Une mission sénatoriale formule des recommandations pour protéger les enseignants

Publié le 12 mars 2024 à 15h19 - par

Une mission de contrôle du Sénat vient d’édicter 38 recommandations pour protéger l’école, ainsi que l’ensemble du personnel qui y travaille, et restaurer l’autorité de l’institution scolaire.

Une mission sénatoriale formule des recommandations pour protéger les enseignants
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Les sénateurs François-Noël Buffet (Les Républicains, Rhône) et Laurent Lafon (groupe Union Centriste, Val-de-Marne) ont présenté, le 6 mars 2024, les conclusions du rapport de la mission de contrôle sur « le signalement et le traitement des pressions, des menaces et agressions dont les enseignants sont victimes » créée par la Commission des lois et la Commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. L’assassinat de Samuel Paty le 16 octobre 2020, drame qui a ému toute la France, démontre que les pressions, menaces ou agressions dont les enseignants peuvent être l’objet au quotidien, dans les écoles, collèges et lycées, constituent « un sujet majeur et qu’à cet égard, une réponse publique adaptée et rapide – au niveau de l’Éducation nationale, des forces de sécurité et de l’institution judiciaire – s’impose », soutiennent les sénateurs. Face à une « école de la République attaquée », la mission sénatoriale incite l’État à « agir pour éviter de nouveaux drames. »

Ses travaux dressent le constat « d’une violence endémique dans les établissements scolaires, qui touche désormais le primaire comme le secondaire. Les insultes, menaces, pressions et agressions constituent désormais le quotidien des enseignants, ainsi que de l’ensemble du personnel administratif. Plus largement, c’est l’école de la République – et ses valeurs – qui doit faire face à des coups de boutoir réguliers. » Mal connue, la laïcité est rejetée et les contestations d’enseignement, tout comme la remise en cause de l’autorité de l’enseignant, sont en forte augmentation, observe le rapport. En outre, « il serait erroné de croire que ces problématiques ne se limitent qu’à certains établissements scolaires : tous les territoires, aussi bien ruraux qu’urbains, favorisés ou populaires, sont concernés », insiste la mission sénatoriale.

Faire face aux agressions auxquelles sont de plus en plus exposés les enseignants et les agents du personnel éducatif

Des outils existent sur les plans administratif, policier et judiciaire, pour prévenir les agressions auxquelles sont de plus en plus exposés les agents du personnel éducatif, rappelle-t-elle. Du reste, l’assassinat de Samuel Paty a entraîné une certaine prise de conscience de la part des pouvoirs publics, qui s’est notamment traduite par l’instauration de sanctions renforcées et de procédures de signalement accélérées, reconnaissent les auteurs du rapport. « Pour autant, la protection effective du personnel nécessite d’aller plus loin, en réaffirmant les principes sur lesquels l’école de la République s’est bâtie et en améliorant la coordination entre les différents acteurs institutionnels, de l’Éducation nationale à la justice », plaident-ils.

Face à ce constat, la mission formule 38 recommandations pour protéger l’école, ainsi que l’ensemble du personnel qui y travaille, et restaurer l’autorité de l’institution scolaire. Celles-ci s’organisent autour de huit axes.

Défendre et promouvoir la laïcité au sein de l’institution scolaire

La mission propose d’instaurer tous les ans en octobre, dans chaque établissement scolaire, un hommage aux enseignants assassinés, en tenant compte de l’âge des élèves. Elle prône l’élaboration, dans chaque établissement, d’un projet d’établissement incluant des actions relatives aux valeurs de la République et à la laïcité, afin de fédérer l’équipe pédagogique et administrative autour de leur défense et promotion, et de renforcer le dialogue entre les enseignants. Autre proposition : élargir pour les élèves l’interdiction du port de signes et tenues religieux ostentatoires à toute activité organisée par l’institution scolaire, y compris en dehors du temps scolaire (sortie scolaire le soir, cérémonie de remise d’un prix pour un concours organisé par l’Éducation nationale ou en partenariat avec le ministère, participation à un forum d’orientation organisé par l’établissement scolaire…).

Améliorer la formation du personnel éducatif afin de mieux lui permettre de faire face aux contestations d’enseignement et à la gestion des conflits

Pour les rapporteurs, il convient, notamment, de mieux préparer les agents de l’Éducation nationale et des collectivités territoriales (y compris le personnel d’accueil) aux situations de tension et de conflit en favorisant la mise en place d’une culture partagée de la sécurité. À cette fin, ils suggèrent de développer les formations communes sur les attitudes à adopter face aux élèves, aux parents et aux tiers, dans les classes et au sein des établissements.

Réaffirmer l’autorité de l’institution scolaire

La mission sénatoriale insiste sur la nécessité de rappeler systématiquement aux parents, en début d’année, les prérogatives de l’enseignant (en matière de notation, liberté pédagogique, choix des textes), le caractère obligatoire des programmes scolaires, en insistant sur les chapitres ou enseignements (natation en EPS) susceptibles d’être source de contestations, ainsi que les sanctions pénales en cas d’entrave à l’enseignement. Pour cela, elle propose de faire signer aux parents une « charte des parents » et d’y inclure spécifiquement le délit d’entrave à l’enseignement, assorti d’exemples concrets. Selon elle, il faut annexer cette charte au règlement intérieur des établissements. Parallèlement, afin de protéger les enseignants et les élèves et permettre une scolarité dans un climat scolaire apaisé, le rapport recommande de simplifier les procédures des conseils de discipline et de développer les structures d’accueil pour les élèves hautement perturbateurs ou poly-exclus.

Mettre fin au « pas de vague »

Afin de mettre fin au « pas de vague », les deux rapporteurs invitent à partager à l’échelle nationale les registres des sanctions des établissements scolaires, pour que toute incivilité, atteinte ou autre fait grave commis à l’encontre d’un personnel de l’Éducation nationale fasse l’objet d’une réponse cohérente de la part de l’institution.

Assurer la sécurité des établissements scolaires et de leurs abords

Principales recommandations :

  • généraliser les moyens d’alerte directe entre un établissement scolaire et les commissariats ou gendarmeries (bouton d’alerte, ligne directe…) ;
  • dans les quartiers marqués par un niveau élevé de violence des mineurs, nouer des partenariats renforcés entre les établissements scolaires, la police et les procureurs ;
  • étendre aux enseignants et au personnel administratif la formation dispensée par la gendarmerie aux cadres de l’Éducation nationale à la « prévention et à la gestion de crise » ;
  • permettre la mise en place de caméras de vidéoprotection filmant l’extérieur de l’établissement scolaire sans l’accord de son conseil d’administration ;
  • garantir l’effectivité de la réalisation du diagnostic de sécurité des établissements scolaires, en lien avec le référent « sécurité », ainsi que les collectivités territoriales, propriétaires du bâti scolaire, et s’assurer de son actualisation régulière.

Rendre les dispositifs administratif et policier de prévention plus efficaces

Afin d’améliorer le recours à la protection fonctionnelle du personnel, la mission sénatoriale propose de rendre automatique l’octroi de la protection fonctionnelle pour les agents de la communauté éducative victimes de violences et outrages du fait des élèves, des parents d’élèves ou de tiers. L’administration aurait la faculté de la retirer dans un second temps.

Fluidifier le parcours judiciaire pour les agents victimes

Au programme :

  • rendre les procédures policières et judiciaires plus simples, rapides et transparentes pour le personnel éducatif ;
  • renforcer les liens entre autorité judiciaire et Éducation nationale ;
  • promouvoir une justice plus rapide et transparente pour le personnel éducatif.

Renforcer la coopération entre l’Éducation nationale, les forces de l’ordre et les services de renseignement

Les rapporteurs de la mission invitent à généraliser le travail partenarial engagé, dans l’Académie de Versailles, entre le rectorat et les services départementaux du renseignement, à l’ensemble des académies, pour l’ensemble des établissements publics et privés sous contrat.


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