Quelles sont les raisons qui vous ont fait choisir l’Allier ?
C’est incontestablement le projet politique que m’a présenté Claude Riboulet, le président du conseil départemental, sa volonté forte, en s’appuyant sur les acteurs et les atouts du territoire de contribuer à en améliorer l’attractivité. En toute franchise, il m’a vraiment donné envie de venir travailler avec lui et le DGS du département.
Je serais présomptueuse si je comparais la situation que j’ai découverte à mon arrivée à l’Agence à un terrain vierge à défricher, parce que l’équipe avait déjà commencé un beau travail, mais tout restait à construire, ce qui représentait un vrai défi. Petit à petit, j’ai découvert ce territoire que je connaissais peu, et pour paraphraser je ne sais plus quelle publicité, si « je suis venue pour le projet, je suis restée pour l’Allier ». Car ce territoire difficile à décrire, parce qu’il n’a pas encore d’image particulière, est d’une grande diversité. C’est une France en miniature pour ses paysages contrastés et ses patrimoines. Il constitue à la fois le berceau de la dynastie des Bourbons et celui du syndicalisme agricole, un département aux 574 châteaux et celui qui accueille des groupes comme Safran, Imerys ou L’Oréal.
Dans le projet politique sur l’attractivité du territoire, pourquoi la création d’une agence d’attractivité ? Quelles sont ses spécificités et le lien avec le conseil départemental ?
Il existait un Comité départemental du tourisme et un établissement public administratif chargé de l’attractivité en parallèle. Le choix fort a été fait de créer un Epic (Établissement public industriel et commercial) en lui affectant les compétences du Comité départemental du tourisme, qui a lui-même été dissout. L’objectif était qu’une seule structure, l’agence Allier Bourbonnais Attractivité, fonctionnant à 360 degrés, se préoccupe de l’ensemble des thématiques qui contribuent à l’attractivité d’un territoire comme le nôtre : attractivité touristique, résidentielle, valorisation des produits locaux et des savoirs faire identitaires, marketing territorial…
Aujourd’hui, nous sommes très clairement un satellite du conseil départemental, mais le fait d’être une petite structure souple, agile et opérationnelle nous confère une forme d’autonomie qui nous permet de compléter son rôle sur l’ensemble de ces thématiques, aux côtés des intercommunalités, des chambres consulaires, de l’agence régionale de développement économique ou des offices de tourisme. Cela se fait notamment dans un travail de co-construction permanente.
Le projet politique évoque un travail de fond avec tous les partenaires socio-économiques et institutionnels du tourisme et de l’économie. Quelle est la valeur ajoutée de l’agence ?
Nous sommes là pour animer des réseaux d’acteurs, mettre de l’huile dans les rouages, coordonner l’action, favoriser des transferts d’expériences réussies. Nous sommes des assembleurs. Notre valeur ajoutée, c’est notre transversalité, notre capacité à faire se croiser des compétences qui d’habitude ne communiquent pas, à faire se rencontrer des acteurs qui trop souvent ne se rencontrent pas, à porter sur les problèmes posés un regard transversal, voire expérimental… avec qui plus est, le droit à l’erreur !
Nous sommes là pour être imaginatifs, faire un pas de côté, voire renverser la table ; pour aller repérer ce qui se passe d’intéressant ailleurs et en faire profiter nos partenaires ; pour réinterroger régulièrement le sens de notre action, et ne pas hésiter à agir là où notre apport peut clairement faire bouger les lignes.
Prenons l’exemple des offices du tourisme. Le rôle de l’agence a été de comprendre les attentes et intérêts des uns et des autres, d’être avec diplomatie un « entremetteur » et d’animer tout en formant. Aujourd’hui, les offices partagent entre eux et avec nous des outils, des opérations de promotion, en mutualisant les coûts. Ils commercialisent ensemble des offres pour les groupes avec pour résultat un doublement du chiffre d’affaires. Nous les accompagnons aussi dans l’évolution d’offres disparates vers des produits cohérents, avec un parcours client pris en compte de A à Z, sur des thématiques différenciantes qui contribuent à améliorer la lisibilité de l’ensemble de l’Allier.
Qu’en est-il en matière d’attractivité résidentielle ?
L’enjeu pour notre territoire est notamment de faire venir certaines professions de santé, ainsi que certains types de salariés dont le bassin d’emploi local ne dispose pas. Se posaient alors la question de notre valeur ajoutée et d’un rôle potentiel à jouer aux côtés de l’échelon régional ou de l’échelon intercommunal, qui disposent de la compétence « développement économique » ? Nous avons donc pris le temps de tâtonner, de discuter avec les uns et les autres, et là aussi d’identifier les besoins en écoutant ce qui nous était demandé. Aujourd’hui, le réseau des agents de développement des intercommunalités, que nous réunissons régulièrement avec les chambres consulaires et l’agence régionale, nous permet de créer ensemble des outils de « conciergerie de destination » ou de marketing territorial. Il s’agit, par exemple, de permettre aux DRH des entreprises de « vendre » plus facilement le Bourbonnais, son cadre de vie et ses services de proximité à leurs futures recrues.
Par ailleurs, lorsque nous animons et développons le réseau des quelque 250 producteurs, artisans, boutiques, restaurateurs et métiers de bouche actuellement réunis au sein d’un « label » 100 % local, notre objectif est à la fois de favoriser les circuits courts, mais aussi de contribuer à faire prendre conscience aux Bourbonnais de la valeur de leurs produits et savoir-faire identitaires.
Les politiques publiques souffrent souvent d’un manque d’évaluation. Qu’en est-il pour celle-ci, ambitieuse et difficile à évaluer ?
Quand nous avons coconstruit, dans l’Allier, notre plan d’amélioration de l’attractivité à trois ans, nous avons pris soin d’identifier les objectifs que nous voulions atteindre ensemble, le « pour quoi faire ». Cette co-construction s’est faite avec des partenaires incontournables, les institutionnels du tourisme, les intercommunalités, les chambres consulaires mais aussi les syndicats professionnels, des associations, des entreprises… Et si la plupart de ces acteurs peuvent être amenés, dans le cadre de l’exercice de leurs activités, à se doter d’observatoires, et à réaliser leurs propres bilans, il nous semblait important de décider ensemble comment nous allions évaluer l’efficacité de l’action à trois ans du collectif que nous représentons.
Partant du principe qu’avant de se lancer dans des réponses, il faut savoir se poser les bonnes questions, nous avons choisi, avec nos partenaires, de commencer par définir les bons critères, aussi bien quantitatifs que qualitatifs : comment objectiver la fierté d’appartenance ou la qualité du cadre de vie ?
Enfin, pour ne pas nous lancer dans une usine à gaz, nous avons choisi d’en limiter le nombre, idéalement à dix.
Propos recueillis par Hugues Perinel