Municipales : entre les maires et les commerçants, c’est « je t’aime moi non plus »

Publié le 12 février 2020 à 12h40 - par

Le commerce, touché par deux années difficiles et au cœur de l’attractivité des centre-villes, semble jouer avec les maires une variation sur le thème du « je t’aime moi non plus ».

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Des relations à maturité

Finies les immenses zones commerciales imposées et sans chaleur : on l’a vu récemment avec l’abandon d’Europacity et la rénovation controversée de la Gare du Nord, l’heure est aux projets à taille humaine, basés sur la concertation entre les différentes parties, et la création de lien social.

« Quand il y a une vraie collaboration entre les différents organismes qui ont la mainmise sur le commerce, ça se passe bien et ça permet d’avoir une cohérence entre à la fois le centre-ville, le périurbain et la périphérie », affirme à l’AFP Gontran Thüring, le délégué général du Conseil national des centres commerciaux (CNCC).

D’où une « maturité » du marché de l’immobilier commercial en France, dont le ralentissement structurel s’est confirmé en 2019 avec 1,31 million de m2 de surfaces commerciales autorisées contre 1,33 million en 2018, selon un bilan des Commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) cité par la fédération du commerce spécialisée (Procos).

Place aux « partenariats public-privé » pour créer des « lieux de destination, des lieux de vie », renchérit Christian Dubois, expert en distribution au sein du cabinet de conseil en immobilier d’entreprise Cushman & Wakefield. Les projets retenus se doivent d’être mixtes et mêler commerces et bureaux-coworking, santé et commerces, commerces et logements.

Ainsi, selon le CNCC, sur les 41 projets d’immobilier commercial en cours annoncés pour une échéance à fin 2022, deux tiers sont des rénovations ou extensions, et les trois quarts sont en centre-ville ou en périurbain.

Des sujets qui fâchent encore

Quand à l’inverse, la relation entre maires et commerces vire à l’aigre, on arrive, comme à Angers, à une situation où « le maire ne sait pas vraiment comment faire : il n’a pas de “manager de centre-ville”, pas de collaboration réelle avec la CCI, les associations de commerçants se tapent un peu les unes sur les autres… », raconte M. Thüring.

Selon Christian Dubois, trois maux peuvent faire dérailler les relations entre commerces et maires : le « taux de vacance des commerces », la « mono-activité » uniformisant les quartiers et « la mobilité et les enjeux logistiques » par rapport au développement du commerce en ligne.

Face à ces potentiels couacs, les maires disposent de plusieurs prérogatives, détaille à l’AFP Rozen Noguellou, professeur de droit public à la Sorbonne, notamment via le plan local d’urbanisme.

Dans ce document, on peut, comme c’est le cas dans certaines rues de Paris, protéger le commerce et l’artisanat « pour essayer d’éviter la transformation de boutiques en agences immobilières ou bancaires ».

L’autre mécanisme, mis en place par la loi Dutreil en 2005, est celui du droit de préemption des baux commerciaux, ajoute la professeure Noguellou, quand un commerce, notamment de proximité, quitte la commune.

Un outil utile dans les petites communes mais qui peut s’avérer « un peu pernicieux » si un nouvel exploitant n’est pas rapidement trouvé – ce qui peut arriver si la zone n’est pas attractive ou trop isolée.

Autre outil : dans le cadre de la récente loi Élan, les 222 municipalités concernées par l’action « Cœur de ville » peuvent refuser des autorisations d’équipements commerciaux. « À fin octobre, c’était le cas de 22 % des opérations déposées auprès des CDAC », précise M. Dubois.

Des pistes d’amélioration

Pour apaiser les relations et ranimer la flamme, plusieurs voies s’ouvrent aux maires qui souhaitent redonner de l’attractivité à leur commune.

Le maire, « qui a un pouvoir de police de la circulation », peut lancer « des actions de parking gratuit le samedi » ou bien mettre en place des « zones piétonnières », précise Mme Noguellou, qui ne se dit pas pour autant convaincue de l’efficacité de ces mesures.

L’agglomération de Strasbourg est un bon exemple de ces municipalités incitatives, avec un maire qui considère que « sa ville ne s’arrête pas aux limites de sa commune », souligne M. Dubois. Idem à Montpellier, qui a revitalisé son cœur de ville tout en « qualifiant » sa périphérie.

À l’approche des municipales, les commerçants eux-mêmes lancent des propositions : ainsi la CCI de Paris demande « la création d’une Zone touristique internationale (ZTI) unique pour tout Paris », ce qui permettrait aux commerces de la capitale d’ouvrir soirs et dimanche.

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