La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a publié, début février, un volumineux rapport (320 pages) intitulé : « Évaluation de la stratégie nationale de santé 2018-2022 ». Lancée à l’été 2017, la SNS 2018-2022 a été définie par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé. Le rapport de la Drees analyse sa cohérence avec les enjeux de santé et les plans et projets de santé, au niveau national et régional, puis les résultats et les impacts de la SNS et, enfin, formule des recommandations dans la perspective de la rédaction de la prochaine SNS, construites sur la base des enseignements de l’évaluation.

« Sans établir de grandes priorités », la stratégie nationale de santé 2018-2022 propose un important niveau de couverture des enjeux de santé et fait preuve d’une « cohérence forte » avec les enjeux de santé publique et les attentes des acteurs interrogés, notamment les usagers et leurs représentants, peut-on lire dans le rapport. « La crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 a confirmé le caractère stratégique et prioritaire de certains domaines d’actions de la SNS, autour de la gestion des disparités sociales et territoriales en matière d’accès à l’offre de soins ou du renforcement de la politique de santé mentale », souligne la Drees. Cette crise a également permis d’accélérer la réalisation de certains objectifs, tels que :

• « Généraliser les usages du numérique en santé pour abolir les distances », dont la généralisation de la télémédecine dans la pratique quotidienne ;
• « Adapter le système de veille et de vigilance aux « signaux faibles » ou aux risques émergents et renforcer la résilience du système de santé face aux situations exceptionnelles » ;
• « Promouvoir une action européenne et internationale de santé » ;
• « Garantir l’accès aux traitements innovants. »

La SNS 2018-2022 n’ayant pas fait l’objet d’actions de suivi spécifiques, ses impacts globaux sont « difficiles à appréhender », estime la Drees. En particulier, le choix d’un suivi par un nombre limité d’indicateurs de résultats et d’impacts pour une stratégie aussi englobante « s’apparente à la quadrature du cercle. » Parallèlement, le rapport pointe « un faible impact de la SNS sur les pratiques des acteurs du système de santé. » De fait, les travaux d’évaluation ont montré que la SNS n’a pas constitué de cadre de référence, ni eu d’impact direct sur la pratique concrète des acteurs de l’écosystème de la santé, tant au niveau national qu’au niveau régional et « terrain ».

Les travaux d’évaluation de la SNS 2018-2022 ont conduit la Drees à élaborer des recommandations et des pistes de réflexion sur les objectifs, les modalités d’élaboration et de mise en œuvre de la prochaine SNS, « normalement prévue dès 2023. » Neuf conditions de réussite ont ainsi été identifiées pour préparer au mieux la prochaine SNS (à cadre juridique).

Le portage de la SNS

La Drees préconise un portage de la SNS de haut niveau (cabinet du ministre) imposant un caractère interministériel, du fait des liens avec les politiques de nombreux autres ministères.

La création d’une équipe transversale

Le rapport suggère la création d’une équipe transversale au sein du ministère chargé de la Santé et des Solidarités. Cette équipe serait dédiée à la conception, la mise en œuvre et au suivi de la SNS pour :

• Assurer une meilleure dynamique dans la durée et une meilleure continuité entre la conception, la mise en œuvre et le suivi ;
• « Incarner » la SNS dans la durée et favoriser son appropriation.

L’équipe transversale devrait intégrer différents profils et compétences incluant la gestion de projet, la connaissance des sujets de santé, la connaissance de l’écosystème d’acteurs, à la fois internes à l’administration et externes (professionnels de santé, établissements, usagers…).

Un processus d’élaboration associant les acteurs de santé

La Drees prône un processus d’élaboration assurant une participation des acteurs de santé destinataires de la SNS, notamment ceux qui seront amenés à la mettre en œuvre et à la déployer sur le terrain. Et ce, dès la phase de diagnostic, pour que la stratégie repose sur des bases partagées afin de favoriser son appropriation. « La SNS doit être emblématique de la mise en œuvre de la démocratie en santé », insiste la Drees.

Une hiérarchisation des objectifs

La hiérarchisation des objectifs devra permettre d’éviter l’effet « catalogue » de la SNS 2018-2022. La SNS pourrait ainsi comporter deux parties : des actions à poursuivre et des actions prioritaires à mener.

Une stratégie bâtie sur un diagnostic partagé

Cette stratégie serait nourrie, à la fois, de travaux existants (statistiques sur l’état de santé de la population, exploitation des bases de données existantes et travaux qui en sont issus, travaux du HCSP, travaux du HCAAM, travaux de la CNS…), de travaux académiques et d’études de comparaisons internationales. De même, il est important d’investir dans des travaux de prospective, précise la Drees. Par exemple, sur les grands défis de santé à long terme ; l’évolution des moyens, des ressources humaines ; les innovations technologiques ; l’impact du numérique ; la gestion de crise…

Un positionnement clair de la SNS par rapport aux autres documents liés à la mise en œuvre de la politique de santé

Une cohérence entre les priorités de la SNS et les moyens de sa mise en œuvre dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS)

Un suivi régulier des déclinaisons de la SNS

Une communication forte et régulière

Enfin, la Drees milite en faveur d’une communication forte et régulière autour de la SNS à toutes les phases du projet. Cette communication devra permettre de :

• Garantir le caractère interministériel de la SNS et permettre au Parlement d’exercer sa fonction de contrôle au regard des actions déployées par le Gouvernement dans ce domaine ;
• Donner de la visibilité aux parties prenantes sur ce qu’est la SNS, sur ses objectifs et sur son articulation avec les plans et cadres existants, dans une logique de lisibilité ;
• Informer régulièrement sur les actions de suivi et les réflexions en cours, dans une logique de transparence, de manière également à « rythmer » le suivi de la SNS.