Combattre la hausse tendancielle de l’absentéisme

Publié le 3 juin 2013 à 0h00 - par

HOSPIMEDIA – La conférence organisée lors des Salons de la santé et de l’autonomie ce 30 mai sur l’absentéisme a permis de présenter différents dispositifs pour juguler ce mal endémique. Le CHU de Rouen a mené un audit sur la question, qui a valeur d’exemple.

Attendu qu’il y a diverses définitions de l’absentéisme (prise de distance par rapport à l’organisation du travail dans laquelle on se trouve ; absence qui aurait pu être évitée par une prévention précoce des facteurs de dégradation des conditions de travail au sens large…), la mesure est-elle aussi sujette à de multiples calculs (selon que l’on compte les congés maladie, congés maternité, pour accident du travail, absence de droit, congé de formation…). Entre États européens, entre secteurs d’un même pays, entre établissements d’un même secteur, la formule change. « En France, on identifie tout de même une hausse tendancielle », a indiqué Olivier Liaroutzos, responsable du département changements technologiques et organisationnels à l’Agence nationale d’amélioration des conditions de travail (ANACT). Et Frédéric Kletz, chercheur à l’École des mines, de préciser que les chiffres de l’absentéisme dans le secteur hospitalier sont deux à quatre fois plus élevés que dans les autres secteurs.

Faire le lien entre santé au travail et organisation au travail

Au-delà de la constatation, il existe des pistes pour tenter de juguler le phénomène. Et les intervenants de la table ronde d’en présenter quelques-unes. Olivier Liaroutzos a ainsi rappelé qu’il existe des actions correctrices basiques (rappel des règles, entretien de retour, contre-visites médicales, incitations financières à la présence…) mais qu’avec elles, on ne remonte pas aux causes du dysfonctionnement. Il invite dès lors à construire une démarche pour traiter le problème : une démarche inscrite dans la durée, suivant une approche propre à chaque structure, impliquant tous les acteurs, selon une démarche participative, qui commence par la réalisation d’un diagnostic en croisant les données chiffrées et du terrain, puis aboutit à des actions hiérarchisées comprenant des fonctions d’alerte.

Frédéric Kletz, qui vient de finaliser une étude régionale de trois ans portant sur l’analyse des causes et de l’impact de l’absentéisme dans dix établissements de santé volontaires en Pays-de-la-Loire (projet PHARES de la FHF, l’ARS Pays-de-la-Loire et le Fonds national de prévention), parvient aux mêmes conclusions. Selon lui, il faut exploiter les données existantes, se doter d’une instance de pilotage, faire partager le diagnostic et les convictions (celle par exemple disant que la problématique de l’absentéisme est avant tout organisationnelle), articuler santé au travail et organisation du travail, mettre rapidement en place des boucles d’action-rétroaction, le tout dans un système pérenne. Les stratégies d’actions sont multiformes, a-t-il édicté, tirant également six enseignements de ce projet :

  • le paradoxe de l’absentéisme (connu de tous mais peu suivi et rarement piloté),
  • l’absentéisme auto-alimenté,
  • l’éloignement des cadres,
  • l’importance du binôme cadre-médecin et du positionnement des directions,
  • ainsi que la difficulté de la conduite du changement.

L’exemple du CHU de Rouen

Illustrant parfaitement cette vision macro, l’expérience du CHU de Rouen confirme chacune de ces idées, grâce à un audit décidé en 2010 dans le cadre d’un Contrat local d’amélioration des conditions de travail (CLACT) et mené de juillet à novembre 2011 avec l’aide d’un prestataire externe. Le bilan social de 2008 faisait apparaître un taux d’absentéisme de 11,37 %, en hausse continue, coûtant à l’établissement plus de 20 millions d’euros. Considérant l’effort demandé sur les dépenses de personnel de 7 millions d’euros au titre du contrat de retour à l’équilibre, la tâche n’était pas mince.

L’audit a, dans une première phase, produit une cartographie de l’absentéisme du CHU et une analyse des procédures de gestion visant à le réduire. Associé dans une deuxième phase à une étude fine dans trois pôles cliniques, il a révélé des agents, non pas plus fréquemment absents, mais plus longtemps que les autres CHU, certaines catégories plus absentes, une problématique particulière des administratifs, une mauvaise prise en compte de l’absence de fréquence au CHU… Enfin, une troisième phase a permis de définir et préparer un projet de prévention et de réduction de l’absentéisme. Un plan réalisé en deux jours de séminaire par le comité de pilotage.

Culture de prévention

Il énonce d’une part, des principes généraux tels qu' »intégrer les conditions de travail dans tous les actes de gestion au même titre que la démarche qualité et la T2A » ou « créer une culture et des pratiques de prévention de la santé des agents chez les différents responsables : directeurs, médecins, cadres ». Et de formuler par ailleurs des actions concrètes pour agir sur les procédures de gestion des ressources humaines (réaliser un guide de gestion de l’absence au CHU, agir sur la gestion des plannings et des effectifs, développer la gestion prévisionnelle des métiers et des compétences des administratifs…), renforcer le sentiment de sûreté des salariés (agir sur les situations de l’incivilité jusqu’à la violence, par exemple), agir sur l’organisation, le système et modes de management (faire évoluer le découpage des pôles, améliorer le brancardage et les transports internes…) ainsi que sur les facteurs relatifs aux conditions matérielles de travail (tel qu’améliorer l’ergonomie des locaux).

Ce plan aujourd’hui décliné dans les pôles porte déjà ses fruits, a souligné Asmahane Khelfat, directrice adjointe des ressources humaines au CHU. Mais tout cela n’est possible qu’en prenant le temps de dialoguer, a-t-elle résumé.

Pia Hémery
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