Antoine Homé : “Oui à la réforme de la DGF, mais pas sans moyens supplémentaires”

Publiée le 13 décembre 2023 à 10h00 - par

Antoine Homé, Président de la commission finances de l’AMF et membre du Comité des finances locales, réagit vivement à la proposition du chef de l’État de réformer la dotation globale de fonctionnement (DGF).
Antoine Homé : “Oui à la réforme de la DGF, mais pas sans moyens supplémentaires”

Photo - Antoine Homé © Mairie Wittenheim

Au congrès de l’Association des Maires de France (AMF), Emmanuel Macron a annoncé une réforme de la DGF, qu’il voudrait confier au Comité des finances locales (CFL). Avez-vous été surpris par cette annonce ?

Cela s’est passé lors de la réception de 1 000 maires le 22 novembre 2023. L’AMF n’était pas au courant, même si, d’une part, le sujet est évoqué régulièrement et, d’autre part, la DGF est devenue compliquée et illisible. Ce n’est toutefois pas totalement surprenant, car ce sujet fait partie des débats.

Le CFL va-t-il accepter cette mission et l’AMF s’y intéresser ? Cela pourrait constituer un cadeau empoisonné, dans la mesure où de toute façon, c’est le Parlement qui décidera… Qu’en pensez-vous ?

Le comité des finances locales (CFL) est consulté obligatoirement sur tous les textes législatifs et réglementaires ayant un impact sur les collectivités locales. Il a déjà été consulté par exemple sur les indicateurs de richesse, la dotation aux territoires d’Outre-mer, etc. Au-delà, il est même aussi un lieu de réflexion. À ces titres, il est donc légitime à travailler sur le sujet, même si le dénouement se fera bien au Parlement par une proposition de loi ou un projet de loi, c’est le jeu démocratique. Je rappelle d’ailleurs que deux députés et deux sénateurs siégent également au CFL, en plus des élus des régions, départements, communes et EPCI(1), le lien avec les deux chambres existe bien.

Quelle refonte de la DGF : faut-il plus de simplicité, de lisibilité comme l’a indiqué le président ? Il est vrai qu’entre la dotation forfaitaire de solidarité rurale (DSR), de solidarité urbaine (DSU), nationale de péréquation (DNP), d’intercommunalité (DI), le Fonds de péréquation des ressources intercommunales (FPIC), un nouvel élu – et même un ancien… – a de quoi être perdu, non ?

Que la DGF soit plus lisible, modernisée, qui peut être contre ? Il est vrai que le sujet est compliqué et n’est compris que de rares élus. Hormis les spécialistes du CFL, chaque élu va plutôt logiquement regarder ce qui le concerne : la DSU pour sa ville, la DSR pour son village, la dotation biodiversité pour son territoire en zone protégée, etc. Mais rappelons qu’il y a eu une tentative en 2016 sous l’égide de Christine Pirès-Beaune (ndlr : députée PS du Puy-de-Dôme), spécialiste de ces questions. Cela n’a pas pu aboutir, car à enveloppe constante, il y a des effets de redistribution. Des effets de redistribution des villes-centres vers les périphéries avaient par exemple été anticipés, avec à Tournefeuille par exemple (ndlr : 28 763 hab., commune périphérique de Toulouse Métropole) une DGF qui baissait à 16 euros ! C’était inacceptable…

Le président de la République a pourtant annoncé que la réforme devrait se faire sans moyens supplémentaires…

À l’AMF comme au CFL, où André Laignel vient d’être reconduit le 5 décembre à la présidence, nous pensons qu’une réforme n’est possible que s’il y a des moyens supplémentaires. Tous les élus locaux veulent bien changer, mais dans un contexte où les collectivités locales sont étranglées financièrement et ont perdu considérablement en autonomie fiscale, personne ne veut plus y perdre. Si la réforme consiste en une simple redistribution et qu’elle se fait à enveloppe constante, elle n’a donc que peu de chances d’aboutir. Le CFL voudra bien travailler sur le sujet, mais à condition qu’il y ait des marges de manœuvre financières. C’est le premier débat à avoir avec l’État.

La DGF a cependant augmenté en 2023 et continuera d’augmenter en 2024. Si cela reste loin de son niveau de 2014(2), n’est-ce pas toutefois un bon signal ?

Après les 220 M € annoncés par le Gouvernement, puis les 100 M € supplémentaires par la Première ministre au Congrès des Maires, nous constatons que cette hausse de 320 M € traduit en réalité une baisse en euros constants. Ces 320 M € ne servent qu’à assurer une progression identique de tous les paramètres comme l’an dernier(3). On pourrait discuter sérieusement d’une réforme de la DGF s’il y avait indexation sur l’inflation : il manque 600 M € !

À supposer que vous obteniez cette indexation, la réforme devrait-elle alors aller vers plus de péréquation ? Au profit de qui ? Le député Jean-René Cazeneuve a évoqué son souhait d’aller vers une dotation de solidarité…

Oui, probablement. Reconnaissons déjà que la DSU et la DSR ont aujourd’hui une assiette très large et qu’il y a déjà une péréquation… financée par les collectivités entre elles. C’est pareil pour le FPIC. Il y aurait bien un chantier là-dessus, une forme de solidarité à trouver.

Propos recueillis par Frédéric Ville


(1) Le CFL comporte 32 membres titulaires et 32 suppléants, ceux cités par A. Homé, auxquels s’ajoutent 11 représentants de l’État titulaires et 11 suppléants.

(2) 27,1 Mds € prévus en 2024 contre 40,1 Mds € en 2014.

(3) DSU, DSR et DI

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