« Montaigne, alors maire de Bordeaux, disait : “la charge du maire semble d’autant plus belle qu’elle n’a ni loyer ni gain autre que l’honneur de son exécution”. C’était au 16e siècle et pourtant, la fonction de maire manque toujours aujourd’hui de reconnaissance et de respect », déplore Violette Spillebout, députée Renaissance du Nord. « Béquille d’un État trop souvent aux abonnés absents, les élus locaux tentent de retisser un lien qui semble se défaire un peu plus chaque jour. Bien souvent seul, le maire concourt à faire vivre le troisième mot de la devise de notre République, la fraternité. Il le fait sans statut, sans moyens d’agir, parfois même sans reconnaissance », complète Sébastien Jumel, député NUPES de Seine-Maritime. Au nom de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale, ces deux parlementaires ont donc conduit une mission d’information sur le statut de l’élu local. Leur rapport est en ligne depuis le 19 janvier 2024.
L’absence d’un statut d’élu local abouti fragilise les citoyens qui souhaitent s’engager, sont convaincus Violette Spillebout et Sébastien Jumel. Les deux député(e)s insistent sur le manque d’attractivité du statut des élus locaux, « héritage d’une conception surannée du mandat électif. » Selon eux, face à la dégradation des conditions d’exercice des mandats locaux, « une réforme d’envergure s’impose ».
Les auteurs du rapport militent pour la consécration d’un statut de l’élu local attractif, « condition nécessaire à la redynamisation de l’engagement citoyen. » « L’engagement d’élu local doit être reconnu à sa juste valeur », affirment-ils avec force. Au final, leur rapport comporte 58 propositions pour améliorer le statut de l’élu local. Celles-ci s’organisent autour de quatre priorités. Voici les principales préconisations de Violette Spillebout et Sébastien Jumel.
Rétablir l’exercice serein du mandat public local
- Attribuer automatiquement la protection fonctionnelle à tout élu victime d’agressions, de menaces ou d’outrages, qui en fait la demande, sans qu’une décision préalable de l’organe délibérant soit nécessaire.
- Préciser dans la loi le socle minimal de risques couverts par les contrats d’assurance souscrits au titre de la protection fonctionnelle, en y incluant notamment les nouveaux risques tels que le harcèlement en ligne.
- Majorer la compensation par l’État des frais de souscription au contrat d’assurance « protection fonctionnelle » pour les petites communes.
- Accroître le soutien de l’État aux petites communes pour le financement des mesures de protection des élus.
- Aligner les sanctions contre les auteurs de violences aux élus sur celles prévues dans le cas de violences contre personnes dépositaires de l’autorité publique.
- Prévoir, dans la formation obligatoire des élus ayant reçu une délégation organisée au cours de la première année de mandat dans les communes de plus de 3 500 habitants et leurs groupements, un module sur l’égalité entre les hommes et les femmes et la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Ouvrir ce module obligatoire à l’ensemble des élus locaux.
- Rendre obligatoires l’enregistrement et la diffusion par des moyens de communication audiovisuelle des réunions du conseil municipal des communes de plus de 10 000 habitants.
- Procéder à une réforme de la définition du conflit d’intérêts en supprimant l’interférence entre deux intérêts publics.
- Établir un guide national du déport de l’élu local.
- Mettre en place au niveau du préfet de région un médiateur des collectivités territoriales spécifiquement chargé du traitement précontentieux des différends entre un élu local et l’exécutif de la collectivité.
Mettre en place un statut de l’élu attractif pour revitaliser la démocratie locale
- Rassembler sous un livre particulier de la première partie du Code général des collectivités territoriales l’ensemble des dispositions relatives au statut de l’élu local.
- Prévoir que les indemnités des membres des exécutifs locaux sont fixées au plafond maximum prévu par la loi, sauf si l’organe délibérant en décide autrement, à la demande du maire ou de son président.
- Attribuer une indemnité d’engagement citoyen, financée par la dotation particulière « élu local » (DPEL), à tous les conseillers municipaux sans délégation, d’un montant compris entre 40,85 et 245,15 euros bruts par mois.
- Porter le crédit d’heures accordé aux maires de 140 heures (122,5 heures pour les communes de moins de 10 000 habitants) à 175 heures par trimestre et de 122,5 heures (70 heures pour les communes de moins de 10 000 habitants) à 140 heures par trimestre pour les adjoints au maire.
- Inscrire les titulaires d’un mandat électif public sur la liste des salariés protégés dans le Code du travail.
- Donner la possibilité aux communes qui le souhaitent de mutualiser les référents déontologues au niveau de l’intercommunalité. Clarifier et étendre les modalités d’intervention du référent déontologue.
Reconnaître l’engagement d’élu local à sa juste valeur
- Systématiser l’organisation d’une période de formation de deux jours en début de mandat qui comporterait une présentation de la fonction d’élu local (y compris, pour les maires, le détail des missions exercées pour le compte de l’État), un rappel des droits et facilités attachés au mandat, ainsi qu’une sensibilisation aux principales contraintes déontologiques. Prévoir son financement, pour les communes de moins de 1 000 habitants, par la DPEL.
- Porter à 5 % de l’enveloppe indemnitaire globale, au lieu de 2 %, le montant prévisionnel minimal alloué à la formation des élus au sein des collectivités. Compenser le surcoût pour les communes de moins de 1 000 habitants au travers de la dotation particulière « élu local ».
- Fixer à 1 600 euros le plafond global du droit individuel à la formation des élus locaux (DIFE) et le crédit annuel à 600 euros et financer cette augmentation par un relèvement des cotisations prélevées sur les indemnités ainsi que, le cas échéant, par une dotation de l’État.
Améliorer les conditions d’entrée et de sortie du mandat pour inciter les citoyens à s’engager plus activement dans la vie publique locale
- Offrir la possibilité à tout candidat à une élection locale d’obtenir de l’État la prise en charge de frais de sécurité renforcée en cas de « menace avérée » pour sa personne.
- Porter de dix jours à vingt jours (soit le plafond applicable aux élections législatives et sénatoriales) le maximum de jours d’autorisations d’absence dont bénéficie tout candidat à une élection locale.
- Élargir le bénéfice de l’allocation différentielle de fin de mandat (ADFM) aux maires des communes de 500 habitants et plus, aux adjoints des communes de plus de 3 000 habitants ainsi que, le cas échéant, aux vice-présidents des EPCI de plus de 3 000 habitants.
- Organiser, à partir d’une maquette élaborée par un groupe de travail associant des élus locaux, une procédure de délivrance de certificats de certification professionnelle (CCP) permettant aux anciens élus de se prévaloir d’un « bloc de compétences » au titre de la validation des acquis professionnels (VAE). Rappeler dans le CGCT le droit des élus à bénéficier de la VAE dont ils bénéficient au titre de l’article L. 6111-1 du Code du travail.
- Prévoir dans le programme de la troisième voie d’accès à certains cadres d’emploi de la fonction publique territoriale un aménagement d’épreuves au profit des anciens élus locaux.
- Accorder à tout chef d’exécutif local une bonification de deux trimestres au titre de l’assurance retraite pour chaque période, continue ou non, de six ans de fonctions exercées, et à tout adjoint (ou vice-président) une bonification d’un trimestre par période, continue ou non, de six ans d’exercice des fonctions.
Violette Spillebout et Sébastien Jumel entendent, maintenant, traduire leurs propositions dans une proposition de loi.