Intelligence artificielle : un impact fort sur les métiers territoriaux

Publié le 7 mai 2024 à 17h02 - par

Plusieurs élèves de l’INET ont produit une cartographie des métiers impactés par l’IA générative dans la fonction publique territoriale, basée sur la méthodologie de l’Organisation mondiale du travail. Parmi les leçons de leur étude : presque la moitié des postes sont concernés par des évolutions potentielles induites par l’IA.

Intelligence artificielle : un impact fort sur les métiers territoriaux
© Par Elie - stock.adobe.com

Les collectivités locales n’échappent pas à l’arrivée à grand pas de l’intelligence artificielle (IA) et certaines d’entre elles se lancent dans des expérimentations. Comme l’informatique dans les années 1980 et l’Internet dans les années 2000, cette nouvelle révolution technologique conduira à des changements profonds sur de nombreux métiers comme sur l’organisation du travail.
Dressant ce constat, plusieurs élèves de l’INET (Institut national des études territoriales) ont produit une cartographie des métiers concernés par les évolutions induites par l’IA, dans le cadre d’un projet collectif réalisé durant neuf semaines dans une collectivité. Dans une étude publiée le 25 avril 2024, cette cartographie des métiers d’une ville fictive s’appuie sur la méthodologie de l’Organisation mondiale du travail (OMT) faisant référence pour analyser les effets de l’IA en termes de ressources humaines.

Sensibiliser les collectivités

Le premier objectif de ce travail est de sensibiliser les élus et dirigeants territoriaux sur le sujet. En représentant graphiquement, à l’échelle de la collectivité, les capacités de l’IA générative, il permet à un exécutif ou une direction générale de prendre conscience de l’ampleur des changements à venir.
Autre finalité : orienter les ressources d’accompagnement du changement vers les secteurs et les métiers les plus concernés, « pour les faire évoluer ou les protéger », précisent les auteurs de l’étude. L’outil s’appuie sur le tableau des effectifs de la collectivité. En regroupant les agents au sein de catégories étroitement comparables, comme le permet le tableau des effectifs (par catégories A, B, C, filières, directions, F/H, cadres d’emploi…), il met en lumière les populations les plus visées par cette nouvelle révolution numérique.

Agents d’accueil et assistants de gestion les plus touchés

Presque la moitié des postes de la ville témoin de l’étude sont impactés par des évolutions potentielles induites par l’IA générative. Dans le détail : 5 % sont très concernés, 15 % concernés, 25 % peu concernés et 55 % pas concernés. La cartographie relève aussi qu’au moins 25 % des taches des métiers exercés peuvent être effectuées, en totalité ou en partie, par l’IA générative. Selon l’OMT, le groupe de métiers le plus touché est celui des employés de bureau. En moyenne, pas moins de 82 % de leurs tâches sont réalisables par l’IA. Conséquence dans la FPT : les métiers d’agent d’accueil et d’assistant de gestion se trouvent en première ligne. De plus, les agents de catégorie C représentent la part la plus importante des métiers très concernés par des évolutions potentielles.

Très haut potentiel d’automatisation par l’IA

Autre constat de l’étude de l’INET : les filières administrative et culturelle sont beaucoup plus visées que les filières techniques, sociale et médico-sociale. Explication : la capacité beaucoup plus forte de l’IA générative d’effectuer des tâches de métiers de bureau ou de création, plutôt que des tâches manuelles.
En annexe, l’étude fournit une longue liste de tâches avec un très haut potentiel d’automatisation par l’IA (80 %) : traiter la correspondance courante, prendre des rendez-vous, assurer l’accueil et assister à la prise de commandes, créer les dossiers des nouveaux agents et vérifier qu’ils soient complets, importer et exporter des données entre différents systèmes de bases de données et logiciels, préparer les factures et recevoir les paiements, convertir les informations en codes et les classer à des fins de traitement de données, répondre aux réclamations, conseiller, renseigner et assurer une assistance…

Les « cols blancs » davantage concernés

Contrairement aux révolutions technologiques antérieures, les « cols blancs » sont davantage touchés que les « cols bleus » à des évolutions de leurs métiers, remarque l’OMT en soulignant « une capacité sans précédent des IA génératives à réaliser des tâches cognitives complexes ». Cette analyse se confirme dans la ville témoin.
Les travaux de l’OMT soulignent également une évolution des métiers induite par l’IA plus qu’une disparition massive de certains d’entre eux. Autre constat : une exposition plus forte des femmes à l’arrivée de l’IA générative, en raison de leur surreprésentation dans les métiers de bureau.
De même, les délégations générales les plus impactées sont celles qui contiennent des directions Ressources (secrétariat général, DG Ressources, DG RH, DG Proximité). L’outil proposé dans l’étude permet d’extraire précisément la liste des métiers les plus concernés dans la collectivité.

Les propositions de l’INET

Aujourd’hui, il existe encore peu de formations sur l’IA destinées aux collectivités. L’INET formule ainsi plusieurs propositions dont tout d’abord la mise en place d’un plan de sensibilisation des agents aux enjeux de l’IA sachant que près d’un métier sur deux réalise des taches pouvant être effectuées avec l’aide de l’IA générative. Les auteurs de l’étude suggèrent plusieurs formats de sensibilisations : brise-glace (ensemble de techniques utilisées pour renforcer l’esprit de groupe), présentation succincte des enjeux de l’IA, serious game, débrief du jeu pour en tirer les principaux enseignements…
Ils préconisent aussi d’anticiper les impacts de l’IA sur les métiers en développant des formations en lien avec le CNFPT. Elles doivent tenir compte du fait que le relais croissant de l’IA sur certaines tâches permettra de dégager du temps de travail à plus forte valeur ajouté ou de réduire la pénibilité de certains métiers. Par ailleurs, l’INET propose de former les agents à l’utilisation de nouveaux outils (aide à la recherche et à la rédaction de délibérations, DelibIA…) ou les DRH avec la formation « Faire de l’intelligence artificielle un levier de performance RH ».

Philippe Pottiée-Sperry