Les emplois territoriaux semblent aujourd’hui plus attractifs, d’après le 15e baromètre RH des collectivités locales Randstad*, publié le 16 septembre 2024. En effet, même si le marché de l’emploi demeure tendu, l’image de la fonction publique s’améliore, les difficultés de recrutement reculent et servir l’intérêt général devient un facteur de motivation.
En 2024, la tendance générale du climat social est à l’amélioration – notamment dans les communes moyennes – malgré une dégradation dans les grandes villes, départements et régions. En effet, plus grande est la collectivité, plus son climat social se dégrade.
Les équipes font état d’une charge mentale élevée (et même très élevée pour plus de la moitié des équipes dirigeantes) ; un sentiment qui augmente, là aussi, avec la taille de la collectivité. Au total, 93 % des directeurs (87 % en 2023) et 92 % des cadres la ressentent. Elle est due, pour près de 9 répondants sur 10 (86 %), aux nombreuses sollicitations (mails, réunions…) auxquelles ils sont soumis, mais aussi aux injonctions contradictoires qu’ils reçoivent (57 %), à la pression des délais et au poids de la réglementation (53 %). La relation avec l’élu y est pour beaucoup, en particulier dans les petites communes (quasiment une sur deux).
“La charge mentale a souvent une connotation négative mais elle est pourtant recherchée par nombre de managers qui aiment la stimulation permanente de leur métier », estime Florence Baco-Ambrass, vice-présidente du SNDGCT (Syndicat national des DG des collectivités) et DGA du CIG (centre interdépartemental de gestion) Grande Couronne. Et d’ajouter : « Le vrai problème est la surcharge. L’enjeu est d’éviter de passer de « beaucoup » à « trop » : les goulets d’étranglement à répétition menacent alors l’équilibre mental”.
Maîtriser la masse salariale
Autre sujet important en 2024 : l’arrivée de l’intelligence artificielle (IA) générative, qui devrait entraîner d’importants besoins de formation, auxquels s’attendent 7 communes sur 10. Pourtant, seulement 13 % ont déjà entamé une réflexion sur le sujet.
“Tôt ou tard, toutes les collectivités y viendront », analyse Jean-François Wollbrett,DGA Pôle ressources de Mulhouse Alsace Agglomération et membre du bureau de l’ANDRHDT (Association nationale des DRH des territoires). La révolution de l’IA est comparable à celle de la micro-informatique dans les années 80 : balbutiante au début, elle s’est généralisée et a entraîné une mutation de tous les métiers. Une mission importante des RH sera donc de se préparer à cette transformation dans les prochaines années. Car l’IA transformera toutes les tâches, pas seulement celles à faible valeur ajoutée. C’est un enjeu majeur qui demande aux DRH un réel effort d’imagination et de prospective !″
La majorité des collectivités (61 %) estiment aussi que la transition écologique impacte la formation individuelle et collective, avec une importante demande de formation managériale : 48 % toutes collectivités confondues, 59 % dans les grandes communes et 64,5 % dans les départements/régions.
“Formation et transformation de l’organisation : les deux premiers impacts qui ressortent de l’étude sont bien ceux que je vis à Mérignac », insiste Élodie Portelli, DGS de Mérignac (Gironde). La transition écologique nécessite en effet des volets spécifiques dans notre plan de formation. Il faut intégrer une forme de technicité dans tous les métiers, dès la formation initiale ». Sur le besoin de transversalité, elle indique que sa ville a créé une direction de projets transition écologique, lui étant directement rattachée, et qui est représentée au Codir. « Cette équipe d’une dizaine de personnes travaille avec toutes les autres directions, gère ses propres projets et va à la rencontre des citoyens pour les accompagner dans l’appropriation des écogestes », explique Élodie Portelli.”
Cette année encore, la maîtrise de la masse salariale reste en tête des enjeux RH des collectivités avant la fin du mandat.
En 2024, environ la moitié (45 %) veulent développer les compétences des agents. Lutter contre l’absentéisme reste également une priorité des grandes collectivités : départements et régions (53 %), communes de plus de 50 000 habitants (50 %). La mutualisation des fonctions et des services, qui était moins plébiscitée en 2023, regagne du terrain.
En 2023, seules les villes de plus de 50 000 habitants prévoyaient de diminuer les effectifs dans les douze mois ; en 2024, elles sont aujourd’hui 43 % à anticiper une stagnation (+ 11 points) et 45 %, à miser sur une hausse (+ 18 points). Près d’une interco sur deux (49 %) envisage une augmentation de ses effectifs. À l’inverse, peu de départements et de régions ont prévu d’augmenter les effectifs : 16 % contre 44 % en 2023.
“Avec une baisse de ressources et une demande croissante de nouveaux services et équipements, la maîtrise de la masse salariale constitue évidemment une priorité de ma collectivité, reconnaît Isabelle Martin, DGS de la communauté de communes du Vexin-Thelle et vice-présidente de l’ADGCF (Association des DG des communautés de France). Dans une petite structure de milieu rural comme la nôtre, la mutualisation des postes offre une solution adaptée, dès lors que les agents acceptent d’assumer une double compétence.”
Accélérer les recrutements
En matière de recrutement, sur un marché de l’emploi toujours tendu, on retrouve en 2024 les trois principaux freins au recrutement observés en 2023 : manque de candidatures (78 %), rémunération peu attractive (70 %) et inadaptation des profils de candidats (60 %). Mais l’image de la fonction publique territoriale (23 %) et le statut (17 %) ne sont plus vraiment des obstacles au recrutement. Quant à la concurrence avec le secteur privé, elle concerne essentiellement les grandes collectivités. Davantage que l’an dernier, les collectivités essaient de gagner du temps pour « multiplier leurs chances de capter des candidats », en réduisant leur procédure interne de recrutement (60 %, + 11 points) et en associant les élus uniquement au recrutement des cadres (48 %, + 10 points). Les emplois non titulaires (CDD et arrêté de non-titulaire non permanent notamment) demeurent un levier de recrutement important, bien qu’en légère baisse : 62 % des collectivités pensent y recourir dans les douze prochains mois contre 70 % en 2023. Ces deux dernières années, toutes les collectivités (99 %) ont recruté sur la base de CDD.
Pour renforcer leur attrait auprès des candidats, depuis un an les collectivités, principalement les intercos et les grandes villes, ont fait beaucoup d’efforts pour aménager les conditions de travail : télétravail, semaine de quatre jours, ergonomie des postes… C’est devenu le premier levier, avec 62 % (+ 21 points), devant la rémunération (55 %).
“Vannes fait de l’équilibre vie personnelle / vie professionnelle une priorité, et met en œuvre tout ce qui peut réduire la rigidité des conditions d’exercice de l’emploi au quotidien, constate son DGS, Emmanuel Gros. De plus, beaucoup d’agents attendent un management différent, moins vertical, ce qui nécessite une formation en continu des managers.”
La promotion de la marque employeur par une mise en valeur interne et externe (+ 10 points) et la mise en avant du projet de territoire (+ 8 points) ont également beaucoup progressé. Il faut également noter que les collectivités, surtout les petites communes, mettent davantage en avant la formation que les éléments de rémunération pour attirer et fidéliser leurs agents.
Marie Gasnier
* Le 15e baromètre RH des collectivités est une étude administrée en ligne par WEKA du 25 avril au 13 juin 2024.