Les banlieues refusent d’être les oubliées du quinquennat

Publié le 23 mars 2018 à 14h52 - par

Les banlieues seront-elles les grandes oubliées du quinquennat ? À quelques semaines de la remise d’un très attendu « rapport Borloo », l’inquiétude monte parmi les élus des quartiers, qui reprochent au gouvernement de ne pas mesurer la « gravité » de la situation et de se focaliser sur le monde rural.

Les banlieues refusent d'être les oubliées du quinquennat

Le Premier ministre Édouard Philippe se rend vendredi 23 mars à Mulhouse où il visitera le quartier sensible des Coteaux, un déplacement organisé à la hâte, et visant clairement à rassurer les élus qu’une récente rencontre avec le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, a laissés « abasourdis ».

Le 15 mars, des élus et militants associatifs de banlieue ayant planché sur divers sujets – emploi, éducation, image des quartiers… – étaient conviés par M. Mézard pour lui présenter leurs conclusions, en amont d’un rapport censé relancer la politique de la ville, que l’ancien ministre de la Ville Jean-Louis Borloo devrait remettre le 12 avril.

« Le ministre est arrivé 45 minutes en retard. Son secrétaire d’État, annoncé, était absent. Pendant la présentation, il n’a eu aucune réaction. Nous avons eu l’impression qu’il était là par défaut », raconte à l’AFP Driss Ettazaoui, vice-président MoDem de l’association des Maires Ville et Banlieue.

« On n’imaginait pas un tel manque d’intérêt, surtout quand une telle énergie a été déployée par les participants », ajoute Catherine Arenou, maire LR de Chanteloup-les-Vignes.

Un participant résume l’impression générale : « La politique de la Ville est complètement sortie des radars ».

L’accusation n’est pas nouvelle, brandie dès la constitution du gouvernement, où la politique de la ville s’était retrouvée diluée dans un vaste ministère de la Cohésion des territoires.

« Ça brûle »

En visite à Tourcoing en novembre, Emmanuel Macron avait appelé à une « mobilisation nationale » pour les quartiers en difficulté, en promettant : « Je veux que le visage de nos quartiers ait changé d’ici la fin du quinquennat ».

Mais une série de mesures prises à l’automne – baisse des aides personnalisées au logement (APL), fin des contrats aidés… – ont fait l’effet d’une douche froide. Et après 40 ans de politique de la ville, ces quartiers où le chômage est 2,5 fois supérieur à la moyenne nationale craignent de tomber dans la « relégation ».

En octobre, une centaine de maires avaient lancé un « appel de Grigny », listant dix mesures urgentes pour ces banlieues où vivent 8 % des habitants de France.

« On est très inquiets de la situation sociale de nos quartiers. À Chanteloup et à Grigny, ça brûle » et « le gouvernement est loin de prendre la mesure de la gravité de la situation », assure Jean-Philippe Acensi, président de l’association Bleu-blanc-zèbre.

D’autant que les élus des banlieues ont l’amère impression de passer après le monde rural dans l’agenda des priorités. Certains voient dans les douze heures passées par Emmanuel Macron au Salon de l’agriculture un message « assez clair », alors que la droite accuse sans relâche l’exécutif de délaisser les campagnes.

M. Borloo lui-même avait jugé en février « dément » et « grotesque » qu’on oppose urbains et ruraux.

Après le « rendez-vous raté » du 15 mars, les élus espèrent un « sursaut ». « Il est encore temps de rattraper les choses », espère Philippe Rio. « On a été refroidis par la réunion. Maintenant on attend la remise du rapport, puis des réponses très fermes », avance M. Acensi.

« Macron est dans un numéro d’équilibriste, il ne veut pas être accusé d’être le président des villes, et encore moins des quartiers », analyse M. Ettazaoui, qui reconnaît que « des choses ont été faites » : « les emplois francs, la police de sécurité du quotidien, le dédoublement des classes de CP »…

Parmi les élus, les idées ne manquent pas : création d’un annuaire de personnes ressources sur les quartiers, mise en place de « résidences de journalistes », possibilité de saisir le Défenseur des droits sur la question « du droit à l’image d’un territoire »…

M. Acensi avertit : « Il faut une énorme ambition et un espoir nouveau car la situation est explosive ».

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