Analyse des spécialistes / Élus

Violences urbaines : quel renforcement de la protection des élus ?

Publié le 5 juillet 2023 à 10h45 - par

L’attaque à la voiture-bélier contre le domicile du maire de l’Haÿ-les-Roses ce dimanche 2 juillet 2023 a suscité un large émoi conduisant l’organisation de marches pour la solidarité. Plus qu’avant, les élus de la République sont aujourd’hui confrontés à une violence multiforme. Une proposition de loi n° 1379 tendant à renforcer la protection des élus avait d’ailleurs été déposée le 15 juin 2023 par des députés appartenant aux groupes « Les Républicains » et « Renaissance ». Elle est malheureusement d’une funeste actualité.

Violences urbaines : quel renforcement de la protection des élus ?
© Par OceanProd - stock.adobe.com

Cette proposition de loi n° 1379 a pour objectif de protéger plus efficacement les élus de la République afin d’éviter la banalisation des actes de violence physique ou verbale à leur égard en les réprimant plus sévèrement, tout en leur facilitant l’octroi de la protection fonctionnelle quand ils sont victimes de tels actes1.

1. Un constat récurrent

Dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi, il est souligné que, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, les violences commises à l’encontre d’élus ne cessent d’augmenter depuis 2020, avec une hausse de 30 % chaque année. Celles-ci visent majoritairement les maires et leurs adjoints2. Toutefois, les députés ne sont pas épargnés car début 2022, sur 577 députés, 540 d’entre eux affirmaient avoir déjà subi des agressions, physiques ou verbales. Par suite, les dépôts de plainte sont peu nombreux, seulement 162 d’entre eux ont osé, craignant des représailles ou regrettant l’inutilité de la démarche3. Quant aux condamnations pénales, elles sont encore moins nombreuses, seulement 21 % des dépôts de plaintes y aboutissaient selon le rapport d’information de M. Philippe Bas au Sénat le 2 octobre 2019. Les violences se caractérisent par des tentatives de meurtre, des agressions, des prises à partie, des insultes, des menaces de mort ou encore des dégradations4. Ces violences seraient parmi les raisons incitant les maires à démissionner. 1 293 maires ont démissionné depuis 20205.

2. Des sanctions pénales renforcées

Cinq articles visent à protéger plus efficacement les élus de la République afin d’éviter la banalisation des actes de violence physique ou verbale à leur égard en les réprimant plus sévèrement.

Premièrement, l’actuel article 1er de la proposition de loi prévoit de porter le maximum de la peine encourue en cas de violences, d’outrages ou de menaces commis à l’égard de titulaires de mandats électifs publics à hauteur de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende en cas d’interruption temporaire du travail (ITT) de moins de 8 jours et à hauteur de 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende pour les ITT de plus de 8 jours.

Deuxièmement, l’actuel article 2 de la proposition de loi crée le délit d’atteinte à la vie privée par diffusion d’informations relatives à la vie privée et familiale d’un élu permettant de l’identifier ou de le localiser. Le but serait d’interdire la diffusion malveillante de données personnelles, notamment sur les plateformes de réseaux sociaux.

Troisièmement, l’actuel article 3 de la proposition de loi allonge le délai de prescription du délit de commission de propos offensants sur les réseaux sociaux à l’égard des élus à hauteur de 1 an au lieu de 3 mois.

Quatrièmement, l’actuel article 8 de la proposition de loi instaure un référent dans chaque unité de gendarmerie assurant le traitement ainsi que le suivi des procédures engagées par les élus faisant l’objet d’attaques pour apporter une réponse pénale systématique et plus rapide.

Enfin, l’actuel article 9 de la proposition de loi impose au procureur de la République un délai d’un mois pour communiquer aux maires, les motivations des décisions de classement sans suite de leurs plaintes et signalements.

3. Une protection fonctionnelle mieux octroyée

Quatre articles visent à faciliter l’octroi de la protection fonctionnelle aux élus quand ils sont victimes de tels actes.

Premièrement, l’actuel article 4 de la proposition de loi simplifie l’octroi de la protection fonctionnelle aux maires, lorsqu’elle est demandée à raison de faits de violences, menaces ou outrages. L’opportunité d’octroi de celle-ci ne serait plus soumise à l’appréciation discrétionnaire du conseil municipal mais serait de droit à la demande de l’élu, sauf délibération contraire motivée du conseil municipal dans un délai de trois mois.

Deuxièmement, l’actuel article 5 de la proposition de loi étend la protection fonctionnelle applicable à l’ensemble des conseillers municipaux, régionaux et départementaux, dans le cadre de leur mandat, ainsi qu’aux membres des communautés de communes6.

Troisièmement, l’actuel article 6 de la proposition de loi étend la compensation de l’État à la souscription à l’assurance de garantie des communes « visant à couvrir le conseil juridique l’assistance psychologique et les coûts qui résultent de l’obligation de protection » à toutes celles de moins de 10 000 habitants au lieu d’un seuil de 3 500.

Enfin l’actuel article 7 de la proposition de loi renforce l’aide apportée par la protection fonctionnelle des communes aux élus victimes en supportant le frais de l’ensemble des restes à charge et dépassements d’honoraire résultant de leur prise en charge médicale et psychologique.

Ce texte actuel, qui est encore à discuter, s’inscrit dans une préoccupation générale de protection des élus. Plusieurs propositions existent déjà. Gageons qu’une harmonisation existera et que ce texte sera renforcé pour traiter d’un autre problème en lien avec les sanctions pénales pour les agressions envers les élus. Certains auteurs de violence envers des élus n’exécutent pas les décisions de justice les condamnant. Il serait bienvenu que cette proposition de loi renforce également la protection des élus pour l’exécution des décisions de justice quand des auteurs d’infraction sont sanctionnés.

Dominique Volut, Avocat-Médiateur au barreau de Paris, Docteur en droit public


1. Proposition de loi visant à renforcer la protection des élus, n° 1379, déposée le jeudi 15 juin 2023 et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

2. Exposé des motifs de la proposition de loi n° 1379.

3. Ibidem.

4. Ibidem.

5. Ibidem.

6. Voir également texte n° 532 (2022-2023) de MM. Philippe Bas, Mathieu Darnaud, Mme Françoise Gatel et M. Patrick Chaize, déposé au Sénat le 13 avril 2023.

Auteur :


On vous accompagne

Retrouvez les dernières fiches sur la thématique « Services à la population »

Voir toutes les ressources numériques Services à la population