Rénovation urbaine : ces banlieues à la recherche d’un centre-ville

Publié le 24 mars 2021 à 9h52 - par

Des rues où les habitants flânent, se donnent rendez-vous, font les boutiques… Un quartier ordinaire ailleurs mais qui fait rêver des villes modernes de la banlieue parisienne, construites en « dalles » et qui veulent aujourd’hui changer de visage en se dotant d’un centre-ville plus traditionnel.

Rénovation urbaine : ces banlieues à la recherche d'un centre-ville

Au pied de la mairie de Bobigny (Seine-Saint-Denis), au milieu des tours de logements sociaux, les pelleteuses abattent les derniers vestiges du vieux centre commercial à l’allure d’entrepôt qui accaparait depuis les années 1970 le cœur de cette ville-préfecture populaire.

D’ici 2023, cette galerie marchande, ou « boîte à chaussures », doit laisser place à un quartier flambant neuf aux larges rues piétonnes à ciel ouvert. Elles offriront aux 50 000 Balbyniens une multitude de commerces de proximité, un cinéma de six salles, des bancs à l’ombre des arbres et des fontaines rafraîchissantes. À l’échelle locale, une petite révolution urbaine.

« C’est important d’avoir un endroit où vous ne faites rien du tout. Vous vous retrouvez, vous vous asseyez sur les bancs. Les adolescents se retrouvent, zonent ici. C’est le rôle d’un centre-ville », explique à l’AFP l’architecte Pierre Alain Trévelo, dont l’agence TVK a conçu ce nouveau quartier.

Jusqu’ici à Bobigny, une commune rurale qui s’est transformée à la faveur de l’explosion urbaine et démographique après la Seconde guerre mondiale, « il n’y avait pas de centre-ville », rappelle Benjamin Dumas, le directeur de cabinet du maire (PCF) Abdel Sadi. « Le lieu pour se retrouver, c’était la dalle. »

Le chantier s’inscrit dans l’effort de renouvellement et de revitalisation au long cours du centre de la ville, où se côtoient cités montées sur des dalles surélevées et bâtiments administratifs.

Revitaliser le centre-ville

Pensé selon l’architecture moderne et politique de l’époque, le quartier a surgi de la campagne au tournant des années 1960-1970 pour intégrer une importante population ouvrière dans cette ville traditionnellement communiste et répondre à la crise du logement. Mais, un demi-siècle plus tard, ce modèle a mal vieilli et est de plus en plus contesté.

Sans faire dalle rase du passé, Bobigny cherche toutefois depuis une vingtaine d’années à adapter son urbanisme.

La municipalité veut ramener au niveau du sol la circulation des piétons, qui se faisait en hauteur sur les dalles ou passerelles, et créer une continuité nouvelle dans le tissu urbain.

L’une des cités a vu sa dalle démolie et deux tours abattues, pour l’ouvrir sur le reste de la commune. Une autre devrait voir une partie de ses dalles disparaître. C’est au milieu de cet ensemble que doivent s’insérer les nouvelles rues commerçantes.

L’ancien centre-ville « n’était plus adapté, notamment à cause de la voiture, de la confiscation du rez-de-chaussée », estime M. Trévelo. « Il fallait redonner la primauté au piéton et chercher à faire une pièce fédératrice de tout ce qu’il se passe autour ».

Vingt ans de travaux

De l’autre côté de l’Île-de-France, Évry-Courcouronnes tient un raisonnement similaire. La mairie compte démolir une partie de sa dalle de centre-ville et réaménager le quartier. Un chantier d’au moins vingt ans.

Le chef-lieu de l’Essonne est né de la fusion récente de Courcouronnes et d’Évry, une ville nouvelle des années 1960 imaginée autour d’une dalle et d’un gigantesque centre commercial qui occupe près de la moitié du cœur de la ville, à une époque où la voiture était reine.

« L’habitant moyen de l’Essonne qui vient une fois à Évry, il arrive dans un parking sombre et dégueulasse, il sort par un escalier qui sent l’urine et arrive sur une dalle », soupire le maire Stéphane Beaudet (ex-LR).

Malgré la concentration dans cette zone des services essentiels aux 70 000 habitants (université, tribunal, préfecture, centre sportif, poste…), l’inhospitabilité des lieux les dissuadent de s’y attarder.

Selon des études menées pour le projet, explique l’élu, une personne flânant dans un agréable centre-ville de province marche au maximum à 3 km/h. À Évry, la vitesse de déplacement moyenne d’un piéton est de 5-6 km/h.

« La sauce ne prend pas », constate l’architecte Xavier Lauzeral, qui travaille sur la réhabilitation du centre d’Évry, « les échanges qui ont été imaginés entre les différentes fonctions commerciales et urbaines ne se sont pas produits ».

Sur place, les commerçants ne sont pas tous informés des travaux en gestation, qui devraient débuter dans quelques années, mais en comprennent l’utilité. « Ce n’est pas très vivant comme centre, à part les banques et les restaurants, il n’y a pas de boutiques. On n’a qu’une clientèle de bureau mais ça serait bien de pouvoir se diversifier », témoigne Sandrine Chareunphol, qui y tient un restaurant.

Pour Xavier Lauzeral, il faut « revenir sur les fondements et la conception initiale de la ville » et surtout attendre que les habitants s’approprient leur nouveau centre. Les villes nouvelles savent que Rome ne s’est pas faite en un jour.

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