Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 juillet 2024 par le Conseil d’État (décision n° 490227 du 15 juillet 2024) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée pour la commune d’Istres.
1. La protection fonctionnelle n’est pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR)
La commune requérante reprochait aux dispositions de l’article L. 2123-34 du Code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de la loi du 27 décembre 2019, de n’accorder la protection fonctionnelle de la commune à certains élus municipaux que lorsqu’ils font l’objet de poursuites pénales, sans étendre le bénéfice de cette protection aux actes intervenant au cours de l’enquête préliminaire. Selon la commune, ce serait une méconnaissance d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République. La commune demandait au Conseil constitutionnel de reconnaître le principe, selon lequel, les collectivités publiques seraient tenues d’accorder leur protection aux agents publics mis en cause à raison de faits commis dans l’exercice de leurs fonctions, dès lors qu’il ne s’agit pas de fautes qui en sont détachables.
Le Conseil constitutionnel a refusé de reconnaître un PFRLR dont la valeur constitutionnelle consacrerait la protection fonctionnelle.
D’une part, il estime qu’« une tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée pour soutenir qu’un texte législatif qui la contredit serait contraire à la Constitution qu’autant qu’elle aurait donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 »2.
D’autre part, le Conseil constitutionnel considère que « si les articles 14 et 15 de la loi du 19 octobre 1946 (…) prévoyaient que l’administration est tenue de couvrir les fonctionnaires des condamnations civiles prononcées contre eux lorsqu’ils sont poursuivis par un tiers pour faute de service et de les protéger contre les menaces et attaques dont ils peuvent faire l’objet à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, ces dispositions n’ont toutefois eu ni pour objet ni pour effet de consacrer un principe selon lequel la protection fonctionnelle devrait bénéficier à tout agent public mis en cause à raison de faits commis dans l’exercice de ses fonctions, dès lors qu’il ne s’agit pas de fautes détachables, ni, en tout état de cause, à un élu local. Ces dispositions ne sauraient donc avoir donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République »3.
2. La différence justifiée de situation pour l’octroi de la protection fonctionnelle entre les élus et les agents
La commune d’Istres, rejointe par l’association des maires de Guyane et l’association des communes et collectivités d’Outre-mer, faisait valoir que ces dispositions instauraient, selon elles, une différence de traitement injustifiée entre les élus municipaux et les agents publics au motif que seuls ces derniers bénéficient d’une protection fonctionnelle lorsqu’ils sont entendus en qualité de témoin assisté, placés en garde à vue ou se voient proposer une mesure de composition pénale.
Le Conseil constitutionnel a rejeté cet argument.
D’une part, il estime que dans les travaux préparatoires de la loi « Fauchon » du 10 juillet 2000, « le législateur a entendu permettre notamment au maire ou à l’élu le suppléant ou ayant reçu une délégation, compte tenu des risques de poursuites pénales auxquels les exposent ces fonctions, de bénéficier de la même protection fonctionnelle que celle accordée aux agents publics en cas de poursuites pénales »4.
D’autre part, le Conseil constitutionnel considère que la loi du 20 avril 2016 permet aux agents publics de bénéficier aussi de la protection fonctionnelle lorsqu’ils sont entendus en qualité de témoin assisté, placés en garde à vue ou se voient proposer une mesure de composition pénale. Toutefois, le Conseil constitutionnel rappelle qu’ils ne « se trouvent pas dans la même situation que les élus chargés d’administrer la commune, au regard notamment de la nature de leurs missions et des conditions d’exercice de leurs fonctions. Compte tenu de cette différence de situation, le législateur n’était donc pas tenu de les soumettre aux mêmes règles de protection fonctionnelle »5.
Les différences de traitement de l’octroi de la protection fonctionnelle entre les élus et les agents publics de la commune sont donc justifiées.
Dominique Volut, Avocat-Médiateur au barreau de Paris, Docteur en droit public
2. Consid. n° 5 de la décision n° 2024-1106 QPC du 11 octobre 2024.
3. Consid n° 6 de la décision n° 2024-1106 QPC du 11 octobre 2024.
4. Consid. n° 11 de la décision n° 2024-1106 QPC du 11 octobre 2024.
5. Consid n° 12 de la décision n° 2024-1106 QPC du 11 octobre 2024.