André Laignel, président du Comité des finances locales : “On travaille sur la centralité et les charges”

Publiée le 5 mars 2024 à 9h15 - par

André Laignel, président du Comité des finances locales et premier Vice-président de l’Association des Maires de France, revient pour WEKA sur les travaux du Comité des finances locales sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement.
André Laignel, président du Comité des finances locales : “On travaille sur la centralité et les charges”

© Crédit photo Victoria Viennet

Le Comité des finances locales (CFL) a-t-il été saisi officiellement par l’exécutif pour mener une réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ?

Non ! Le Président souhaitait confier la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) au Comité des finances locales (CFL), mais je suis toujours dans l’attente d’une lettre de mission. Dans ces conditions, nous avons décidé en décembre dernier de nous autosaisir de la question. S’il n’y a pas eu de contrordre du président ou du gouvernement, la volonté politique ne semble pas au rendez-vous… La volonté du CFL est par contre pleine et entière.

Qu’a fait le CFL lors de ses dernières réunions du 23 janvier, 6 et 27 février 2024 consacrées au sujet ?

La première réunion d’installation a permis de faire un inventaire de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Lors des deux suivantes, nous avons examiné en détail les critères de centralité et de charges, une des clés majeures pour cette réforme. Nous avons invité l’Insee à ressortir de son répertoire des équipements ceux qui concernent les collectivités locales et surtout à nous dire comment les éléments du répertoire peuvent aider ou non à définir la centralité et à approcher les charges. Regardons le nombre d’équipements par collectivité, mais aussi leur importance. Une piscine avec un bassin de 25 mètres servant trois fois dans l’année est tout à fait différente d’une piscine à trois bassins servant toute l’année.

Pouvez-vous nous préciser les autres critères de charges abordés ?

Avec le logarithme, on considère que le coût de la centralité pour une collectivité croît avec le nombre d’habitants. Ce n’est pas toujours vrai. Si une ville de 12 000 habitants est isolée dans un espace rural plus vaste, elle a des charges de centralité importantes, tandis qu’une même ville de 12 000 habitants située dans une métropole n’en aura que peu. Le logarithme est donc insuffisant et injuste1. Faut-il le supprimer ou le remplacer par un autre critère ?

D’autres critères de charge ont été passés en revue : logements sociaux (nombre et pourcentage), aides au logement (nombre de bénéficiaires), etc. Pour la voirie, la superficie n’est-elle pas plus pertinente que le kilométrage actuellement retenu ? Pour le revenu par habitant, la moyenne peut être faussée par une grande fortune habitant dans un village, le revenu médian est plus juste. Quant au coefficient d’intégration fiscale  (CIF), recouvre-t-il tout ? Comment le redéfinir dans un contexte où on ne peut le faire évoluer ou mesurer des intégrations nouvelles, l’autonomie fiscale ayant été très réduite ?

Vous souhaitez une DGF plus lisible et plus équitable. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Nous sommes conscients que la DGF, avec ses multiples critères et composantes2, est compliquée, notamment pour les nouveaux élus. D’ailleurs, pour l’instant, nous n’avons abordé que le corps de la DGF, c’est-à-dire la dotation forfaitaire. On envisagera bien sûr ces autres composantes. C’est la DSU qui a le plus bougé, avec moins de bénéficiaires qu’il y a dix ans. Quant à la DSR, elle a été mieux ciblée en inventant justement la DSR cible3. Pour la DNP, stagnante depuis 10 ans et peu péréquatrice, le CFL qui avait voté sa suppression, n’a pas été suivi par le Parlement : on pourrait y revenir, en intégrant ses sommes au sein de la DGF. Globalement, pour être au plus près de la réalité, il faut parfois multiplier les critères. Jusqu’à quel niveau de détail et pour quelle équité ?

Comment se poursuivra votre travail et quand la réforme pourrait-elle entrer en vigueur ?

Nous allons examiner mi-mars les critères de ressources : potentiel financier et fiscal, recettes fiscales, de stationnement, entrées payantes dans les équipements… Pour ces dernières, c’est souvent injuste. En effet, on prend en compte les recettes de billetterie d’une piscine ou la participation parentale à la restauration scolaire…, sans considérer que ces services sont déficitaires. Ces critères de ressources sont donc à redéfinir. Puis, nous continuerons au rythme d’une à deux réunions par mois. Il faudra faire des simulations, à partir de variations opérées sur les critères, proposer des améliorations, par exemple en matière de péréquation, avec l’appui technique de la Direction générale des collectivités locales (DGCL) et de celle des finances publiques (DGFIP).

Le CFL rendra sa copie, dont je ne connais pas encore l’ampleur, d’ici fin juin prochain, ceci afin d’intégrer le cas échéant ses conclusions à la loi de finances pour 2025. Le Parlement aura le dernier mot : théoriquement, car les dernières lois de finances ont été adoptées en usant du 49-3. De fait, notre travail et la réforme pourraient s’étaler au-delà de juin prochain, sur deux ou trois ans. En tout cas, on ne peut imaginer que des communes perdent du jour au lendemain 25 % de leurs dotations et que d’autres gagnent.

Le président de la République a pourtant annoncé que la réforme devrait se faire sans moyens supplémentaires…

Tous les membres du CFL et les associations d’élus locaux sont unanimes : à moyens constants, la réforme est infaisable. Nous allons chiffrer nos propositions, dans un contexte où l’État est à ce jour très velléitaire.

Propos recueillis par Frédéric Ville


1. Pour d’autres élus, ces charges de centralité sont moins prégnantes depuis les transferts d’équipements aux intercos et ne doivent pas faire oublier les recettes de centralité (consommation d’habitants extérieurs à la ville-centre sur celle-ci) et les charges de territorialité (réseaux).

2. Dotation forfaitaire, de solidarité rurale (DSR), de solidarité urbaine (DSU), nationale de péréquation (DNP), d’intercommunalité (DI), Fonds de péréquation pour les ressources intercommunales et communales (FPIC), etc.

3. Destinée aux 10 000 communes les plus défavorisées.

Pour aller plus loin :

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Cette Masterclasse se déroulera le lundi 11 mars de 14h à 16h avec la participation de Philippe Lemaire, DGS Carcassonne Agglo & Carcassonne Agglo Solidarité – VP ADGCF, de Stéphane Lenoël, DGA Finances Publiques Évaluation – Quimper Bretagne Occidentale / Ville de Quimper et de Julien Prévotaux, Responsable éditorial Publishing & Media – WEKA.

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