestations.
Il faut qu’il y ait un contact au niveau du rectorat qui puisse leur proposer trois grandes solutions : un accompagnement pédagogique avec des professeurs référents qui peuvent leur donner des conseils pour aborder certaines séquences du programme; une présence physique d’un personnel non enseignant au sein de la classe ; ou la présence physique d’un personnel formé, faisant partie par exemple des équipes académiques valeurs de la République. »

Que proposez-vous pour sécuriser les établissements ?

« On tient nos engagements. En cinq mois (depuis l’attentat d’Arras), près de 150 établissements ont déjà été sécurisés. Et ça se poursuit partout en France.
Ensuite, il y a les établissements, comme à Nîmes, qui se situent dans des îlots de délinquance et d’insécurité. Il y a autour de 150 établissements qui nous préoccupent particulièrement. Là, il faut avoir une action spécifique. Il faut mettre ces établissements totalement à l’abri du deal et des gangs.
C’est vraiment une action transversale. Et donc je réunirai les ministres de l’Intérieur, de la Justice, de l’Éducation et des Collectivités territoriales pour lancer une démarche qui doit être à la fois sécuritaire, éducative, judiciaire, d’ensemble. »

Où en est le le projet de regrouper les élèves radicalisés ?

« Il y a un travail interministériel qui se poursuit. Il y a plusieurs pistes qui sont à l’étude pour permettre de sortir de leur établissement ce type d’élèves. Ce travail aboutira d’ici à la fin de l’année scolaire. »

L’expression « groupe de niveau » fait polémique. Figurera-t-elle dans les textes officiels sur le « choc des savoirs » présentés vendredi 15 mars ?

« Qu’importe le nom, pourvu qu’il y ait la mesure. Pour ma part, je trouve le nom groupe de niveau plus clair pour les Français : adapter l’enseignement du français et des mathématiques aux besoins de chaque élève pour faire progresser le niveau général.
Il y a trois groupes selon le niveau de difficulté des élèves, avec un objectif, qu’on puisse faire le point sur le niveau des élèves, ce qui permettra de changer de groupe ».

Y aura-t-il toujours des enseignements en classe entière, en français et en mathématiques ?

« Oui. Vous ne pouvez pas démarrer un groupe de niveau dès le premier jour de la rentrée parce qu’il faut d’abord évaluer le niveau des élèves. Je pense que sur les trois quarts de l’année au moins, il faut que les élèves suivent leurs enseignements en français et en mathématiques dans les groupes de niveau. Donc la règle, c’est le groupe, et l’exception très encadrée, c’est la classe ».

Quels moyens supplémentaires allez-vous donner ?

« Encore ministre de l’Éducation, j’avais obtenu des moyens supplémentaires, avec plus de 2 000 postes pour la mise en place des effectifs réduits dans les groupes de niveau.
Si on se rend compte ici ou là, dans telle académie, dans tel établissement, que des postes supplémentaires sont nécessaires, on continuera à y ajouter des moyens ».

Que répondez-vous à ceux qui manifestent contre cette réforme, notamment en Seine-Saint-Denis ?

« Je vois que la principale inquiétude de beaucoup de parents, c’est de avoir si l’organisation de l’école va permettre à leurs enfants de progresser et d’élever le niveau général. On a investi massivement en Seine-Saint-Denis : ce département sera parmi les premiers bénéficiaires des postes supplémentaires pour mettre en place les groupes de niveau, avec l’arrivée de 95 postes supplémentaires ».

Êtes-vous en accord avec Nicole Belloubet sur ces groupes ?

« Il n’y a aucune divergence avec la ministre qui a redit hier mardi 12 mars qu’elle ne céderait rien de l’ambition et de la feuille de route du choc des savoirs. Chacun sait combien il faut qu’on soit unis pour notre école. Le cap est très clair. Il a été fixé par le président de la République. La feuille de route est là. L’école est, avec Nicole Belloubet, entre de très bonnes mains ».

Il n’y a pas de reprise en main de votre part ?

« Jamais. J’ai dit le premier jour de ma nomination à Matignon que j’emmenais avec moi la cause de l’école. J’ai été très mobilisé ces dernières semaines sur d’autres sujets comme la crise agricole. Je n’ai jamais perdu le fil. »

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