Budget 2026 : “Plus on recule, plus l’effort sera monstrueux !”

Publiée le 19 septembre 2025 à 9h30 - par

Pour Ludovic Rochette, membre du Comité des finances locales et président de l'association départementale des maires de Côte d'Or, il y a urgence à établir avec l'État un dialogue concerté et pérenne. Si les collectivités locales sont d'accord pour réduire leurs dépenses, elles doivent pouvoir continuer à investir sur le prochain mandat et dès 2026.
Budget 2026 : “Plus on recule, plus l'effort sera monstrueux !”

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François Bayrou avait doublé l’effort demandé aux collectivités à 5,3 Mds€1. Que pourrait faire selon vous le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu dans un contexte compliqué où l’agence de notation Fitch a dégradé la note de la France2, mais où les journées de mobilisation pour « tout bloquer » se succèdent ? Les économies semblent incontournables ?

Plus on recule, plus l’effort sera monstrueux. Je voudrais dire d’abord aux parlementaires : ‟Débrouillez-vous pour que nous ayons un budget 2026 !”, car en 2026, le coût d’un report de budget serait terrible, d’autant plus dans le contexte des élections municipales de mars 2026. Ensuite, je veux dire à l’État que les collectivités locales partagent l’objectif de faire un effort. Mais pour déterminer celui-ci de manière juste, il nous faut un lien de confiance plus solide avec l’État, de sorte que ce dialogue puisse déboucher sur un diagnostic partagé et des dispositifs pérennes. Cela signifie que définir l’effort à faire des collectivités locales de manière verticale a montré ses limites. François Rebsamen, ministre de l’Aménagement du territoire et de la décentralisation, avait essayé de trouver des voies de dialogue, par le biais de la conférence financière des territoires entre mai et juillet dernier, mais celle-ci a déjà avorté : il faut de la pérennité. Le Comité des finances locales (CFL), lui-même conçu au départ comme une structure de coconstruction fonctionne de fait comme une structure du fait accompli…
On verra si le gouvernement de Sébastien Lecornu dure. En tout cas, j’espère qu’il n’oubliera pas son expérience d’élu local – maire, président de Conseil départemental -, lorsque lui-même souhaitait une véritable coconstruction entre l’État et les collectivités locales. Le Premier ministre a par ailleurs annoncé souhaiter une réflexion sur le renforcement de l’efficacité de l’armature territoriale, autrement dit sur la décentralisation. David Lisnard (ndlr : président de l’Association des Maires de France – AMF) lui a répondu favorablement, tout en notant à raison que ‟c’est tous les six mois qu’on nous dit qu’il faut parler décentralisation”3. En outre, la décentralisation est aussi une question de relations entre l’État et les collectivités locales et de moyens pour ces dernières : fiscalité, autonomie financière… Le sujet est complexe et ne doit pas, là encore, être traité de manière verticale.

Comment les collectivités peuvent-elles préparer leur budget dans ce contexte instable et à l’approche des municipales : leur faut-il attendre ou non, être prudentes ou non, rogner sur certaines politiques publiques ou non ?

Il est clair que le diagnostic de la situation doit être fait rapidement, au risque sinon que le coût devienne insupportable pour les collectivités locales. Il y a urgence. L’an dernier, l’État et les parlementaires ont perdu du temps, c’était encore possible. Mais désormais, il nous faut connaître au plus tôt les règles de l’investissement, sinon le risque d’impacter l’année 2026 et tout le mandat est très important.
Normalement, les collectivités les plus importantes votent leurs budgets plus tôt, souvent en fin d’année ou au début de l’autre, les plus petites votant surtout courant mars. Il ne faudrait pas que ça dérape… Il me semble que les sortants doivent préparer le budget 2026 au plus tôt, quitte à ce que les nouvelles équipes ou non le modifient, en fonction de leur volonté politique, et peut-être surtout de l’évolution du contexte politique. Le Covid nous a appris que ce n’était pas une honte de modifier complètement un budget primitif, cela pourrait même devenir la règle… En tout cas, le plus dangereux serait de ne pas vouloir investir en 2026. Déjà les professionnels s’inquiètent : la Fédération régionale du bâtiment de Bourgogne-Franche-Comté nous a demandé de prévoir un budget 2026 d’investissement, même si l’on est sortant. Je rappelle que l’an dernier, la Dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), ayant été instruite tardivement, même si les services de l’État ont rattrapé une partie du temps perdu suite à l’adoption tardive de la loi de finances pour 2026, cela a décalé les investissements de quelques mois. Certes, nous devons faire des économies, mais pas au détriment des investissements et des services.

L’AMF et la plupart des associations d’élus souhaitent que d’autres pistes d’économie soient explorées. Qu’en pensez-vous ?

La conférence des territoires était un bon début, mais le chantier doit être plus élargi en effet. Les normes coûtent cher aux collectivités locales en termes d’ingénierie et d’investissements. Un grand choc est à opérer dans un cadre multipartenarial. Il est également nécessaire que les collectivités locales soient vertueuses entre elles. Les régions par exemple imposent parfois des règles d’éco-conditionnalité compliquées et peu réalistes.
La question des fausses économies doit aussi être abordée. Y a-t-il trop d’élus en France ? La question du bénévolat est à évaluer. De fait, la plupart des élus sont des bénévoles qui travaillent à côté4.
Pour le prochain mandat, il y a enfin un vrai sujet sur la mutualisation. Les collectivités doivent accroître leur culture en ce domaine. Mais mutualisation n’est pas synonyme de fusion ! C’est travailler à plusieurs afin de baisser notamment les coûts de fonctionnement mais aussi, d’investissement, afin d’obtenir de meilleurs prix dans le cadre des marchés publics.

Propos recueillis par Frédéric Ville


1. Avec un Dilico reconduit, une dynamique de TVA limitée au niveau de l’inflation, un écrêtement de la dynamique de la compensation au titre des valeurs locatives des locaux industriels et une diminution des variables d’ajustement.

2. Le 12 septembre dernier, l’agence Fitch a dégradé la note de la France de AA- (solvabilité robuste) à A+ (faible probabilité de défaut).

3. Rappelons les rapports parus l’an dernier : « Décentralisation : le temps de la confiance » (Éric Woeth) ou « Comment réduire les coûts du millefeuille territorial » (Boris Ravignon).

4. En effet, il y aurait environ 520 000 conseillers municipaux en France, y compris maires et adjoints, et parmi eux, 72 % ne seraient pas indemnisés pour leur fonction (source : étude France Bénévolat / Caisse d’Épargne, 2006). Ces chiffres ont dû baisser entre temps avec la création des communes nouvelles.

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