Santé mentale des maires : 35 % des édiles ont un sentiment d’épuisement

Publié le 28 mars 2025 à 13h50 - par

À un an des élections municipales, le réseau Tempo Territorial et l’AMRF ont abordé, lors d’une conférence intitulée « Temps et santé des élu.e.s, entre sacrifice et sacerdoce… », la question de l’emploi du temps des élus. L’occasion de mettre en lumière les résultats de l’étude sur la santé des élu.e.s de l’Observatoire Amarok menée par Olivier Torres et Mathieu Le Moal de l’Université de Montpellier, et d’insister sur les défis liés à la gestion de l’équilibre entre vie professionnelle, personnelle et citoyenne avec l’exercice du mandat municipal.

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Déception, fatigue, impuissance à agir, mauvais sommeil, lassitude… Les maires, qui ne comptent pas leur temps et s’investissent à fond, sont très impactés par ce « sacerdoce qui les transcende » et les conduit à « s’oublier » au profit de leurs obligations. Non seulement plus de trois sur dix (31,40 %) ressentent un début d’épuisement mais 3,48 % sont en « risque sévère d’épuisement », selon cette étude réalisée par l’observatoire Amarok* de l’université de Montpellier qui a collecté 360 000 données auprès de 1 120 maires. L’observatoire Amarok et l’Association des maires ruraux de France (AMRF) proposeront bientôt un dispositif de santé mentale (Amarok e-santé maires), avec dépistage du risque de burnout et cellule d’écoute. Ce dispositif de prévention se basera sur les outils conçus pour l’étude : le stressomètre et le satisfactomètre, qui aident à prédire le risque de burnout des maires et leur état de bien-être.

« Les élus locaux ont trois vies, a expliqué l’un des auteurs de l’enquête, Philippe Torrès, chercheur à l’université de Montpellier le 25 mars, à l’occasion de cette conférence organisée à Lyon** par le réseau Tempo territorial et l’AMRF. Ils doivent concilier leur vie personnelle, leur vie professionnelle car 60 % d’entre eux travaillent et la vie publique. Comment ces hommes et ces femmes articulent-ils ce jeu à trois qui démultiplie toutes les possibilités ? » Sans doute parce qu’ils éprouvent pour la plupart une grande satisfaction. Selon l’étude, c’est le cas de sept maires sur dix.

69,3 % des maires affichent une satisfaction en tant qu’élu

Parmi les sources de satisfaction (les « satisfacteurs ») liées à la fonction d’élu, la réussite d’un projet est la plus fréquemment citée. La notion de projet étant centrale dans la vie d’un maire, la fin d’un projet signe sa réussite. Deuxième motif de satisfaction : les cérémonies ou les célébrations, des événements vécus comme très positifs. « Ce qui atteste de l’importance de la fonction de représentation du maire, qui est une source de plaisir, de joie partagée et vraisemblablement de fierté de la part du maire », estiment les auteurs de l’étude. Viennent ensuite la bonne entente avec l’équipe municipale et avec les agents dont il assume la responsabilité. Les maires trouvent une protection positive auprès de leur famille. Mais pour autant, ils font passer la vie publique avant leur santé, leurs vacances…

Épuisement et stress des maires

Les sources de stress (« stresseurs ») les plus importantes pour un maire proviennent précisément de la vie publique, à commencer par la complexité et la lourdeur administratives. En particulier, parce que chaque décision ou projet nécessitent de bien connaître les textes juridiques, qui évoluent constamment. Les maires gèrent des domaines variés qui impliquent des démarches administratives spécifiques, des demandes de subventions, des appels d’offres… Une multiplication des tâches qui « peut rapidement devenir accablante » ; la charge de travail et le manque de temps sont donc cités comme deuxième facteur de stress. Cette surcharge de travail peut conduire à l’épuisement professionnel et à une baisse de motivation. L’épuisement se caractérise en grande partie par la déception, la fatigue, l’impuissance, l’insomnie et le sentiment d’en « avoir marre » qui touchent généralement des personnes très investies dans leur travail. D’où un « syndrome frénétique », lié à trois phénomènes : surcharge de travail, forte ambition, forte implication. À la fois très investis mais très « empêchés », les 1 142 à 1 218 maires en « risque sévère d’épuisement » sont proches du burnout. Chez les femmes maires, le risque de burnout est plus élevé. L’isolement du maire est également un facteur aggravant.

Troisième facteur de stress majeur pour les maires : la gestion des subventions, souvent à l’origine de frustration et d’incertitude. En effet, les difficultés liées aux subventions entravent le développement de projets municipaux et affectent le moral des élus.

Les agressions et menaces, de plus en plus fréquentes et médiatisées, conduisent les maires à ressentir un niveau élevé de stress mais elles n’arrivent qu’en sixième position. Les conflits entre élus ou avec des administrés sont aussi perçus comme difficiles à vivre.

Pour conclure, Philippe Torrès rappelle qu’on ne peut pas parler de « bon stress » – c’est un élément pathogène et délétère —, et qu’« il y a chez les maires davantage de stress choisi que de stress subi. L’intensité des satisfacteurs est plus importante que celle des stresseurs, et les élus sont très souvent confrontés à de la satisfaction ».

Marie Gasnier

* En raison du RGPD, les maires des communes de plus de 10 000 habitants ont été exclus de l’étude [Du risque de burnout au bien-être des maires français : sortir de l’ignorance] car identifiables. Après ajustement, l’échantillon reste représentatif et couvre 97,23 % des maires.
** Temps et santé des élue.s, entre sacrifice et sacerdoce…