Ehpad : 53 communes vont attaquer l’État pour manquement à ses responsabilités

Publiée le 16 mai 2024 à 10h25 - par

C'est en avril 2023 que des maires bretons ont lancé un mouvement apolitique pour mettre sous les feux des projecteurs les difficultés financières des Ehpad. Le collectif « Territoires du grand âge en résistance » regroupe désormais une centaine de maires des Côtes-d'Armor, du Finistère d'Ille-et-Vilaine et du Morbihan. Maire de Bruz (Ille-et-Vilaine), Philippe Salmon fait partie du collectif et fait le point sur ses actions.
Ehpad : 53 communes vont attaquer l'État pour manquement à ses responsabilités

Quels sont les problèmes des Ehpad dans vos communes ?

Philippe Salmon : Les Ehpad publics sont en déficit. L’Ehpad de Bruz qui accueille 83 résidents, a eu un déficit de 600 000 € qui a pu être réduit à 300 000 € grâce aux crédits non reconductibles (CNR) de l’Agence régionale de santé (ARS) et à des fonds du département. En 2024, ce déficit va de nouveau augmenter et atteindre 500 000 € dès septembre. Cela ne va pas être possible de faire face à ce déficit. Certaines communes ont comblé le déficit des Ehpad situés sur leur territoire. Je refuse de rentrer dans cet engrenage. Je pense que si les communes commencent à mettre de l’argent dans les maisons de retraite, l’État va se désengager.

Le vieillissement de la population constitue aussi un problème car les places sont insuffisantes dans les Ehpad

Philippe Salmon : L’Ehpad de Bruz a une liste d’attente de 300 à 400 personnes, sachant que les familles déposent des dossiers auprès de plusieurs établissements. La moyenne d’âge dans les maisons de retraite a augmenté ces dix dernières années passant de 80 ans à 90 ans. Dans notre Ehpad, elle s’élève même à 92 ans. Cela signifie que les personnes qui arrivent, sont de plus en plus dépendantes. Il faut donc plus de personnel. Or il y a des problèmes de recrutement et de salaire. L’État ne fait rien. Le projet de loi Grand âge a été mis de côté. Le gouvernement de M. Attal n’en  parle plus du tout. C’est vrai qu’il faudrait 10 à 12 milliards d’euros si l’on veut vraiment faire face aux problèmes et aux déficits chroniques des maisons de retraite. Le 23 avril 2024, le gouvernement a annoncé une enveloppe de 650 millions d’euros pour les Ehpad publics et privés dont 190 M€ pour le public, mais 9 établissements sur 10 sont en déficit.

Quelles sont donc les  actions lancées par le collectif ?

Philippe Salmon : Dans un premier temps, nous avons demandé aux conseils municipaux de signer une motion de soutien à notre mouvement. Nous avons reçu 300 motions de soutien que nous avons remises en octobre 2023 à Aurore Bergé, alors ministre des Solidarités et des Familles. Dans un deuxième temps, nous allons attaquer l’État en justice pour manquement à ses responsabilités dans le financement des Ehpad publics. Nous avons en janvier 2024 demandé à un cabinet d’avocats si une telle action pouvait être possible et il nous a dit que nous pouvions effectivement attaquer l’État. Depuis, plusieurs avocats travaillent à constituer les dossiers. A priori, nous serons 53 communes à aller en justice. Pour l’instant, 10 premiers dossiers ont été finalisés et, le 16 mai, nous les avons remis à Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des Personnes âgées et des Personnes handicapées.

Des maires d’autres départements vont se joindre au collectif ?

Philippe Salmon : J’ai eu des appels d’élus locaux d’autres régions. C’est un problème national et j’espère que des maires vont rejoindre notre collectif. Ce ne serait pas la première fois que les Bretons initieraient un mouvement national.

Propos recueillis par Magali Clausener

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