Les centres de santé, un modèle économique précaire

Publié le 20 février 2023 à 10h00 - par

Les centres de santé qui proposent au tarif conventionné une palette de soins médicaux se développent en France mais leur modèle économique reste précaire, comme en témoigne la faillite cette semaine du centre René Laborie à Paris.

Les centres de santé, un modèle économique précaire
© Par Kirsten Davis/peopleimages.com - stock.adobe.com

Le centre de 135 salariés où officiaient médecins généralistes et spécialistes, dentistes, infirmiers, psychologues, podologues, ostéopathes… est en liquidation, après avoir enregistré des pertes financières importantes ces dernières années.

Son président, Laurent Joseph, un ancien responsable du syndicat CGT du Livre (SGCLE), estime que le centre de santé est notamment victime des réformes de l’assurance santé, qui ont par exemple interdit aux mutuelles de combler les trous dans la trésorerie de leurs centres de soin.

Les salariés, eux, incriminent les choix de gestion de M. Joseph, et notamment la décision de couper les liens en 2017 avec le puissant groupe de protection sociale Audiens.

De fait, selon les acteurs du secteur, l’équilibre financier reste difficile à trouver pour les centres de santé, malgré le rebond récent dans la création de ce type d’établissement.

Selon une étude de la Fédération nationale des centres de santé (FNDS), le nombre de centres de santé avec une offre de médecine générale a progressé de 44 % entre 2017 et 2021, à 644, souvent à l’initiative de collectivités locales désireuses de lutter contre la désertification médicale.

« Il est de notoriété publique que l’équilibre des centres de santé est extrêmement précaire, il y a très peu de centres qui arrivent à ne pas être en déficit », explique François Demesmay, le directeur de l’innovation médicale du groupe de cliniques privées Ramsay, qui s’est lancé dans une diversification dans les centres de santé.

« Même si avec le temps on a amélioré les capacités à tendre à l’équilibre des centres, le compte n’y est toujours pas pour ceux qui voudraient répondre à toutes leurs missions », confirme le docteur Éric May, vice-président de l’Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS).

Paiement forfaitaire

Les centres de santé ont en effet de nombreuses contraintes : ils ne peuvent appliquer que le tarif conventionné, doivent appliquer le tiers payant, ont des contraintes en matière d’horaires et de jours d’ouverture (8h00/20h00 et ouverture le samedi).

Ils emploient par ailleurs des salariés, qui contrairement aux praticiens libéraux respectent le temps de travail légal, et ont souvent des missions de prévention et de permanence des soins (accueil de patients en urgence)…

Et pour financer tout cela, ils disposent de ressources analogues à celles des médecins libéraux (paiement des actes, et financements complémentaires sur objectifs de santé publique), qui ne suffisent pas.

Pour le docteur May et François Demesmay, comme pour le docteur Hélène Colombani, la présidente de la FNDS, la solution serait de passer à un financement des centres « à la capitation », c’est-à-dire remplacer le financement à l’acte par un paiement forfaitaire annuel pour chaque patient.

Dans ce type de financement, « le niveau du paiement forfaitaire varie avec l’âge, le genre, la vulnérabilité sociale, et les affections longue durée » de la personne soignée, explique Éric May.

Le paiement forfaitaire est déjà expérimenté par l’Assurance maladie dans le centre de santé municipal de Nanterre, dirigé par le docteur Colombani.

Il est aussi expérimenté dans 5 petits centres de santé ouverts par Ramsay dans des zones en désertification médicale, dont 3 en région Rhône-Alpes (Bourg-de-Péage, Pierrelatte, Oyonnax) et 2 en région parisienne (Ris-Orangis et Argenteuil).

« Le virage démographique fait que l’immense majorité des besoins » de soins de la population « vont être des pathologies chroniques », pour lesquels un suivi pluridisciplinaire, avec une rémunération forfaitaire, est beaucoup plus adapté que le paiement à l’acte, affirme François Demesmay.

« Le Gouvernement essaie de promouvoir l’exercice collectif » de la médecine face aux difficultés d’accès aux soins, rappelle de son côté le docteur Hélène Colombani. « Tout cela doit se retrouver dans les modes de financement ».

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