Les sénateurs, qui examinent actuellement la partie dépenses du projet de loi de finances pour 2023, ont adopté la partie recettes le 24 novembre 2022. Parmi les mesures favorables aux collectivités, le texte du Sénat renforce le champ d’application du filet de sécurité énergie, destiné à compenser en partie les hausses des coûts. Un amendement (sur l’article 14 ter) de Jean-François Husson, sénateur de Meurthe-et-Moselle, rapporteur général du budget, élargit et simplifie le dispositif du texte adopté par l’Assemblée nationale, considéré comme « loin d’être à la hauteur des enjeux » bien que « l’intention du Gouvernement de soutenir les collectivités territoriales confrontées à la forte hausse des prix de l’énergie en 2023 [soit] louable ».
Les élus locaux le trouvaient beaucoup trop restrictif : les critères d’éligibilité votés par les députés (perte d’épargne brute et potentiel financier) excluaient d’emblée plus de 40 % des collectivités territoriales et intercommunalités. Pourtant, la grande majorité, sans distinction de taille, seront lourdement affectées et auront des difficultés à faire fonctionner leurs services publics et à réaliser des investissements. Le dispositif voté par les députés laissait à la charge des seules collectivités la hausse de leurs dépenses d’énergie jusqu’au seuil de 60 % de la hausse de leurs recettes de fonctionnement (entre 2023 et 2021). Or, d’après les estimations de la commission des finances du Sénat, la hausse prévisionnelle des dépenses de fonctionnement, hors énergie, des collectivités, qui sont également affectées par l’inflation, absorberait déjà à elle seule près de 60 % de la hausse prévisionnelle de leurs recettes de fonctionnement.
En outre, le dispositif de l’Assemblée nationale ne prévoyant aucun mécanisme d’acompte, la dotation aurait été versée en 2024 seulement, alors que les collectivités, qui peinent à boucler leurs budgets 2023, ont besoin d’un soutien rapide et d’une visibilité accrue sur l’évolution de leurs ressources. Ce, indépendamment de « l’amortisseur électricité » qui devrait permettre une prise en charge « à la source » d’une fraction des dépenses d’électricité (entre 325 euros et 800 euros par mégawattheure).
S’il ne remet pas en cause le mode de calcul, fondé sur la relation entre la hausse de l’ensemble des dépenses d’énergie et celle des recettes de fonctionnement, le texte voté par les sénateurs supprime les critères d’éligibilité de perte d’épargne brute et de potentiel financier, afin d’éliminer les effets de seuil. Il abaisse le seuil, au-delà duquel l’État prendrait en charge la moitié de la hausse des dépenses d’énergie à 40 % de la hausse des recettes de fonctionnement (l’Assemblée nationale avait prévu 60 %). Il vise également à inscrire dans la loi un mécanisme d’acompte, qui serait versé au plus tard deux mois après la demande de la collectivité sur le fondement d’une estimation des hausses de dépenses et des recettes. La différence entre le montant de la dotation définitive et l’acompte serait versée avant le 1er août 2024. Au cas où l’acompte serait supérieur à la dotation définitive, la collectivité devrait reverser l’excédent.
Au titre 2023, un fonds de sauvegarde énergie de 150 millions d’euros, au profit des communes et intercommunalités qui rencontrent des difficultés financières liées à l’augmentation de leurs dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain en 2023, est institué par prélèvement sur les recettes de l’État. La perte de recettes résultant pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle sur les tabacs.
Marie Gasnier