La prolongation controversée du passe sanitaire en Conseil des ministres

Publié le 13 octobre 2021 à 9h40 - par

« Blanc-seing » ou simple « boîte à outils » ? Le projet de loi prolongeant jusqu’au 31 juillet 2022 le recours possible au passe sanitaire est présenté mercredi 13 octobre 2021 en Conseil des ministres, sous le feu des oppositions qui contestent la décision d’enjamber l’élection présidentielle.

La prolongation controversée du passe sanitaire en Conseil des ministres

Le texte, que l’AFP a pu consulter, a cependant été légèrement amendé après son passage en Conseil d’État pour inclure la présentation par le gouvernement d’un « rapport » au Parlement, faisant un point d’étape sur les mesures prises et « précisant les raisons du maintien, le cas échéant, de certaines d’entre elles ». Ce bilan doit intervenir au minimum trois mois après la publication de la loi, et « au plus tard le 28 février 2022 », date de la fin de la session parlementaire. En parallèle, le texte présenté mercredi 13 octobre 2021 durcit les sanctions en cas de fraude au passe sanitaire, jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Mais il ne règle pas l’épineux cas de l’articulation de ce passe avec le déploiement progressif de la troisième dose de vaccins, pour l’heure réservée aux personnes âgées ou vulnérables.

Bien que le reflux de l’épidémie de Covid-19 se poursuive sur la majorité du territoire, l’exécutif entend éteindre tout procès en imprévoyance en cas de regain, en étendant la légalité du passe sanitaire, dont l’échéance était prévue au 15 novembre 2021, jusqu’au milieu de l’été prochain. Quant au régime juridique actuel, qui permet de limiter localement les déplacements des personnes ou de fermer certains établissements en cas de forte reprise épidémique, il est également prorogé du 15 novembre 2021 jusqu’au 31 juillet 2022.

Ce bonus de huit mois fait aussi grincer des dents à droite comme à gauche, car il évacue le débat de la campagne et des élections qui scanderont le premier semestre 2022. « Il n’est pas question de donner un blanc-seing jusqu’au 31 juillet 2022, il faut que ça soit sous le contrôle du Parlement », a ainsi tonné mardi 12 octobre 2021 sur Franceinfo le président du Sénat Gérard Larcher. « Ça veut dire que, en février, nous devrons débattre à nouveau de la poursuite du processus de sortie de l’urgence », a-t-il ajouté, en dénonçant « une atteinte aux libertés individuelles et collectives ».

« Festival de démagogie »

Reçus en visioconférence mardi 12 octobre 2021 par Jean Castex, lors d’un comité de liaison parlementaire, les députés Jean-Christophe Lagarde (UDI et Indépendants) et Sébastien Jumel (communiste) ont fait savoir leur opposition à un tel délai sans consultation du Parlement. Même tonalité chez les sénateurs qui ont signifié que « le débat » au Palais du Luxembourg « allait se jouer sur la place du contrôle du Parlement », selon un participant à la réunion. Après avoir hésité à instaurer une clause de revoyure au Parlement au premier trimestre 2022, la majorité a fait le calcul que « quoi qu’on fasse les oppositions hurleront ». « Et si on approche de l’élection elles gueuleront plus fort. Pour nous, ce sera un mauvais moment à passer mais ce n’est pas très grave », avance un proche du président.

Ce nouveau projet de loi est « une boîte à outils » dans laquelle le gouvernement pourra piocher en cas de besoin, a défendu de son côté Olivier Becht, patron du groupe Agir, une des composantes de la majorité présidentielle. Et le même prédit « un festival de démagogie » en cas de retour du Parlement « à trois semaines de la présidentielle ». « L’enjeu pour nous n’est pas de dire que nous allons prolonger indéfiniment des contraintes », avait de son côté plaidé fin septembre 2021 le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal. L’exécutif, qui a écarté de rendre la vaccination obligatoire, a fait du passe sanitaire un pivot de sa stratégie anti-covid, provoquant depuis plus de trois mois des manifestations qui ont réuni samedi 9 octobre 2021 environ 40 000 personnes.

Le passe est devenu obligatoire le 21 juillet 2021 dans les lieux accueillant plus de 50 personnes avant d’être instauré dans les hôpitaux (sauf urgences), les bars et restaurants, puis étendu au 30 août 2021 aux 1,8 million de salariés au contact du public et fin septembre 2021 aux 12-17 ans. La fin de la gratuité de certains tests dits « de confort » au 15 octobre 2021 constitue un nouvel étage de cette stratégie, en encourageant encore davantage la vaccination.

Copyright © AFP : « Tous droits de reproduction et de représentation réservés ». © Agence France-Presse 2021


On vous accompagne

Retrouvez les dernières fiches sur la thématique « Services à la population »

Voir toutes les ressources numériques Services à la population