Suivi gynéco, contraception, IVG : les compétences des sages-femmes encore méconnues

Publié le 18 décembre 2023 à 11h15 - par

Non, les sages-femmes ne sont pas là que pour les accouchements. Elles peuvent aussi s’occuper du suivi gynécologique, de la contraception, de la vaccination et bientôt de l’IVG instrumentale : leurs compétences se sont étendues depuis 20 ans, mais restent largement méconnues.

Suivi gynéco, contraception, IVG : les compétences des sages-femmes encore méconnues
© Par capifrutta - stock.adobe.com

« Quand on pose la question, tout le monde sait que les sages-femmes sont présentes au moment d’une naissance. Mais tout le suivi gynécologique est dans l’ombre », regrette Isabelle Derrendinger, présidente du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes. Des centres-villes aux déserts médicaux, « trop peu de femmes savent que dès lors qu’elles sont en bonne santé, elles peuvent venir nous voir » tout au long de leur vie, pour leurs examens de prévention comme le frottis, la prescription d’une contraception, y compris la pose d’un stérilet, poursuit-elle. Les sages-femmes ont pourtant ces compétences depuis 2009.

Pour favoriser l’accès aux soins, dans un contexte de désertification médicale, les pouvoirs publics ont depuis amendé la loi à plusieurs reprises, permettant à cette profession de dépister et traiter certaines infections sexuellement transmissibles (IST), prescrire certains médicaments ou réaliser des IVG médicamenteuses.

Un décret publié dimanche 17 décembre 2023 leur permet désormais – après formation – de pratiquer des IVG instrumentales en milieu hospitalier, seul endroit où ces IVG peuvent être pratiquées. Un autre texte leur a donné en août 2023 la possibilité de vacciner toute la population selon le calendrier vaccinal (sauf les personnes immunodéprimées). Depuis 2021, elles peuvent également dépister et traiter certaines IST chez les partenaires de leurs patientes.

« Rendez-vous dans la semaine »

« Bien sûr, on ne traite pas les personnes atteintes d’hépatite, de VIH, qu’on réoriente vers un médecin. Mais on peut traiter le chlamydia (une infection sexuellement transmissible) par exemple », explique Prisca Wetzel-David, présidente de l’Union nationale et syndicale des sages-femmes (UNSSF).

Dans son cabinet parisien, Mme Wetzel-David reçoit « très régulièrement » des femmes qui tombent des nues, « informées par une amie, une collègue », après avoir « longtemps cherché un rendez-vous gynéco ». Quelques-unes « viennent aussi parce que leurs mutuelles ne couvrent pas bien les dépassements d’honoraires des médecins ».

Trinh Nguyen-Dinh, 32 ans et habitant en région parisienne, a « découvert cette possibilité » fin 2022. « Chez ma gynéco, toujours débordée, je prenais rendez-vous minimum six mois à l’avance, parfois plus. Un jour, j’en ai eu marre. Je n’avais vu personne depuis deux ans et une amie m’a conseillé un homme sage-femme qui la suivait. J’ai eu rendez-vous dans la semaine. C’était génial ».

Enceinte quelques mois plus tard, elle choisit d’être suivie par une sage-femme. « Les consultations sont longues, j’avais toujours cette sensation qu’elle avait le temps de répondre à mes questions, me rassurer. Je n’ai vu le gynécologue qu’au huitième mois, à la maternité », raconte-t-elle. Une autre sage-femme suit désormais l’allaitement à domicile.

« Ce suivi de grossesse de A à Z auprès d’une sage-femme en ville est de plus en plus répandu, il est possible dès lors qu’il n’y a pas de pathologies », souligne Caroline Combot, qui exerce à Belfort et préside l’ONSSF (Organisation nationale des syndicats de sages-femmes).

Violences conjugales

Depuis cet automne, les femmes enceintes peuvent même déclarer une sage-femme dite « référente », chargée de coordonner leur parcours de grossesse : organiser l’aspect administratif, le lien avec les autres soignants impliqués…

Un gros tiers des 24 354 sages-femmes recensées début 2023 avaient une activité libérale, ou en partie libérale, contre 20 % en 2012, selon les chiffres du ministre de la Santé. Le métier de sage-femme est accessible après six ans d’études.

« Les femmes de moins de 30 ans sont de mieux en mieux informées », mais les autres « beaucoup moins », malgré le nécessaire dépistage des IST et cancers, regrette Mme Combot, qui réclame « une vraie campagne de communication », avec spots et affiches. Selon une étude Ifop réalisée en 2022 pour la plate-forme Qare, une femme sur trois n’avait pas consulté de gynécologue depuis plus de deux ans, et 22 % depuis trois ans. Et le rôle des sages-femmes est encore appelé à grandir, notamment dans l’éducation sexuelle, la prévention des addictions ou le repérage des violences conjugales.

Mais l’activité « augmente beaucoup plus vite que le nombre de professionnelles » et « nos délais s’allongent aussi », observe Prisca Wetzel-David, qui appelle à donner « plus d’attractivité au métier ».

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