Le gouvernement lance un « Beauvau de la sécurité civile » pour réformer un modèle qui s’essouffle

Publié le 23 avril 2024 à 8h00 - par

Le gouvernement lance mardi 23 avril 2024 au ministère de l’Intérieur un cycle de concertations pour repenser le modèle de la sécurité civile, en première ligne face au dérèglement climatique et la désertification médicale sans que les finances suivent.

Le gouvernement lance un "Beauvau de la sécurité civile" pour réformer un modèle qui s'essouffle
© Par Thomas Pajot - stock.adobe.com

Ce « Beauvau de la sécurité civile » doit réunir sur plusieurs mois tous les acteurs du secteur, y compris les financeurs – départements et communes –, pour « réfléchir aux évolutions de financement » et « aux métiers » de la sécurité civile, a indiqué sur X le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.

Le rendez-vous intervient près de 30 ans après la loi de départementalisation des services d’incendie et de secours (SDIS) et 20 ans après celle sur la modernisation de la sécurité civile.

« La première des choses, c’est de redéfinir le champ missionnel » des sapeurs-pompiers affirme à l’AFP Jean-Paul Bosland, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF).

« On prend de plein fouet la désertification médicale », sans oublier « les conséquences du dérèglement climatique » – feux de forêt, inondations… – souligne le lieutenant-colonel, qui alerte « depuis plusieurs mois sur le problème d’augmentation opérationnelle permanente ».

« Il y a une utilisation abusive des sapeurs-pompiers qui deviennent la cinquième roue du carrosse en matière sociale ou en matière d’interventions qui n’ont pas le caractère d’urgence », abonde Olivier Richefou, président de la conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS).

« Des efforts financiers considérables »

« Alors que nombre de SDIS ont eu du mal à boucler leur budget », André Accary, président de la commission SDIS de Départements de France, juge que ce rendez-vous est l’occasion de « tout remettre sur la table », à commencer par le système de financement.

Aujourd’hui, les SDIS sont financés à 90 % par les départements et les communes et à 10 % par l’État, au travers notamment de la taxe sur les conventions d’assurances (TSCA), explique M. Accary, président divers droites du département de Saône-et-Loire. Ces dernières années, « il a fallu faire des efforts financiers considérables sur l’ensemble des territoires pour adapter la réponse en termes de matériel », relève-t-il.

L’élu espère que ce « Beauvau ne sera pas juste une gesticulation ». « Il faut vraiment qu’on arrive à déboucher sur des mesures concrètes, réalistes et surtout finançables, pour vraiment pérenniser le modèle français de sécurité civile ».

Départements de France, comme la FNSPF, plaide notamment pour une réforme de la TSCA, « qui n’a jamais été révisée », souligne Jean-Paul Bosland.

M. Bosland suggère également, « une piste parmi tant d’autres », la mise en place d’une taxe Airbnb. « Les plateformes de location montent en puissance. Avec plus de nouveaux locataires occupants, “c’est du potentiel d’interventions supplémentaires pour nous” », affirme-t-il.

Il réclame aussi une augmentation des effectifs à 250 000 sapeurs-pompiers volontaires, contre 197 000 actuellement, et à 45 000 sapeurs-pompiers professionnels, contre 41 000 actuellement.

Manifestation le 16 mai 2024

La Fédération et Départements de France comptent également sur ce Beauvau de la sécurité civile pour défendre le modèle français basé sur le volontariat, aujourd’hui menacé par une directive européenne relative au temps de travail.

De leur côté, les syndicats abordent le rendez-vous avec combativité. Les neuf organisations syndicales représentatives des sapeurs-pompiers professionnels ont lancé cette semaine un appel unitaire à une mobilisation, le 16 mai 2024 à Paris, pour faire « front commun » en vue des concertations.

Une telle unité est inédite, souligne l’intersyndicale. Preuve pour Xavier Boy, président fédéral FA/SPP-PATS, première force syndicale des SDIS de France, d’un ras-le-bol face à des revendications restées sans réponse de longue date.

Les organisations syndicales réclament elles aussi une refonte du financement des SDIS, ainsi que la revalorisation de la prime de feu, actuellement de 25 % du salaire ou une révision des mesures de fin de carrière.

« Maintenir la sécurité civile telle qu’on la connaît aujourd’hui, c’est aller droit dans le mur », martèle M. Boy.

« On est face à des problématiques de fond qui durent depuis des années », enchérit Anthony Chauveau, président du syndicat de pompiers SPASDIS-CFTC.

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