Face à la sécheresse, le combat des pompiers pour sécuriser l’eau

Publié le 13 juillet 2023 à 13h40 - par

Des lances dernier cri aux cuves à vin, les pompiers sont contraints d’adapter leurs pratiques face au réchauffement climatique et au stress hydrique. Parmi leurs objectifs : sécuriser l’eau, « le nerf de la guerre » contre le feu.

Face à la sécheresse, le combat des pompiers pour sécuriser l'eau
© Par gilitukha - stock.adobe.com

En 2022, année la plus chaude et une des deux années les moins pluvieuses en France depuis 1959, 72 000 hectares ont été dévorés par les flammes, dont 41 % dans des feux hors-norme en Gironde.

À l’heure où 68 % des nappes phréatiques sont toujours sous leur niveau normal, « la disponibilité de l’eau devient un vrai enjeu », relève le capitaine de corvette Mathieu, du bataillon des marins-pompiers de Marseille (BMPM).

« Le nerf de la guerre, c’est clairement d’avoir la permanence de l’eau quand on est en opération de feu », poursuit-il. De préférence en évitant de recourir à l’eau potable, dont 700 communes ont été privées l’été dernier. Le sujet est d’autant plus brûlant que 2022 a marqué un point de rupture, selon le Haut conseil pour le climat.

Dans son rapport annuel, l’organisme indépendant note que « malgré des moyens conséquents » et une hausse des dépenses de fonctionnement de 12,9 %, « l’évolution des conditions propices aux risques de feux de végétation a montré l’efficacité, mais aussi les limites, des politiques de prévention et de gestion de risque qui prévalaient jusqu’à présent ». Les pompiers cherchent donc de nouvelles sources d’eau brute, d’origine naturelle, mais non potabilisée. Le Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) des Pyrénées-Orientales récupère par exemple l’eau tirée des piscines des campings pour la stocker dans des cuves à vin désaffectées.

Nappes d’eau

Celui de l’Hérault a puisé fin juin les 500 m3 de la piscine de Palavas-les-Flots et signé une convention sur l’eau brute qui a permis de constituer plus de 4 000 m3 de réserve stratégique pendant la saison des feux de forêt.

« L’idée est extraordinaire, la réalisation se heurte parfois à des difficultés de logistique, de coût, de manque de cuves ou de matériaux de stockage non adaptés selon les régions », relève toutefois le lieutenant-colonel Michel Persoglio du SDIS du Var. Dans ce département du Sud-est, les pompiers se sont tournés vers des nappes d’eau brute comme le canal de Provence ou le lac de Sainte-Croix, où il est possible d’aspirer par camion ou voie aérienne. Mais cela nécessite parfois de « faire beaucoup de kilomètres » et donc de mobiliser hommes et carburant, relève-t-il.

Dans le Var comme à Marseille, l’eau de pluie constitue une autre ressource clé, recueillie dans des cuves enterrées ou posées en surface, pour certaines déplaçables et munies de trappes pour permettre à des aéronefs de s’y ravitailler.

Pour économiser l’eau, les pompiers recourent aussi au « rouge », des agents chimiques déversés pour leur action retardante sur la végétation, ou aux « feux tactiques » qui consistent à brûler de manière contrôlée une zone avant l’arrivée des flammes.

À ces méthodes anciennes s’ajoutent les possibilités promises par l’innovation. Parmi elles, la technologie développée et brevetée par la start-up Zelup et la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. Elle consiste à former un brouillard constitué de milliards de microgouttelettes propulsées loin et censées absorber l’énergie de l’incendie.

Brouillard de gouttelettes

Cela permet d’utiliser « 95 % de 100 litres/minute pour attaquer le feu, avoir un meilleur rendement et une consommation d’eau cinq à six fois moins importante », assure le concepteur du système, Thomas Issler.

La phase expérimentale en milieu urbain s’est achevée à l’automne 2022. Fin juin, une vingtaine de lances de ce type étaient utilisées et 400 étaient en commande pour les deux ans à venir, selon Zelup. Cet été, son système doit être testé pour la première fois par les pompiers de Marseille sur les feux de végétation, et avec lui son degré de protection supposé des pompiers.

La Gironde déploie quant à elle cet été une solution de détection précoce de départs de feu soutenue par l’intelligence artificielle. Baptisée « FireGard » et développée par la start-up MidGard, elle traite les images captées 24 heures sur 24, jusqu’à 20 km et sur 360 degrés, par les huit caméras intelligentes, avec la garantie, selon l’entreprise, de détecter des départs d’incendie en moins de trois minutes. Selon le BMPM, qui manie l’outil depuis 2022, on est encore dans la phase d’expérimentation et l’intelligence artificielle nécessite encore d’être nourrie d’images.

« Chaque département est exposé à des risques de feux de végétation (…). S’il a des forêts exploitées, du massif entretenu, du relief, il aura ses propres techniques et méthodes adaptées », conclut le capitaine de corvette Mathieu.

« Beaucoup de SDIS sont dans ces démarches d’adaptation, même si l’énergie a été la priorité plus que l’eau », commente Olivier Richefou, président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours.

Outre les véhicules électriques, certains s’attellent à réutiliser l’eau des entraînements, d’autres à l’économiser en testant des masques à réalité virtuelle, ou réfléchissent à des citernes sous les casernes pour recueillir l’eau de pluie. « L’effort doit être général », note le lieutenant-colonel Persoglio, « les pompiers ne sont qu’une goutte d’eau ».

Copyright © AFP : « Tous droits de reproduction et de représentation réservés ». © Agence France-Presse 2023


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