Les premiers tribunaux pour enfants ont vu le jour au début du XXe siècle. En effet, ils ont été instaurés par la loi du 22 juillet 1912, qui ouvre la voie à une justice spécifique pour les enfants. Pendant très longtemps, les enfants délinquants ont été jugés comme des adultes. C’étaient « des adultes en miniatures », résume Jean-Jacques Yvorel, chercheur en histoire à la direction de la recherche de l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ). Ils étaient punis par des peines elles mêmes « miniatures » : les mêmes que pour les adultes, mais avec une durée quelque peu allégée. À partir de la fin du XIXe siècle, un mouvement de réflexion, qui traverse l’ensemble du monde occidental, va mener à la création des « Juvenile Courts » aux États-Unis, de juridictions spécialisées en Europe et, en France, donc, à la création des tribunaux pour enfants par la loi du 22 juillet 1912.
Pour les législateurs de l’époque, il s’agit, d’abord, de définir des classes d’âges relatives aux enfants délinquants ou en danger. Ainsi, les moins de 13 ans ne sont pas condamnables à une peine ; les 13-16 ans bénéficient d’une excuse atténuante de minorité ; les 16-18 ans sont condamnables et ne bénéficient pas de l’excuse atténuante de minorité. Ce découpage en trois âges de la vie traversera le siècle, pour n’être modifié qu’en 2004, avec l’ajout de la catégorie pénale des 10-13 ans.
« L’organisation de la Justice prend donc désormais en compte la particularité des enfants en Justice et se dote d’une nouvelle juridiction dans le ressort du tribunal de grande instance, raconte le ministère de la Justice, en célébrant le centenaire des tribunaux pour enfants. Les enfants, mineurs au moment des faits qui leur sont reprochés, sont jugés à huis-clos, des auxiliaires de justice apparaissent : les rapporteurs et délégués à la liberté surveillée notamment, sont là pour épauler le juge. Les mesures éducatives doivent désormais prévaloir sur l’enfermement, même si dans les faits ces dispositions sont difficilement mises en œuvre. » S’appuyant sur des bénévoles sans formation, la loi votée en 1912 – qui entrera en vigueur seulement à partir de 1914 – s’appliquera avec difficulté.
Après la Seconde guerre mondiale, la justice des enfants est repensée. La fameuse ordonnance du 2 février 1945, dont la plupart des propositions étaient déjà en gestation dès l’entre-deux guerres, va venir améliorer la loi de 1912, lui procurant de réels moyens, à commencer par la création d’un juge spécialisé : le juge des enfants. « La volonté de replacer l’éducatif au cœur du système judicaire pour mineurs est réaffirmée et réellement mise en œuvre. Avec une distinction sans concession : les mesures éducatives sont la règle, les peines restent l’exception », rappelle le ministère de la Justice. La campagne contre les bagnes d’enfants va achever d’ancrer ce nouvel état d’esprit traduit dans l’ordonnance. Et quelques mois plus tard, une ordonnance du 1er septembre 1945 crée une direction de l’Éducation surveillée au sein du ministère de la Justice.
Enfin, une seconde ordonnance, datée de 1958, viendra confirmer cette nouvelle orientation. Elle renforce la protection civile des mineurs en danger, refond la législation complexe et modernise ses dispositions en les regroupant en un seul texte. Elle renforce les attributions du juge pour enfants, qui peut, par exemple, se saisir d’office et met l’accent sur la nécessité éducative en lui donnant davantage de moyens. Avec la mesure d’assistance éducative et les mesures de protection de l’enfance, elle prend plus encore en compte la notion d’enfance en danger », insiste aujourd’hui, avec satisfaction, le ministère de la Justice.