Statut de praticien hospitalier : entre convoitise et attaque en règle

Publié le 30 avril 2014 à 0h00 - par

Le collectif des sages-femmes convoite toujours le statut de praticien hospitalier qui serait seul garant de l’autonomie de la profession. Ironie des combats, les médecins militent dans le même temps pour une remise à plat de ce fameux statut de PH qui participe selon eux à la perte d’attractivité de l’hôpital.

Statut de praticien hospitalier : entre convoitise et attaque en règle

L’analyse

Il vient tout juste de souffler ses 30 bougies. Mais son anniversaire est passé presqu’inaperçu. Entre une partie des sages-femmes qui lorgnent désespérément sur lui et les médecins qui le regardent d’un œil très critique, l’heure n’est pas vraiment à la célébration du statut de Praticien hospitalier (PH)… Mercredi 16 avril a marqué les six mois de grève du collectif des sages-femmes. Elle a débuté à la mi-octobre 2013 au nom de la reconnaissance du caractère médical de la profession. Pour le  collectif, en désaccord sur ce point avec la majorité des syndicats, cette reconnaissance passe par l’octroi du statut de PH aux maïeuticiennes. Ses arguments sont divers.

Sages-femmes… aux côtés des paramédicaux

Dans le code de la Santé publique, les sages-femmes sont considérées comme une profession médicale, aux côtés des médecins, odontologistes et pharmaciens. En revanche, ce même code les exclut de la famille des PH. « Les médecins, odontologistes et pharmaciens des hôpitaux nommés à titre permanent constituent le corps unique des praticiens hospitaliers dans toutes les disciplines médicales, biologiques, pharmaceutiques, odontologiques et leurs spécialités », dit l’article R. 6152-3. Les sages-femmes sont elles rangées dans le titre IV du Code de la Fonction publique… aux côtés des paramédicaux.

Ce classement dénigre selon le collectif les compétences et les responsabilités des sages-femmes. Et les empêche de pouvoir prétendre à des rémunérations à la hauteur de leurs tâches. « Il est illusoire et démagogique de laisser penser aux sages-femmes qu’elles obtiendront une grille indiciaire correspondant à leurs compétences et responsabilités en restant dans ce titre IV des professions non médicales de la FPH », argue depuis des mois l’Organisation nationale des syndicats de sages-femmes (ONSSF) qui fait partie du collectif. « Les grilles sont liées les unes aux autres et l’augmentation importante de l’une d’elles se répercuterait sur les autres, développe-t-elle. Dans ce cas, politiquement, la différence entre les grilles des infirmières et des sages-femmes ne pourra jamais être très importante. » Le collectif ne demande pas pour autant à rémunérer les sages-femmes comme les médecins et les pharmaciens. Il propose que la profession de sage-femme soit ajoutée à ce fameux article R. 6152-3 et qu’une grille de salaires propre aux maïeuticiennes soit définie.

« Autonomie réelle »

Au-delà d’un salaire revalorisé, le collectif milite aussi pour une « autonomie réelle » et la création de filières physiologiques sous la seule responsabilité des sages-femmes. Le statut de PH aurait par ailleurs l’avantage d’autoriser la profession à exercer à la fois en ville et à l’hôpital ou de travailler dans plusieurs établissements. Les sages-femmes pourraient aussi enseigner à l’université tout en restant en poste à l’hôpital alors qu’aujourd’hui, les professionnelles qui veulent donner des cours sont souvent contraintes de « poser des congés ou une disponibilité », explique Caroline Raquin, présidente de l’ONSSF.

Le maintien des sages-femmes dans la Fonction publique que Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, a décidé début mars n’a donc pas donné satisfaction au collectif. La création du statut médical de sages-femmes des hôpitaux s’accompagne malgré tout de réelles avancées pour l’intersyndicale CFDT, CGT, FO, Sud et Unsa : renforcement de la représentation des sages-femmes au sein des Commissions médicales d’établissement (CME), cotation spécifique des actes réalisés par les sages-femmes, création d’unités de physiologie qui pourront être placées sous la responsabilité des sages-femmes… Sauf qu’en pratique, ces unités qui doivent être avalisées par la CME ne verront pas le jour, prédit le collectif.

Qu’en disent les médecins justement ? Assez frileux à s’exprimer ou soucieux de bien peser leurs mots, ils insistent surtout sur la nécessaire complémentarité des professionnels. Ils font valoir qu’un accouchement physiologique peut rapidement devenir à risque. Dans ce cas, le médecin doit pouvoir intervenir sans délai et décider de la marche à suivre. Ce qui pourrait être compromis si les responsabilités étaient éparpillées…

Niet pour le statut de PH

Au terme des échanges organisés ces derniers mois par le ministère sous la conduite d’Édouard Couty en vue d’aboutir à un accord sur le statut des sages-femmes hospitalières, deux options ont finalement été mises sur la table : statut médical de sages-femmes des hôpitaux au sein de la Fonction publique ou praticien en maïeutique avec possibilité d’exercer à temps plein, à temps partiel ou comme vacataire.

En résumé, niet pour le statut de praticien hospitalier qui reste réservé aux médecins, sur concours. Les raisons invoquées : les médecins font au moins dix ans d’études contre cinq pour les sages-femmes; ils ont des compétences générales et non pas limitées comme les sages-femmes… Incompréhension du collectif qui n’a jamais voulu que les sages-femmes soient considérées comme des médecins ou des pharmaciens mais comme du personnel médical hospitalier. Mais qui refuse d’être sous la coupe des médecins.

Mises en garde

Les syndicats se sont eux réjouis que les sages-femmes soient finalement maintenues dans la Fonction publique. À l’inverse, elles y auraient beaucoup perdu en termes de retraite, de temps de travail… Elles auraient aussi perdu les avantages des oeuvres sociales. Les médecins les ont d’ailleurs mises en garde contre les risques qu’elles prenaient à quitter la Fonction publique pour un statut qu’ils critiquent volontiers. L’autonomie du PH est « un leurre » pour le Dr Nicole Smolski, présidente d’Avenir hospitalier, intersyndicale de PH. Depuis la loi HPST, la soumission à la hiérarchie hospitalière va croissante, dénoncent les médecins qui bataillent aussi aujourd’hui pour mieux réglementer leur temps de travail.

Au fond, c’est une révision complète de leur statut que les PH réclament. « Le statut est mauvais », selon le Dr Norbert Skurnik, président de la Coordination médicale hospitalière (CMH). « Nous voudrions un système de valences avec une part importante du salaire qui pourrait être adaptée en fonction de tel ou tel compétence supplémentaire ou tel ou tel critère : travail en zone isolée, avec des malades difficiles, animation d’équipe… », propose-t-il. À voir si cette proposition sera retenue par les groupes de travail tout juste mis en place par le ministère. Charge à eux globalement de restaurer l’attractivité de l’hôpital pour les médecins.

Sandra Jégu

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