Vincent Roques : “Le désengorgement des urgences est un défi qu’il n’est pas simple de résoudre”

Publiée le 22 juin 2023 à 9h30 - par

Désengorger les urgences d'ici fin 2024 comme l'a promis le président de la République le 17 avril 2023, est-ce possible alors que l'hôpital connaît une crise majeure ? Le point avec Vincent Roques, Directeur de cabinet de la Fédération hospitalière de France.
“Le désengorgement des urgences est un défi qu'il n'est pas simple de résoudre”

Quelle est la situation des urgences hospitalières à la veille de cet été ?

Les urgences connaissent des difficultés, qui traduisent le sujet plus large de la gestion des soins non programmés à l’hôpital et en ville. En vingt ans, le nombre de passages aux urgences – 21 millions par an actuellement – a doublé. Or, on estime qu’environ 20 % de ces passages pourraient être évités si les patients avaient pu consulter un professionnel de santé en ville. Le problème des urgences est aussi un symptôme plus large des difficultés des établissements. Un passage aux urgences peut conduire à une hospitalisation et, dans ce cas, il est nécessaire que les services en « aval » aient des lits disponibles. Ce qui n’est pas toujours le cas car les tensions en matière de ressources humaines sont très importantes : par exemple, 5 % des postes d’infirmier ne sont pas pourvus. Les établissements sont obligés de fermer des lits ponctuellement. En fait, parler des difficultés des urgences, c’est parler des parcours au sein l’hôpital public et dans toute la chaîne que forme le système de santé.

Quelles sont les solutions pour déjà réduire le nombre de passages aux urgences ?

Un certain nombre d’outils peuvent être mis en œuvre. Déjà, il faut mieux orienter les patients. Le SAS (Service d’accès aux soins) doit permettre d’orienter les patients en fonction de leurs besoins et de pouvoir consulter un professionnel en ville si leur état ne nécessite pas d’aller aux urgences. Le SAS doit être généralisé sur tout le territoire d’ici fin 2023. C’est un outil d’orientation important pour que les patients aient aussi connaissance des solutions possibles.

Deuxième outil : l’organisation des filières de soins à l’échelle du territoire. Nous savons qu’à l’hôpital public, 37 % des hospitalisations sont consécutives à un passage aux urgences. Il faudrait favoriser les admissions directes en améliorant la fluidité des filières de soins au sein des territoires. Cela suppose de travailler sur les outils de coordination, numériques par exemple, de penser des projets territoriaux de santé et, évidemment, de libérer du temps médical.

Le troisième point concerne la prévention y compris dès l’école. Par exemple, une meilleure prévention et un meilleur suivi des patients diabétiques pourrait réduire les épisodes aigus et éviter des hospitalisations et passages aux urgences. La FHF a initié dans certains territoires des approches de la responsabilité populationnelle.

Enfin, il y a la question de l’attractivité de l’hôpital public. La FHF considère qu’il s’agit du sujet prioritaire. Un certain nombre d’outils doivent être développés comme la revalorisation du travail de nuit, des gardes et des astreintes. Le Gouvernement s’est engagé à revaloriser ces rémunérations et nous souhaitons que les négociations s’engagent avec les organisations syndicales et la FHF notamment sur ce sujet.

Dans ce contexte, est-il possible de désengorger les urgences d’ici fin 2024 comme l’a promis le président de la République ?

Le désengorgement des urgences est un défi qu’il n’est pas simple de résoudre. L’enjeu est de parvenir à généraliser les outils évoqués le plus rapidement possible. Et, plus largement, de donner toutes les perspectives possibles aux professionnels sur les sujets d’organisation, de rémunération, de qualité de vie au travail et d’attractivité à l’hôpital. Le comité éthique de la FHF a lancé une enquête en 2022 auprès des personnels hospitaliers. Nous avons eu plus de 7 000 réponses. Ce qui ressort, au-delà des rémunérations, c’est la demande très forte des professionnels d’une meilleure considération par leur encadrement, et de renforcer les collectifs au quotidien. Parler de rémunération est essentiel, mais ne doit pas faire oublier le reste.

Propos recueillis par Magali Clausener

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