Sauver l’arbitrage !

Publié le 3 mai 2011 à 0h00 - par

La commission Prada parviendra-t-elle à sauver l’arbitrage pour les personnes publiques ? Découvrez le regard d’un magistrat en lisant la chronique de Laurent Marcovici.

Le recours à l’arbitrage bien compromis par l’affaire Bernard Tapie

Le droit administratif est traditionnellement hostile à l’arbitrage, procédure de « justice privée » qui consiste, à l’avance, à s’en remettre à une personne ou à un collège de personnes qui ne sont pas des juges et qui doivent rendre une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée. En principe, les personnes publiques ne peuvent pas recourir à l’arbitrage. Surtout utilisé en droit international, le Conseil d’État a souhaité promouvoir ce mode de règlement des litiges et a rédigé un rapport, sous la plume du président Labetoulle, au mois de mars 2007.
Hélas, cette tentative s’est heurtée de plein fouet à l’affaire Tapie et il n’a plus été question de légiférer en la matière, comme on le comprend aisément. Mais le temps a passé, et la commission Prada, composée d’éminents et hauts fonctionnaires, a remis l’ouvrage sur le métier. Par ailleurs, le décret du 13 janvier 2011 a réformé l’arbitrage.

Le prétexte de l’arrêt du 17 mai 2010, INSERM, du Tribunal des conflits

Pour reprendre le travail de la commission Labetoulle, la commission Prada a pris prétexte de l’arrêt INSERM qui décide de partager le contentieux de l’arbitrage. En principe, selon le Tribunal des conflits, ce contentieux appartient à l’ordre judiciaire. Il n’en est autrement qu’à la condition que le litige implique « le contrôle de la conformité de la sentence aux règles impératives du droit public français relatives à l’occupation du domaine public ou à celles qui régissent la commande publique ».

Inquiet de la possible délocalisation de la chambre de commerce internationale dont le siège est à Paris et dont l’activité principale est celle de l’arbitrage, la commission Prada préconise d’unifier le contentieux, pour simplifier le recours à l’arbitrage. L’intégralité des litiges serait jugée par le juge judiciaire qui devrait appliquer « les principes essentiels du droit administratif français ».

Au passage, mais l’on peut penser qu’il s’agit bien là de l’essentiel, le rapport propose d’autoriser les personnes publiques à recourir à l’arbitrage.

Il s’agit donc là d’une sorte de session de rattrapage d’une réforme qui été handicapée par une affaire médiatique, en 2007. On peut s’interroger sur l’opportunité de transférer un contentieux administratif au juge judiciaire, tout en le chargeant d’appliquer du droit administratif. Le juge administratif n’est-il pas le plus apte en la matière ?

Laurent Marcovici


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