La réforme du statut de l’élu arrivera-t-elle à être adoptée au Parlement ?

Publié le 23 décembre 2024 à 14h20 - par

Le consensus existe pour améliorer les conditions d’exercice des mandats locaux. Une proposition de loi sénatoriale, enrichie des travaux des députés, devrait arriver en discussion à l’Assemblée en février. Malgré le soutien de la quasi-totalité des forces politiques, l’instabilité gouvernementale actuelle lui permettra-t-elle d’aboutir ? On peut raisonnablement le penser.

La réforme du statut de l'élu arrivera-t-elle à être adoptée au Parlement ?
© Par shocky - stock.adobe.com

450 démissions de maires par an depuis 2020. Les causes ? Les violences et les incivilités, un sentiment d’insécurité dans l’exercice de leurs fonctions, une conciliation compliquée entre l’exercice de leur mandat, leur vie personnelle et leur vie professionnelle, ou encore des relations difficiles avec les services de l’État. Martial Foucault, professeur à Sciences Po Paris et chercheur au Cevipof, constate une « accélération du mouvement et des démissions qui touchent aussi des milliers de conseillers municipaux ».
Face à cette crise des vocations, il est urgent de réagir à l’approche des municipales de mars 2026. « Pour lutter contre la hausse des démissions mais aussi renouveler et diversifier le profil des élus locaux, il faut faciliter l’exercice du mandat et favoriser l’engagement », estimait ainsi Catherine Lhéritier, maire de Valloire-sur-Cisse (Loir-et-Cher) et co-présidente du groupe de travail sur les conditions d’exercice des mandats locaux de l’AMF, lors d’un forum du congrès des maires, organisé le 19 novembre sur le statut de l’élu.

Un accord transpartisan

Deux jours plus tard, en clôture du congrès, Michel Barnier, alors Premier ministre, avait promis de « remettre en chantier le statut de l’élu à l’Assemblée nationale d’ici le début 2025 ». En pratique, le véhicule législatif prévu était la proposition de loi (PPL) sénatoriale, adoptée en première lecture à l’unanimité par le Sénat le 7 mars dernier, qui devait être débattue en février 2025 par les députés, après avoir été complétée par la PPL des députés Violette Spillebout (EPR) et Stéphane Delautrette (PS), déposée en septembre dernier.
Problème : la censure du gouvernement Barnier le 4 décembre. Cela signifie-t-il que tout est remis en cause ? Pas forcément. La réforme du statut fait consensus au sein des partis politiques, ce qui n’est pas si fréquent ! Un accord transpartisan pourrait donc être facilement trouvé. À cela s’ajoute « l’urgence » d’un texte, selon l’AMF, pour trouver des candidats aux municipales de 2026. Signe encourageant, la délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée a inscrit à son agenda deux jours de débat sur le statut de l’élu, les 14 et 15 janvier prochains, sur les façons de « lever les freins à l’engagement dans la vie publique locale » et de « rétablir l’exercice serein du mandat local ».
Le calendrier prévu semble donc se poursuivre. La PPL sénatoriale devrait être enrichie de dispositions en matière de valorisation, d’articulation avec la vie professionnelle, de formation et de reconversion. Moins consensuelles, d’autres mesures pourraient s’ajouter pour étendre le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants et réduire le nombre de conseillers municipaux.

Lever les freins pour s’engager

« Face à un engagement républicain qui s’est détérioré durant cette mandature, il faut impérativement redonner l’envie d’être élu local ». Soulignant l’urgence d’agir face à cette « crise des vocations » et à « une augmentation des agressions et des incivilités envers les élus locaux », Murielle Fabre, maire de Lampertheim (Bas-Rhin) et secrétaire générale de l’AMF, appelait à l’adoption rapide d’une loi lors du forum du congrès des maires. Présente, Françoise Gatel, la ministre déléguée chargée de la Ruralité, avait promis « d’avancer rapidement » en utilisant la PPL sénatoriale.
La PPL déposée par les députés Stéphane Delautrette et Violette Spillebout « agrège nos deux textes précédents afin d’avoir une PPL la plus complète possible », expliquait le président de la Délégation aux collectivités de l’Assemblée. Et d’ajouter : « Elle vise à lever les freins pour s’engager et exercer un mandat mais aussi à faciliter la reconversion professionnelle ». Sur ce dernier point, Violette Spillebout propose de s’inspirer de ce qui existe dans le privé avec le contrat de transition professionnelle, tripartite entre l’employeur, le salarié et France travail : « un contrat de sécurisation de l’engagement confierait à France travail l’accompagnement, le bilan de compétences et les liens avec des employeurs potentiels, et contiendrait aussi des mesures d’intégration facilitée à la fonction publique pour reconnaître les années d’engagement ».

Une charge mentale élevée des maires

Mandat de plus en plus complexe et prenant, agressivité des habitants, manque de moyens… Entre fatigue et lassitude, être maire devient très difficile comme l’atteste l’enquête ELUSAN (les élus et leur santé) à laquelle 4 928 maires ont répondu, présentée par les sociologues Didier Demazière et Jérôme Pélisse (CNRS/Sciences Po), durant le forum du congrès des maires. « Elle montre bien qu’on est maire H24. Le mandat déborde de plus en plus sur la vie personnelle et familiale. 80 % des maires disent qu’ils prennent moins de vacances et de loisirs », souligne Jérôme Pélisse. Face à un mandat jugé « usant pour la santé », selon 83 % des maires, Didier Demazière constate une charge mentale élevée – 40 % se disent souvent sous pression – et des difficultés à la contrôler comme à en parler. Un sujet tabou qui les enferme souvent dans un sentiment de solitude.
Dans ce contexte dégradé, Catherine Lhéritier insiste sur plusieurs propositions de l’AMF : améliorer l’articulation entre vie professionnelle et exercice du mandat (heures d’absence et leur rémunération), renforcer la protection sociale des élus, faciliter l’accès à la formation car « la mobilisation du DIF relève d’une course de haies », revaloriser les indemnités et favoriser un régime fiscal plus attractif… Pour assumer le coût de ce statut de l’élu, la co-présidente du groupe de travail de l’AMF préconise de « créer un fond financé par l’État permettant aux communes de couvrir les dépenses liées à ces mesures ».

Un statut de l’élu étudiant

Seulement 3 % des maires ont moins de 40 ans. Pour inciter plus de jeunes à se lancer, Florent Rossi, adjoint au maire d’Auribeau-sur-Siagne (Alpes-Maritimes) et président de l’Association des jeunes élus de France (AJEF), défend un statut de l’élu étudiant, en se réjouissant que sa création soit prévue par la PPL sénatoriale. « Il est anormal que des étudiants puissent avoir une dispense d’assiduité pour une compétition sportive mais pas pour participer à un conseil municipal », pointe-t-il. Parmi ses autres propositions : une formation obligatoire pour les primo-élus sur les fondamentaux ou la possibilité de suivre les conseils municipaux par visio-conférence, « dans un cadre strict et clair ».
Une note positive pour finir. Selon Martial Foucault, « la France est le seul pays au monde capable de réunir, le temps des élections municipales, près d’un million de citoyens engagés dans des listes sur un corps électoral de 47 millions de personnes ». Bien qu’abimé, l’engagement local a peut-être encore de beaux jours devant lui.

Philippe Pottiée-Sperry