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Insultes et agressions envers des élus locaux : que prévoit la circulaire “Dupont-Moretti” ?

Publié le 11 septembre 2020 à 12h17 - par

La circulaire relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’encontre des personnes investies d’un mandat électif et au renforcement du suivi judiciaire des affaires pénales les concernant, dite « Dupont-Moretti », en date du 7 septembre 2020, renforce les protections des élus locaux dans un contexte où plusieurs maires ont été agressés cet été.

Insultes et agressions envers des élus locaux : que prévoit la circulaire “Dupont-Moretti” ?

La circulaire « Dupont-Moretti »1 s’inscrit dans la suite de la circulaire du 6 novembre 20192. Celle-ci avait été prise dans un contexte d’augmentation des incivilités et agressions commises contre les parlementaires, les maires et les élus locaux. Elle avait pour objet de mettre en œuvre une politique pénale ferme en répression des actes commis à l’encontre des parlementaires et des élus locaux ainsi que de renforcer le dialogue avec les procureurs afin de favoriser un échange d’informations plus fluide.

La circulaire « Dupont-Moretti » procède au constat d’un « niveau toujours très élevé des agressions3 » contre les élus. Elle souligne que « 41 % des affaires constituent des atteintes aux personnes, ce taux atteignant 66 % lorsque que la victime est maire4 ». Elle vise non seulement à réaffirmer la mise en œuvre d’une politique pénale ferme en répression des actes commis à l’encontre des parlementaires et des élus locaux (1), mais également à approfondir le dialogue entre les procureurs de la République et les élus locaux (2).

1. Une réaffirmation de la mise en œuvre d’une politique pénale ferme en répression des actes commis à l’encontre des parlementaires et des élus locaux

Premièrement, la circulaire du 6 novembre 2019 avait précisé que : « la circonstance liée à la commission de faits au préjudice d’un élu constitue une cause d’aggravation de la peine encourue dès lors que la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur de l’infraction et que les faits sont commis en raison de ses fonctions. La fonction d’élu est aussi érigée par le législateur en élément constitutif de certaines infractions telles que les menaces et actes d’intimidation, les outrages et la rébellion. La collectivité territoriale peut également être visée, notamment par des faits de dégradations de biens destinés à l’utilité publique. Je vous rappelle que les responsables des exécutifs locaux (maires, présidents d’intercommunalités, des conseils départementaux et régionaux) mais aussi les adjoints aux maires et conseillers municipaux délégués, ont la qualité de personnes dépositaires de l’autorité publique. Les autres élus locaux, lorsqu’ils ne se voient confier par délégation aucune prérogative de puissance publique, comme les parlementaires, ont quant à eux la qualité de personnes chargées d’une mission de service public5 ».

Deuxièmement, la circulaire « Dupont-Moretti » précise que les insultes commises à l’encontre des dépositaires de l’autorité publique et des personnes chargées d’une mission de service public devaient être qualifiés d’outrage. Par ailleurs, la circulaire préconise que les procureurs privilégient le défèrement au rappel à la loi en cas de réitération de comportements fautifs. De même, pour les faits les plus graves, la comparution immédiate apparaît comme la procédure la plus appropriée. Enfin, le ministre de la Justice demande aux forces de l’ordre d’être diligents dans le traitement des plaintes déposés par les parlementaires et les élus locaux.

2. Un approfondissement du dialogue entre les procureurs de la République et les élus locaux

Premièrement, la circulaire du 6 novembre 2019 insistait sur le fait que dans : « la perspective d’un dialogue institutionnel renforcé avec les élus locaux au sein des instances partenariales, les procureurs de la République continueront à prendre part activement aux conseils locaux et intercommunaux de prévention de la délinquance (CLSPD/CISPD). Les réunions peuvent être l’occasion de présenter la politique pénale menée et d’informer les élus sur leurs droits. Conformément aux dispositions de l’article 132-5 du Code de la sécurité intérieure, des informations confidentielles et nominatives pourront être échangées au sein de ces instances, en tenant compte des thématiques assignées aux groupes de travail et dans le respect des dispositions de l’article 11 du Code de procédure pénale6 ».

Deuxièmement, la circulaire « Dupont-Moretti » attache une grande importance à ce que le procureur de la République ou un magistrat désigné rentre en contact avec les parlementaires et les élus locaux victimes d’infraction pour les informer de manière systématique et individualisé du suivi de la procédure. Par ailleurs, il est demandé aux présidents et aux procureurs des Cours d’appel d’organiser, avec les représentants des forces de sécurité intérieure, une réunion d’échanges et de pédagogie avec les élus pour expliquer leur cadre d’action.

Au final, cette circulaire s’inscrit et complète celle du 6 novembre 2019 afin de mieux protéger les élus. Dans un contexte de délitement de la cohésion sociale, l’élu de la République – qui demeure également un citoyen – apparaît comme un bouc émissaire. La fermeté de la politique pénale peut servir à mieux les protéger, mais il apparaît également nécessaire de mieux expliquer leur rôle et leur cadre d’action aux citoyens qui, parfois, en attendent trop.

Dominique Volut, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit public


1. Circulaire du 7 septembre 2020 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’encontre des personnes investies d’un mandat électif et au renforcement du suivi judiciaire des affaires pénales les concernant, n° CRIM 2020-18/E1/07.09.2020, DP 2019/1590/A22.

2. Circulaire du 6 novembre 2019 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’encontre des personnes investies d’un mandat électif et au renforcement des échanges d’informations entre les élus locaux et les procureurs de la République, CRIM/2019- 20/E 1/04.11.2019, CRIM n° 2019/1590/A22.

3. Circulaire du 7 septembre 2020 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’encontre des personnes investies d’un mandat électif et au renforcement du suivi judiciaire des affaires pénales les concernant, n° CRIM 2020-18/E1/07.09.2020, DP 2019/1590/A22, p. 2.

4. Ibidem.

5. Circulaire du 6 novembre 2019 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’encontre des personnes investies d’un mandat électif et au renforcement des échanges d’informations entre les élus locaux et les procureurs de la République, p. 2.

6. Ibidem p. 3.

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